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une nouvelle cour égoïste et spoliatrice. Que Ja voix attendrissante, que les accents angéliques de la derniere martyre du Temple se fassent entendre en notre faveur au cœur de la nation française! Un sentiment de sympathie lui répondra par un million de bouches, que la France et l'honneur qui sont synonimes, ne permettront jamais que la loyauté salarie la trahison, et qu'un Roi de France qui pardonne aux régicides, décrete la mort de ses plus fideles serviteurs. Sous les yeux et devant les armes de cet incomparable Alexandre qui semble n'être venu en France que pour y donner l'exemple sublime et unique dans d'histoire des rois d'un vainqueur rendant le bien pour le mal, un petit-fils d'Henry IV ne sera point forcé par des vaincus à rendre le mal pour le bien la France entiere se leverait pour l'en empêcher.

Ah! Sire, ah! Madame, deux mille vieillards, femmes, enfants, embrassent en ce jour vos genoux; et quand vous allez vous éloigner d'eux, ils viennent déposer avec respect, et tendresse aux pieds de votre trône, les vœux qu'ils forment pour votre gloire et votre bonheur, et leurs douleurs au fond de votre cœur royal, comme dans un asile sacré. Ce cœur est le seul bien qu'on ne leur ait pas encore ôté; le seul trésor qui leur reste; ils esperent qu'il ne leur sera jamais arraché.

Imprimé pour SCHULZE et DEAN, 13, Poland-St. Oxford-St. chez lesquels on peut souscrire, ainsi que chez le Rédacteur M. PELTIER, 23, Soho-Square. Prix, Cinq Guinées par An.

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No. CCCXCIX.-Le 30 Avril, 1814.

LA VISION,

Ou le Spectre de Saint-Dizier*, avec un Dithyrambe sur l'Arrivée des Bourbons en France, par Joseph-Antoine de Gourbillon, Ex-secrétaire des Commandements de S. M. feue Marie-Joséphine-Louise de Savoie, Reine de France et de Navarre.

Et cùm vidissem eum, cecidi ad pedes ejus, tanquam mortuus.

APOCALYP. cap. 1, v. 17.

Las enfin d'entasser victimes sur victimes,
Epouvanté du jour, lourd de sang et de crimes,
Du sceptre de Louis l'infâme usurpateur
D'un sommeil fugitif invoquait la douceur.

*Cette piece fut composée peu de jours après le départ de Buonaparté pour l'armée. Une foule de copies manuscrites furent bientôt répandues dans la capitale et les provinces. Il en fut de même de la Prédiction pour l'an 1814, publiées quelques jours avant le départ du tyran. VOL. XLV.

2 D

H dort!.. Dormez aussi, vertu, faible innocence!
Oubliez, s'il se peut, votre longue souffrance;
Hâtez-vous de jouir du court soulagement
Que le crime épuisé laisse à votre tourment!...
Il dort; et toutefois son cœur n'est pas tranquille:
Sur ce cœur en secret un noir venin distille.
Le ténébreux soupçon et la pâle terreur
S'étendent avec lui sur ce lit de douleur...
Il dort; mais en dormant sa fureur s'alimente.
Il cherche le repos: le repos le tourmente.
Au silence des nuits il demande la paix ;
Le remords lui répond; tu ne l'auras jamais.

Déjà même à ses yeux une ombre est apparue.
D'un pas tranquille et lent, pâle, muette et nue,
Elle avance: il frémit; et sa coupable main
Entre le spectre et lui veut se placer en vain :
Trois fois il la souleve, et trois fois défaillante,
Elle imprime sous elle une marque sanglante,
Où, dans des traits confus qu'il ne voit que trop bien,
Il croit lire...Il a lu ce mot terrible: ENGHIEN.

Son œil sombre et hagard plus péniblement roule,
Une froide sueur de tout son corps découle,
Et tombant sur ce nom qu'il voudrait effacer,
D'un plus sanglant éclat paraît le rehausser:
Il cherche à le couvrir de sa main criminelle...
Le
nom, le nom fatal s'éleve au-dessus d'elles
Et trompant les efforts du vil Pharisien,

Entre ses doigts tremblantslui montre encore Enghien.

