sienne, ma nomination à la place de maire, et celle de M. Lafayette à celle de commandant-général; mais il veut que l'ordre et le calme se rétablissent, et que désormais tout coupable soit remis à la justice. » Le peuple, qui couvrait la place de Grève, demandait à grands cris à voir le roi; il parut à la fenêtre de l'hôtel-deville avec la cocarde de l'insurrection aux couleurs de Paris. A la vue de ce signe de réconciliation et d'alliance, l'ivresse du peuple fut spontanée, universelle, impossible à décrire. Les cris de vive le roi succédèrent aux cris de vive la nation! Moreau de Saint-Méry, président des électeurs, dit au prince : « Sire, vous le voyez, le trône des rois n'est jamais plus solide que lorsqu'il est gardé par l'amour des peuples. Ethis de Corny, procureur du roi, voulait qu'on élevât un monument à Louis XVI, restaurateur de la liberté et père du peuple. C'était passer les bornes de toute prudence que de hasarder une pareille proposition; mais, dans ces momens d'enthousiasme et d'entraînement, on peut tout se permettre avec les Français. LallyTollendal, à travers un pompeux éloge des bienfaits de Louis XVI, laissa échapper une apostrophe empruntée à la Passion, et qui semblait présenter le prince comme le Christ de la royauté. L'allusion, tout involontaire, n'était qu'un malheur de l'improvisation, mais n'en était pas moins cruelle; peut-être ni Louis XVI, ni aucun des auditeurs ne la sentirent; elle se perdit sans doute dans les applaudis.d semens excités par les promesses de l'orateur qui montrait la paix générale comme la conséquence immédiate de la réconciliation présente. A la chute du jour, Louis XVI, escorté par le commandant de la garde nationale, accompagné des témoignages les plus éclatans de l'allégresse publique, réprit le chemin de Versailles. Ce ne fut qu'à neuf heures du soir qu'il se retrouva dans les bras de la reine et de ses enfans. On assure que le prince dormit profondément pendant la nuit qui succéda aux différentes épreuves de cette journée! Cependant il venait de se désarmer lui-même et de sanctionner la révolution, d'accepter la souveraineté nationale, et de reconnaître la puissance de cette commune qui doit un jour demander sa tête et Lobtenir! Au milieu de ces grandes scènes, le parlement de Paris, que l'on regardait comme n'étant plus, sembla se réveiller pour se couvrir de ridicule. Dès le 16, les représentans du peuple avaient reçu un arrêté pris par cette cour le même matin, et rédigé en ces termes : « La cour, instruite par la réponse du roi du jour d'hier à l'Assemblée nationale, de l'ordre donné aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles, a arrêté que le premier président se retirera à l'instant par devant ledit roi, à l'effet de le remercier des preuves qu'il vient de donner de son amour pour ses peuples et de sa confiance dans les représentans dont le zèle et le patriotisme ont contribué à ramener la tranquillité publique. « A arrêté que le premier président fera part de l'arrêté de ce jour à l'Assemblée nationale. ». Cet arrêté déplut justement aux mandataires de la France. D'Espréménil, Saint-Fargeau et Freteau euxmêmes furent d'avis d'écrire à M. le président du parlement, pour lui faire savoir que, par respect pour la nation, il eût été convenable, dans une telle circonstance, d'envoyer, non pas une simple lettre, mais une députation à l'assemblée. Les ruines de la Bastille, démolie par ordre de la commune de Paris, proclamaient la dernière heure du despotisme. La population avait jeté par terre ce symbole de la féodalité; le mouvement de la capitale s'étendit d'abord dans les campagnes environnantes, et bientôt jusqu'au bout de la France: une nation est comme une mer sur laquelle l'ouragan ne saurait éclater sans l'agiter jus qu'aux extrémités. L'alarme qu'avait répandue la position de la capitale, les craintes des propriétaires de grains, avaient suspendu les arrivages. Paris et ses environs manquaient de blés. Des rumeurs incertaines de crimes, de conspirations, tous les récits funestes, enfans de la peur, étaient avidement reçus et propagés : les feuilles publiques les répétaient avec une crédulité dangereuse, et les commentaires du peuple agrandissaient encore les noirs fantômes créés par l'imagination. Des villes, des provinces entières étaient livrées à des terreurs paniques. Tout le monde quittait le travail, on courait aux armes, tandis que la lie du peuple, qui partout ne cherche que le pillage, s'appliquait à entretenir ces alarmes pour en profiter. A Saint-Germain, le malheureux Sauvage, marchand de grains, tombe victime au milieu d'une émeute. Les députés de la ville viennent, baignés de larmes, demander vengeance à l'assemblée, en la suppliant de ne point imputer à leurs concitoyens