Page images
PDF
EPUB

peaux ils ont servi: ils sont malheureux, je ne vois parmi eux que mes enfants, je les recommande à la bonté de Votre Majesté Impériale; qu'elle daigne considérer combien un grand nombre d'entre eux a déjà souffert, et adoucir la rigueur de leur sort. Puissent-ils apprendre que leur vainqueur est l'ami de leur pere!

V. M. I. ne peut me donner une preuve plus touchante de ses sentiments pour moi.

(Signé)

LOUIS.

Rien n'est plus intéressant et plus touchant que ce qui s'est passé ce soir à l'audience que S. M. l'Empereur de Russie a donnée au Sénat, après avoir reçu les hommages de ce corps.

"Un homme qui se disait mon allié, a dit l'Empereur "Alexandre, est arrivé dans mes états en injuste agresseur; c'est à lui que j'ai fait la guerre et non à la France; je suis l'ami du peuple français; ce que vous venez de faire redouble encore ces sentiments; il est juste, il est sage de "donner à la France des institutions fortes et libérales, qui "soient en rapport avec les lumieres actuelles: mes alliés "et moi nous ne venons que pour protéger la liberté de vos * décisions."

[ocr errors]

L'Empereur s'est arrêté un moment, et S. M. a repris avec la plus touchante émotion :

"Pour preuve de cette alliance durable que je veux contracter avec votre nation, je lui rends tous les pri"tonniers français qui sont en Russie; le gouvernement "provisoire me l'avait déjà demandé; je l'accorde au sénat, . d'après les résolutions qu'il a prises aujourd'hui."

Le sénat est sorti pénétré des sentiments de la plus vive reconnaissance et de la plus grande admiration.

Nous allons douc revoir enfin plus de deux cent mille de nos concitoyens! Que de familles partageront les sentiments du sénat !

Quinze cents Français faits prisonniers par les troupes de S. M. l'Empereur Alexandre ont été réunis sur le boulevart de la Madeleine, vis-à-vis la rue royale; ils étaient dans l'attente du sort qui leur était réservé. Des officiers russes, précédés par un Français, se sont présentés au milieu d'eux, et leur ont adressé les paroles suivantes qui ont été entendues de plusieurs milliers de spectateurs ;

"Français, vous n'êtes plus prisonniers! L'Empereur

"Alexandre vous rend votre liberté, au nom de votre roi Louis "XVIII. Vous pouvez retourner dans le sein de vos familles. “ Vive le Roi!" Aussitôt les cris de vive le Roi ! se sont fait entendre de tous côtés ; les soldats ont demandé spontanément le drapeau blanc et la cocarde. Un graud drapeau leur a été offert par des dames, et à l'aspect de l'antique bauniere française, ces braves out prêté serment de fidélité à Louis XVIII. Le serment a été répété par tous les spectateurs. Les mêmes officiers ont crié de nouveau aux soldats français rendus à la liberté : "Soldats, retournez dans vos foyers, à moins que vous “ n'aimiez mieux entrer au service de votre Roi; alors, comme "les premiers enrôlés, vous serez dans sa garde." Tous ces braves ont répondu unanimement: Nous voulons servir le Roi, nous le jurons. M. le comte Albert de Brancas a été chargé de les enrégimenter et de les caserner.

Le général Desolles est nommé commandant de la garde nationale de Paris; les principaux officiers ont été présentés aujourd'hui à S. M. l'empereur de Russie.

Dès que la ville de Versailles a été délivrée, elle s'est empressée de suivre le mouvement de la capitale, et d'exprimer les mêmes sentiments que les habitants de Paris. On attend bientôt une députation de cette ville, qui n'a point oublié qu'elle a été le séjour des rois que les vœux librement exprimés de toute la France rappelleut aujourd'hui.

Lorsque les Armées Alliées occupaient la ville de Meaux et se dirigeaient sur la capitale, les habitants des campagnes se hâterent de rentrer dans Paris, amenant avec eux leurs vaches leurs moutons et leurs meubles. Arrivés aux barrieres, les commis du fisc, forcés par des ordres supérieurs, se virent dans la nécessité de faire payer les droits d'entrée, de sorte que quelques malheureux furent obligés de vendre une partie de leurs bestiaux pour obtenir la permission de faire entrer les autres. On a vu, à différentes barrieres, des gardes nationaux, témoins de cette exaction, se cotiser pour faire la somme que le fisc exigeait de ces infortunés.