Alors vers sa victime il s'élance en furie,
L'insensé croit encor pouvoir trancher sa vie ;
Mais son bras ne frappant qu'un corps sans fermeté,
Pour la premiere fois n'est point ensanglanté !...
Insensible aux remords, il cede à l'épouvante:
Vers le spectre il étend une main suppliante...
La victime à ses pieds voit tomber son bourreau;
Et rayonnant encor du calme du tombeau,
Son front pur et serein, comme un vain image,
Sur la route des cieux se perd dans un nuage.
Ne laissant après lui qu'une vive lueur
Qui montre l'échafaud au Corse usurpateur.

DITHYRAMBE

Sur l'Arrivée des Bourbons, composé à l'Epoque de l'Entrée de MONSIEUR, Frere du Roi à Vesoul.

Si natura negat, facit indignatio versum.

Quels sont ces accents d'allégresse
Qui sortent du vaste tombeau

Que de Condé le vil bourreau

JUVEN.

A creusé sous les pas du peuple qu'il oppresse?
D'où vient que le crime pâlit?"

Pourquoi la timide innocence
Rompt-elle enfin l'affreux silence
Qu'un sceptre de fer lui prescrit ?

N'est-ce point une erreur: sur le sol de la France
Les Bourbons porteraient leurs pas victorieux!
Ils seraient parmi nous ! Nous pourrions sous leurs yeux,
Les servir, les venger, et bénir leur présence!
Nos inutiles vœux, nos impuissants regrets
Auraient pu désarmer les célestes décrets!

Non, cet espoir n'est point un rêve.
L'éternelle justice abaisse enfin son glaive
Sur ce monstre, qu'en sa fureur,
L'enfer même enfanta sans doute avec horreur
Vils instruments de ses lâches conquêtes,
Sous un joug aussi méprisé,

Nous ne courberons plus nos têtes;
Quand nos têtes l'auront brisé,

Du simulacre roi quand la dépouille impure
A l'avide vautour servira de pâture,
Honteux des coups tardifs qui l'auront fait périr,
De notre long repos on nous verra rougir.

Et vous que, dès long-temps, notre douleur appelle,
Et qui, grâce à des noeuds antiques et sacrés,
Accordez à nos torts la pitié naturelle

Qu'un pere sent toujours pour des fils égarés...
Nos torts, nous le jurons, seront tous réparés !....

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Qu'un seul cri retentisse aux deux bouts de la France;
Déjà du Béarnais le fils vers nous s'avance:
Voilà ses traits chéris, ses couleurs les voilà!
Si la cause qu'il sert est notre propre cause,
Que notre bras ne se repose

Que dans le cœur du moderne Attila !
L'abattre, le percer de mille, coups funestes,
Aux vents épouvantés livrer ses affreux restes,
Eteindre dans son sang les feux dévorateurs
Qu'une implacable haine alluma dans nos cœurs ;
De ses traits abhorrés, de sa honteuse image,
Faire un grand monument* de vengeance et de rage,
Qui des usurpateurs effrayant les regards,

Ne leur montre qu'un trône entouré de poignards...
Tel est notre seul but, et telle est la vengeance
Que dix siecles de pleurs, de honte et de souffrance,
N'accorderont, hélas, que trop tard à nos vœux ?

O périls enviés! ô jour trois fois heureux
Où tombera dans la poussiere

Cet édifice monstrueux

Dont la terreur est la barriere;

Qui dans un lac de sang cache ses pieds fangeux,

Et d'où le crime téméraire,

Eleve encor son front pâle et hideux!

Illustre rejeton du héros de Solime,

Je te salue, o race magnanime,

Grande au milieu des cours, des combats, des honneurs,
Et plus grande cent fois au milieu des malheurs!

* Cette idée pourrait se réaliser bientôt : les événements se pressent. En écrivant ces vers, je me représentais la tête de ce monstrueux produit de la nature, apportée en triomphe à Paris, pour être placée, dans une cage de fer, sur la fameuse colonne de la place Vendôme. Les trophées impurs du monument de Buonaparté, pourraient faire place à des inscriptions historiques, qui, en offrant à la postérité l'exemple d'une vengeance légitime, éterniseraient aussi la reconnaissance publique envers Alexandre 1er, et nos augustes libé

rateurs.

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