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RÉVOLUTION DE 1884

A la suite de la révolution de 1882, des troupes chinoises et japonaises tenaient garnison à Séoul. Ce voisinage entre soldats de nations rivales devait forcément amener des rixes qui pouvaient un jour dégénérer en révolution : c'est ce qui

arriva.

Le mercredi 4 décembre 1884, pour célébrer l'inauguration du service de la poste d'Intchyen à Séoul, un grand banquet fut donné à l'hôtel des Postes par le directeur général des postes de Corée, Houng, auquel furent invités les fonctionnaires européens, parmi lesquels se trouvaient le ministre des États-Unis, le général Foote, le consul général d'Angleterre, M. Aston, M. P. G. von Möllendorff, etc., mais aucun Chinois. Un incendie, allumé sans doute par la malveillance ou plutôt par des conspirateurs, éclata, à la fin du repas, vers dix heures, dans une maison voisine. Le général Min-yang-i-ki se précipita au dehors pour donner des ordres, mais il fut immédiatement assailli à coups de sabre, reçut sept blessures et tomba dans les bras de M. von Möllendorff, accouru à son secours. Les quatre meneurs, Palkkeum-moun-youi, Kim ok-kyoum, Saye-koum-pou, Hong yeng-syetri se rendirent au palais, effrayèrent le roi, qui se sauva sous l'escorte de soldats japonais, mais le 5, à 10 heures du matin, sept ministres ou fonctionnaires, Min-tai-ho, Minyeng-mouk, Tjyo-yeng, Mi-tjyo-yeng-i, Hang-kiou-tjyk, Youn-t'ai-ou-an-i et You-tji-ta furent massacrés par douze étudiants coréens déguisés en Japonais, et un nouveau gouvernement fut formé avec Kim-ok-kyoum, ancien ministre de Corée à Tokio, à sa tête.

Le général chinois Youen Che-kai, commandant la garnison chinoise, qui se présenta au palais pour protéger le roi, le trouvant occupé par le ministre japonais Takezoyé

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et ses soldats, ouvrit le feu sur eux; une bagarre s'ensuivit, la populace s'en mêla; la maison de Kim-okkyoum, la légation du Japon furent incendiées et les soldats du Mikado se retirèrent avec leur ministre à Tchemoulpo, où ils arrivèrent le 8. Ils y trouvèrent le Chitose Maru, sur lequel ils embarquèrent environ 250 femmes et malades japonais qu'ils renvoyèrent au Japon où ils arrivèrent le 13. Aussitôt que le gouvernement du Mikado apprit les événements de Séoul, des navires de guerre furent envoyés sur la côte de Corée. Il semble bien que les Japonais avaient fomenté les troubles qui tournèrent à leur désavantage, et au grand profit des Chinois dont ils avaient voulu se débarrasser.

De leur côté, les Chinois, occupés avec les affaires du Tong-King, désiraient un accommodement avec le Japon et Li Houng-tchang fut chargé de rétablir l'ordre en Corée. Peut-être aurions-nous pu profiter de la situation et nous. entendre avec le Japon, si celui-ci, à la suite de nos efforts infructueux à Formose, n'avait été convaincu de notre faiblesse.

Les Japonais obtinrent d'ailleurs prompte satisfaction et le 9 janvier 1885 (24° jour, 11° mois, 493° année depuis la fondation de la Corée; 9o jour, 1er mois, 18 année de Meidji), un traité en cinq articles fut signé en japonais et en chinois à Séoul par le comte Inouyé Kaoru, haut commissaire du Japon et Kym Hoing-Jip, Haut Commissaire de Corée, qui stipulait le paiement d'une indemnité, la punition des coupables et la reconstruction de la légation japo

naise.

I.

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TRAITÉ CORÉEN-JAPONAIS, 9 JANVIER 1885

La Corée fera des excuses au Japon.

II. La Corée paiera cent dix mille yen en guise de dommages

et intérêts aux parents des sujets Japonais qui ont été tués ou blessés dans les troubles récents et d'indemnité aux marchands japonais dont la marchandise a été détériorée ou pillée à la même époque.

III. Les émeutiers compromis dans l'assassinat du Capitaine ISOBAYASHI seront arrêtés et condamnés aux châtiments que comporte leur crime.

IV. La Légation Japonaise sera reconstruite, la Corée fournissant un emplacement et des matériaux pour cette construction et un Consulat, et de plus déboursant une somme de vingt mille yen pour défrayer les dépenses de ces travaux.

V. ---- Une caserne pour la garde militaire japonaise sera élevée sur le terrain adjacent à la Légation et d'accord avec les conditions de l'Article 5 du Traité Supplémentaire de 1882.

