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IMPRIMERIE DE P. BAUDOUIN,

rue et hôtel Mignon, no 2.

DE

LA RÉVOLUTION

FRANÇAISE,

PAR M. P. - F. TISSOT,

Membre de l'Académie francaise.

TOME DEUXIÈME.

Paris.

SILVESTRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
8, rue Thiroux';

BAUDOUIN, IMPRIMEUR.

1854-1835.

DE

LA REVOLUTION

FRANÇAISE.

CHAPITRE IV.

Révolution dans le ministère. - Troubles dans Paris à la nouvelle de l'exil de Necker. - Décret sur la responsabilité des conseillers de la couronne.

PENDANT que l'assemblée adoptait cet admirable manifeste, qui fut porté au prince le 10 juillet par une députation, la cour, en conspiration flagrante, poursuivait ses criminels desseins : le roi lui-même ne savait peut-être pas à quels excès on voulait l'entraîner; mais il était assez initié au complot pour répondre à l'adresse des mandataires de la nation par le refus de renvoyer l'armée.

« Si pourtant, disait-il, la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris causait encore de l'ombrage, je me porterais, sur la demande des États-Généraux, à les transférer à Noyon, ou à Soissons; et alors je me rendrais à Compiègne, pour maintenir la communication qui doit avoir lieu entre l'assemblée et moi. »

C'était un piége tendu aux représentans que la cour voulait priver de l'appui de la capitale, et placer entre les soldats qu'on avait réunis et l'armée d'Alsace.

Les députés parurent faire peu d'attention à cette réponse; et, quelque affliction qu'ils ressentissent en voyant l'obstination du roi, ils ne voulurent pas délibérer sur cet objet, soit par crainte de la véhémence de quelques-uns d'entre eux, soit que le sentiment de la dignité nationale les empêchât de tenter une seconde démarche qu'on pouvait mal interpréter. Tandis que l'assemblée agissait comme en l'absence du danger, la capitale, profondément agitée, se préparait à défendre ses mandataires contre les violences du pouvoir qui enfin se croyait en mesure de frapper un coup décisif.

En effet, les régimens de Provence et de Vintimille étaient à Neuilly; Royal-Cravate, Helmstadt, Royal-Pologne, à Sèvres et à Meudon; Salis-Samade, Châteauvieux et Diesback, suisses; Berchini, Esterhazy et RoyalDragon campaient au Champ-de-Mars avec un équipage d'artillerie; d'autres régimens, Besançon, La Fère, étaient encore cantonnés aux environs de Paris. Versailles se trouvait occupé par les hussards de Lauzun et par les deux régimens de Bouillon et de Nassau, infanterie. Tout était prêt; il ne fallait plus que rejeter le voile, démasquer la force, et montrer les apprêts de la tyrannie.

M. Necker continuait à se rendre tous les jours chez le roi, mais on ne lui faisait aucune communication de quelque importance. Chaque soir le ministre disait confidentiellement à sa famille qu'il pensait être arrêté le lendemain. Il craignait encore la Bastille: personne alors ne soupconnait qu'elle n'avait plus que quelques jours à rester debout. Le 11 juillet, à trois heures après midi, le ministre reçut une lettre du roi qui lui ordonnait de quitter Paris et la France, en dérobant à tout le monde le secret de son départ. M. de Breteuil avait fait la proposition de l'arrêter, sous prétexte qu'avant de s'éloigner, il soulève

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