Les commissaires de S. M. le roi de France Louis XVIII. ont déposé en son nom, chez M. Denis, notaire, rue de Gre nelle, n. 3, des sommes destinées à être distribuées dans les douze mairies de Paris, pour venir au secours des indigents. Dans les circonstances difficiles où l'on se trouve, S. M. n'a pu suivre tous les mouvements de son cœur, et elle appelle à partager l'œuvre de bienfaisance et de charité qu'elle voudrait rendre à tous les malhuereux, les personnes auxquelles la fortune en donne les moyens.

Les noms de ces personnes seront soigneusement recueillis, et il en sera fait une liste qui sera présentée à S. A. R. mad, la duchesse d'Angoulême, fille de Louis XVI, aussitôt son arrivée à Paris.

A. M. le Rédacteur de la Gazette de France.

Monsieur,

Permettez-moi d'ajouter quelques détails à la relation que vous avez insérée hier sur ce qui s'est passé lors de l'entrée des Alliés dans nos murs.

Du moment que S. A. I. le grand duc Constantin se fut porté sur la place Louis XV, les manieres affables et prévenautes de ce prince et de ses officiers eurent bientôt gagné les cœurs, et établi entre les Parisiens et les Alliés une douce familiarité. Aux différentes haltes, la foule se mêlait dans les rangs; on serrait la main des soldats, ou leur offrait des rafraîchisse ments. Aucun Allié n'a rien pris sans payer.

Lorsque LL. MM. l'empereur de Russie et le roi de Prusse, entourés de leurs nombreux et brillant état-major, se sont arrêtés sur le côté droit de l'avenue des Champs-Elysées, cette imposante cérémonie militaire a déterminé le mouvement de la partie la plus éclairée de la nation.

Il a été permis à une foule de citoyens d'exprimer des sentiments depuis vingt ans contenus au fond des cœurs. Aux · acclamations de vive l'empereur Alexandre! vive le roi Frédéric Guillaume! vivent les Alliés! se mêlaient les cris de vive le Roi! vivent les Bourbons! vive Louis XVIII! à bas la conscription! à bas les droits-réunis! On ceignait l'écharpe, on arborait la cocarde blanche. Les souverains, les officiers-généraux Alliés, sensibles à ces marques d'un enthousiasme aussi vif, aussi sincere, répondaient avec une noble réserve: "Fran"çais, nous ne prétendons influencer en rien votre opinion; "déclarez-vous d'une maniere positive, d'une maniere légale "nous vous répondons du reste."

L'empressement avec lequel on se portait sur le passage des troupes, gênait leur marche et ne l'interrompait pas. Rien de plus gracieux que la maniere polie avec laquelle les cavaliers Alliés écartaient la foule. Plusieurs officiers généraux pous→ serent la galanterie jusqu'à faire monter des dames sur leurs chevaux pour les laisser jouir plus à leur aise de la vue de la garde russe et prussienne qui défilait sur le milieu de l'avenue des Champs-Elysées.

L'attention qu'attirait la tenue de ces corps d'élite était bien distraite par les sentiments qu'inspirait la présence de LL. MM. l'empereur de Russie et le Roi de Prusse. Tous les citoyens qui ont pu approcher d'eux ont entendu de leur bouche les paroles les plus flatteuses. “Nous ne venons pas en conquérants, nous sommes vos Alliés," répétaient-ils sans cesse. "Je porte les Français, dans mon cœur," s'écriait l'empereur

[ocr errors]
[ocr errors]

Alexandre, au moment où j'ai pu parvenir jusqu'à lui. Lors que j'osai témoigner à S. M. mon admiration sur l'affabilité avec laquelle il accueillait les moindres citoyens, il me fit cette réponse remarquable: "N'est-ce pas pour cela que nous sommes souverains ?"

J'ai l'honneur &c.

CHARLES Du Rozoir.

ACADÉMIE ROYALE DE MUSIQUE.

