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rait le peuple. « Je réponds, dit Louis XVI, qu'il obéira strictement au secret que je lui demanderai. » Dernier hommage rendu à l'honneur du ministre, dont la prudence et le patriotisme étaient un obstacle au mal que méditaient les courtisans! Grâce aux sages précautions de M. Necker, au sang-froid avec lequel il apprit la nouvelle de sa disgrâce, au sentiment de déférence qui lui fit exécuter ponctuellement les ordres du roi, Versailles et Paris n'apprirent que le lendemain l'exil de leur favori. Montmorin, Saint-Priest et La Luzerne reçurent l'ordre de donner leur démission, et furent remplacés de la manière suivante : pour les finances, Breteuil président, et M. de La Galaizière contrôleur-général; pour la guerre, M. le maréchal de Broglie ministre, et M. de Laporte intendant; enfin à la marine, M. Foulon intendant.

Parmi tous ces hommes, plus ou moins dévoués aux mesures violentes, un seul mérite une attention particulière, non sous le rapport d'une haute capacité, mais à cause des dangereux conseils qu'il ne cessa de donner à la couronne. Breteuil est une de ces fatalités placées auprès des princes pour les perdre, un de ces courtisans aveugles et despotiques qui creusent le tombeau des monarchies. Son obstination et son manque de jugement amenèrent des résolutions extrêmes, trop hardies pour le caractère de Louis XVI. Paris accusait Breteuil d'être l'instigateur de l'arrestation du cardinal de Rohan, lors de la fatale affaire du collier: il rejetait cette accusation, mais il se faisait gloire de n'avoir pas voulu céder à l'archevêque de Sens qui demandait à ses collègues au ministère quelques concessions en faveur du peuple. Le nouveau président du conseil était depuis long-temps odieux à la France entière: qu'on juge de la colère du peuple en apprenant l'audace de la cour, qui avait désigné un tel homme pour remplacer le ministre bien aimé, dont il avait sollicité et pressé la disgrâce.

Breteuil se flattait de terminer la crise en trois jours; mais il avait compté sur une force qui allait lui manquer, je veux parler des troupes; il ne prévoyait d'ailleurs une résistance un peu sérieuse qu'au sein de l'assemblée nationale.

Les événemens déjouèrent bien vite ses calculs : Paris était dans la vague inquiétude qui précède les grands soulèvemens populaires. De sourdes rumeurs s'élevaient de toutes parts; on courait au Palais-Royal, on s'informait, on délibérait; quelques-uns espéraient encore que la cour reviendrait à de meilleurs conseils, lorsqu'un jeune homme, pâle, les vêtemens en désordre, s'élance sur une chaise et jette à la foule ce cri de deuil et de désespoir : Necker est exilé. Cet homme qui tient un pistolet à la main, et qui appelle le peuple aux armes, est Camille Desmoulins, lié à cette époque avec Mirabeau, et l'un de ses plus fervens admirateurs. Debout, l'œil en feu, planant sur la foule qui frémit de désespoir et de rage, le jeune révolutionnaire, triomphant de sa timidité, de l'embarras de sa prononciation, ordonne à tous les Parisiens de s'armer. Il adopte pour signe de ralliement une feuille d'arbre qu'il met à son chapeau; tous l'imitent, et bientôt les marronniers sont dépouillés. De cette foule qui se disperse, les uns courent aux armes, tandis que le plus grand nombre se précipitent sur les pas de Desmoulins. Le peuple prend le buste de Necker et celui du duc d'Orléans, qui, suivant le bruit général, allait être exilé. On les couvre d'un crêpe noir, et une foule immense les porte et les accompagne avec respect et douleur.

Ce cortége traversait la place Louis XV, lorsqu'un détachement de Royal-Allemand et de dragons vint, le sabre haut, pour disperser la multitude. Le comité secret, qui, sans redouter le mouvement, avait prévu l'indignation qui agiterait la capitale, avait fait avancer des

troupes sous les ordres de Bezenval. Les soldats allemands brisent le buste de M. Necker; celui d'Orléans échappe par hasard aux coups d'un dragon. Dans la bagarre un garde

française est tué, quelques autres personnes blessées.

M. de Lambesc, colonel de Royal-Allemand, était avec son régiment à l'entrée des Champs-Élysées. Le peuple furieux l'assaille d'une grêle de pierres. Le colonel s'indigne, la colère le transporte, il s'élance dans les Tuileries avec quelques cavaliers, et d'un coup de sabre blesse un vieillard inoffensif qui se retirait de cette scène de tumulte.

A cette vue, les cris aux armes redoublent et se répètent de proche en proche. Quelques épées brillent; le tocsin, cette voix du peuple en colère, résonne dans tous Paris; le torrent court à l'hôtel-de-ville, où les électeurs se rassemblent; quelques boutiques d'armuriers sont enfoncées; des gardes françaises s'échappent de leurs casernes, se mêlent avec la foule, régularisent le mouvement, et lui donnent un aspect redoutable; rassemblés sur les vieux boulevards, ils s'avancent en ordre de bataille, attaquent un détachement de Royal-Allemand; celui-ci, après avoir perdu trois hommes, se replie, sans riposter, sur la place Louis XV.