cet horrible assassinat; car, disent-ils dans leur douleur, il a été égorgé par des gens que nous n'avions jamais vus : ce sont des mains inconnues qui se sont trempées dans le sang de l'innocent. A Poissy, sept à huit cents brigands paraissent tout à coup, et se mettent à l'œuvre du crime. L'Assemblée nationale, prévenue de leur apparition, n'a que le temps d'envoyer une députation pour sauver un marchand de grains qui va devenir leur victime. L'archevêque de Chartres et les autres mandataires du peuple luttent avec courage contre une multitude ivre de fureur. Malgré leurs te efforts, le malheureux Thomassin est traîné au pied du mur où il sera pendu. Les habitans de Poissy, soulevés par les représentans, prennent les armes et veulent exterminer ces brigands. « Nous ne souffrirons pas, disent-ils, qu'on souille notre ville d'un crime si horrible. » Les cannibales sont mis en fuite, et abandonnent le malheureux qui allait être immolé. Paris lui-même offrait de grands sujets de crainte; malgré tous les soins de Bailly et de Lafayette, qui hâtaient l'organisation civile et militaire, la plus dangereuse effervescence régnait encore dans le sein de la capitale. Il faudrait être plus qu'un homme pour dire au peuple : <<< L'émotion de ta colère ne durera qu'autant qu'elle sera juste, et n'ira que jusque là. >>> Comme on l'a vu, la plupart des conseillers de la cour en juillet avaient fui à l'étranger. Breteuil, leur chef, avait emporté le secret du cœur du roi, et allait agir en son nom auprès des souverains étrangers; mais tous les coupables n'avaient point dépassé la frontière. Foulon qui d'abord avait fait répandre le bruit de sa mort, s'était ensuite réfugié à Viry, terre appartenant à M. de Sartines, son ami, Les paysans des environs du château, ayant eu des soupçons, vinrent demander une escorte aux Parisiens, pour arrêter et conduire à Paris l'ex-ministre. Ils arrivèrent en grand nombre à Viry, le 22 juillet, trouvèrent M. Foulon, et le firent prisonnier. Le 20, M. Berthier, intendant de Paris et gendre de M. Foulon, avait été arrêté à Compiègne. Deux officiers municipaux furent envoyés pour demander au maire de Paris ce que l'on devait faire de M. Berthier. Sur ces deux arrestations, laissons parler Bailly lui-même. « Il n'y a pas de doute, dit-il, que les meurtres commis ont été préparés ou par des ennemis particuliers de ceux qui en ont été les victimes, ou par des ennemis publics qui voulaient perpétuer les troubles et entacher la révolution de ces atrocités. D'où venait ce bruit que la capitale faisait chercher M. Berthier, tandis que, parmi les citoyens, fort aises peut-être d'être délivrés de son administration, il en était peu qui pensassent encore à lui, du moins je n'en avais jamais entendu parler? >>> La municipalité de Paris déclara d'abord qu'il n'y avait point de mandat d'arrêt contre M. Berthier de Sauvigny, et qu'il devait être mis en liberté. Les envoyés de Compiègne répliquèrent que les habitans de cette ville étaient si exaltés, qu'il devenait impossible de répondre des jours du prisonnier, si on le relâchait. Alors on décida que deux cent quarante hommes à cheval iraient chercher Berthier, et qu'on leur adjoindrait deux électeurs chargés de veiller à la sûreté de sa personne. Le matin du 22, M. Foulon fut amené à l'hôtel-de-ville. La foule entourait ce malheureux ; et, comme on l'accusait d'avoir dit que l'herbe était assez bonne pour le peuple, puisque les chevaux en mangeaient, on avait attaché une botte de foin sur son dos, et placé à sa boutonnière un bouquet d'orties. Horrible vengeance d'un mot dont rien ne garantissait l'authenticité ! L'assemblée des électeurs, dans le but de sauver M. Foulon poursuivi par la vindicte populaire, et d'épargner des crimes à la fureur de la multitude, prit l'arrêté suivant : << Toutes les personnes soupçonnées de crimes de lèsenation, accusées et saisies à la clameur publique, ou qui pourront l'être par la suite, seront conduites et renfermées dans les prisons de l'Abbaye-Saint-Germain; et MM. Carra et Duport du Tertre, électeurs, seront chargés de porter le présent arrêté à l'Assemblée nationale, pour être par elle prononcé sur la nature et l'espèce de tribunal qu'elle voudra bien constituer pour juger les personnes déjà arrêtées ou qui pourront l'être. « Les scellés seront apposés sur leurs papiers, et ceux saisis sur elles seront déposés au greffe de la ville. <<Arrête en outre qu'il sera mis sur la prison de l'AbbayeSaint-Germain une inscription portant ces mots: Prisonniers mis sous la main de la nation; << Que le commandant général de la garde nationale parisienne donnera les ordres pour la conservation des prisonniers, et que le présent arrêté sera lu. publié et affiché partout où besoin sera. » |