APPENDICE

Les sommes stipulées dans les Articles II et IV seront comptées en espèces d'argent japonais et devront être payées sans faute, à Jen-tchouan, dans les trois mois.

Le châtiment des émeutiers marqué dans l'Article III devra être exécuté dans les vingt jours à partir de la date de la signature de cette Convention.

Ce traité eut pour conséquence la signature d'une convention en avril 1885 entre la Chine et le Japon dans le but de régler les relations des deux puissances avec la Corée. Le comte Ito était arrivé le 14 mars à Tien-Tsin où l'attendait l'amiral Enomoto, pour conduire les négociations.

CHAPITRE XXVIII

LÉGAT OU NONCE, A PÉ-KING? 1885-1886

LÉGAT

Voyant les difficultés entre la France et la Chine se prolonger et craignant pour la sécurité des missions catholiques privées de leur protecteur, le Pape crut utile d'adresser à l'Empereur chinois une lettre pour demander son bienveillant appui en faveur des prêtres catholiques évangélisant dans son pays. Le texte latin de cette lettre, dont nous donnons la traduction française, fut communiqué dès le mois de février 1885, par le secrétaire de la Propagande, de la part de Sa Sainteté, à M. Ed. Lefebvre de Béhaine, notre ambassadeur près du Saint-Siège. Le préfet de la Propagande' remit le texte latin à notre ambassadeur, le 26 février. On fit choix pour porter cette lettre du P. Giulanelli, désigné pour administrer une nouvelle mission au Chen-Si :

LETTRE DU SAINT-PÈRE

A l'illustre et très puissant Empereur des deux Tartaries et des Chinois.

TRÈS GRAND EMPEREUR,

La guerre qui a éclaté dernièrement dans certaines régions de

1. Le cardinal Jean Simeoni, successeur du cardinal Franchi et prédécesseur du cardinal Miceslas Ledochowski, a été préfet de la Propagande de 1878 à 1892. Le secrétaire était Mgr (Cardinal) Dominique Marie Jacobini, archevêque de Tyr, de 1882 à 1891; né à Rome, 3 sept. 1837; cardinal, 22 juin 1896.

Votre Empire Nous presse de faire tous nos efforts pour gagner Votre Bienveillance et Votre Clémence, afin qu'il ne résulte de ces luttes guerrières, aucun dommage pour la religion catholique. En cela, Nous accomplissons un légitime devoir, puisqu'il Nous appartient de protéger, autant que nous le pouvons et en tout lieu, le catholicisme. Nous suivons l'exemple de Nos prédécesseurs, qui, plus d'une fois, ont imploré les puissants Princes, Vos ancêtres, en faveur des missionnaires d'Europe et du peuple chrétien.

Ce qui Nous inspire un grand espoir, c'est que vous avez donné, en ce temps même, plusieurs témoignages de Votre bon vouloir à l'égard des chrétiens; Nous avons su, en effet, qu'au début de la guerre, Votre autorité a décrété que les chrétiens devaient être respectés, et qu'on ne fit aucun mal, même aux missionnaires de la nation française.

Il n'est personne qui, en cela, grand Prince, n'ait reconnu Votre équité et Votre humanité, d'autant plus que tous les prêtres, habitant Votre florissant empire pour y prêcher l'Evangile, sont envoyés par les Pontifes Romains, de qui ils tiennent leurs charges, leur mandat et toute leur autorité. Ils ne sont pas recrutés dans une seule nation; on en compte aujourd'hui un grand nombre de l'Italie, de la Belgique, de la Hollande, de l'Espagne, de l'Allemagne, qui habitent dix provinces de Votre vaste domination. Les prêtres, tant de la Compagnie de Jésus que de la Congrégation des Missions, qui travaillent en d'autres provinces, viennent de nations très diverses. Et cela est pleinement d'accord avec la nature de la religion chrétienne qui n'est pas faite pour un seul peuple, mais pour tous, qui unit tous les hommes par des liens fraternels, sans aucune distinction de pays ni de race.

L'œuvre de ceux qui travaillent au nom de l'Évangile est très salutaire, même aux choses publiques. Ils doivent s'abstenir des affaires politiques, et se donner tout entiers à la propagation et à la sauvegarde de la doctrine de Jésus-Christ. Or les principaux préceptes de la religion chrétienne sont craindre Dieu, conserver en toute chose entièrement et inviolablement la justice, d'où cette conséquence qu'il faut se soumettre aux magistrats, honorer le roi non seulement par crainte de sa colère, mais surtout par conscience. Rien certes n'est plus propre que ces vertus à tenir la multitude dans le devoir et à conserver la sécurité publique.

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