Les résolutions énergiques grandissaient avec la force et le péril. A onze heures du soir, les électeurs de Paris arrêtent la convocation des districts et l'armement des citoyens. Au même instant douze cents gardes françaises se rendent au Palais-Royal, se concertent entre eux; sans officiers, sans artillerie, ils se décident à se porter sur la place Louis XV, pour en chasser les troupes anti-nationales qui l'occupaient. Les citoyens applaudissent; ceux qui ont été assez heureux pour avoir des armes les accompagnent, et jurent de mourir avec leurs défenseurs. A la Ineur des torches et des flambeaux, cette troupe patriote va se placer en face du régiment allemand, qui se retire sur Versailles.

Breteuil se flattait de terminer la crise en trois jours; mais il avait compté sur une force qui allait lui manquer, je veux parler des troupes; il ne prévoyait d'ailleurs une résistance un peu sérieuse qu'au sein de l'assemblée nationale.

Les événemens déjouèrent bien vite ses calculs: Paris était dans la vague inquiétude qui précède les grands soulèvemens populaires. De sourdes rumeurs s'élevaient de toutes parts; on courait au Palais-Royal, on s'informait, on délibérait; quelques-uns espéraient encore que la cour reviendrait à de meilleurs conseils, lorsqu'un jeune homme, pâle, les vêtemens en désordre, s'élance sur une chaise et jette à la foule ce cri de deuil et de désespoir : Necker est exilé. Cet homme qui tient un pistolet à la main, et qui appelle le peuple aux armes, est Camille Desmoulins, lié à cette époque avec Mirabeau, et l'un de ses plus fervens admirateurs. Debout, l'œil en feu, planant sur la foule qui frémit de désespoir et de rage, le jeune révolutionnaire, triomphant de sa timidité, de l'embarras de sa prononciation, ordonne à tous les Parisiens de s'armer. Il adopte pour signe de ralliement une feuille d'arbre qu'il met à son chapeau; tous l'imitent, et bientôt les marronniers sont dépouillés. De cette foule qui se disperse, les uns courent aux armes, tandis que le plus grand nombre se précipitent sur les pas de Desmoulins. Le peuple prend le buste de Necker et celui du duc d'Orléans, qui, suivant le bruit général, allait être exilé. On les couvre d'un crêpe noir, et une foule immense les porte et les accompagne avec respect et douleur.

Ce cortége traversait la place Louis XV, lorsqu'un détachement de Royal-Allemand et de dragons vint, le sabre haut, pour disperser la multitude. Le comité secret, qui, sans redouter le mouvement, avait prévu l'indignation qui agiterait la capitale, avait fait avancer des

troupes sous les ordres de Bezenval. Les soldats allemands brisent le buste de M. Necker; celui d'Orléans échappe par hasard aux coups d'un dragon. Dans la bagarre un garde

française est tué, quelques autres personnes blessées.

M. de Lambesc, colonel de Royal-Allemand, était avec son régiment à l'entrée des Champs-Élysées. Le peuple furieux l'assaille d'une grêle de pierres. Le colonel s'indigne, la colère le transporte, il s'élance dans les Tuileries avec quelques cavaliers, et d'un coup de sabre blesse un vieillard inoffensif qui se retirait de cette scène de tumulte.

A cette vue, les cris aux armes redoublent et se répètent de proche en proche. Quelques épées brillent; le tocsin, cette voix du peuple en colère, résonne dans tous Paris; le torrent court à l'hôtel-de-ville, où les électeurs se rassemblent; quelques boutiques d'armuriers sont enfoncées; des gardes françaises s'échappent de leurs casernes, se mêlent avec la foule, régularisent le mouvement, et lui donnent un aspect redoutable; rassemblés sur les vieux boulevards, ils s'avancent en ordre de bataille, attaquent un détachement de Royal-Allemand; celui-ci, après avoir perdu trois hommes, se replie, sans riposter, sur la place Louis XV.

Les résolutions énergiques grandissaient avec la force et le péril. A onze heures du soir, les électeurs de Paris arrêtent la convocation des districts et l'armement des citoyens. Au même instant douze cents gardes françaises se rendent au Palais-Royal, se concertent entre eux; sans officiers, sans artillerie, ils se décident à se porter sur la place Louis XV, pour en chasser les troupes anti-nationales qui l'occupaient. Les citoyens applaudissent; ceux qui ont été assez heureux pour avoir des armes les accompagnent, et jurent de mourir avec leurs défenseurs. A la Ineur des torches et des flambeaux, cette troupe patriote va se placer en face du régiment allemand, qui se retire sur Versailles.

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