Il était peu d'habitants de Paris qui, lors de l'entrée de LL. MM. l'Empereur de Russie et le Roi de Prusse dans la capitale, n'eussent joui du plaisir de contempler les traits de ces Princes augustes, qui n'ont franchi les barrieres que pour se déclarer nos alliés. Tous, nous avons pu recueillir, de leurs propres bouches, les paroles de paix et de consolation, qu'il se plaisaient à prodiguer sur leur passage. Dans la matinée du ler de ce mois, ces deux monarques avaient parcouru à cheval les plus beaux quartiers de la ville, et, partout encore, la satisfaction de les approcher, de les entendre, fut accordée, sans distinction, à toutes les classes de citoyens. Mais loin de satisfaire la curiosité publique, cette extrême affabilité dont la nation française avait perdu le souvenir, depuis qu'elle était tombée sous le joug d'un étranger farouche, cette touchante popularité qui releve et pare la grandeur, semblaient avoir redoublé l'empressement général. Dès que le bruit se répandit que les souverains, non les conquérants, mais les libérateurs de la France, devaient se rendre à l'Opéra, une multitude immense 'vint en assiéger toutes les entrées. Bientôt cette vaste salle offrit l'aspect unique de plusieurs milliers de spectateurs, rassemblés de tous les points de l'Europe, parlant diverses langues, et tous confondus dans un seul sentiment, dans un seul vœu : la paix du monde, le salut du genre humain.

1

L'apparition de LL. MM. dans la loge qu'elles s'étaient fait préparer au-dessus de l'amphithéâtre, a excité des transports, qu'il ne faut pas même essayer de décrire Ce n'étaient aux personnes qui n'ont pu en être témoins.

plus ces honteuses vociférations que, pour un vil salaire, proférait un groupe d'infâmes satellites, tandis que le reste des spectateurs gardait un morne silence: c'était l'élan de VOL. LXV.

S

tous les cœurs, le cri de toutes les bouches. A plusieurs reprises, les deux monarques ont témoigné de la maniere la plus touchante combien leur âme était sensible à l'accueil 'd'un peuple généreux, que vingt ans d'oppression n'ont pu dépouiller des traits distinctifs de son caractere. L'entrée de leur loge était ouverte à toute personne qui s'y présentait. En saluant leurs vengeurs, les Français pouvaient-ils ne ne point mêler à ce digne hommage le nom du souverain légitime, du pere, que ses puissants alliés, que ses nobles amis viennent de rendre à leur amour? Aux cris unanimes de vive Alexandre! vive Frédéric-Guillaume! s'est joint ce cri trop long-temps comprimé dans le fond de tous les cœurs: vive Louis XVIII! vivent les Bourbons! Ce nom ne fut et ne sera jamais prononcé devant des Français, sans qu'ausitôt ils ne portent leurs regards attendris vers le prince adorable qui fut la tige de cette branche auguste. L'orchestre s'est rendu l'interprête de ces sentiments religieux: l'air vraiment patriotique, vraiment national: vive Henri IV! a produit un nouvel enthousiasme. Les mouchoirs blancs étaient agités par les femmes qui garnissaient les loges, les cocardes blanches étaient jetées aux hommes réunis au parterre. En chantant le bon roi, en songeant que, naguere encore, son nom adoré était proscrit par un despote, étran ger à nos affections comme à notre sol, quel est celui d'entre nous qui n'aura pas réfléchi avec une admiration profonde pour les voies détournées de la Providence, que c'est la tyrannie elle-même qui vient de préparer des bases plus solides, au monument sacré de Henri IV?

On devait donner le Triomphe de Trajan: l'indisposition subite d'un acteur a fait remplacer cet opéra par la Vestale.

La Vestale a offert quelques allusions qui ont été vivement saisies par le public. Par exemple, en changeant les noms, on a fortement applaudi à la ressemblance de ce portrait tracé par la grande prêtresse :

[ocr errors]

C'est dans les gouffres du Ténare,

Que Tisiphone l'enfanta :

Par lui, de malheurs et de crimes

Ce monde, hélas, est inondé ;

Sur des tombeaux, sur des abîmes,

Son trône sanglant est fondé.

Les vers suivants ont trouvé une application bien diffé

« PreviousContinue »