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Du côté de Lord Wellington il a été décidé que la ligne de démarcation sera fixée suivant le terrain occupé par son armée et celle à lui opposée au moment que les cou riers qui vont lui être dépêchés lui arriveront..

J'ai l'honneur d'être, etc.

(Signé)

Au très-honorable Vicomte Castlereagh.

BURGHERSHI.

Telle a donc été la fin du plus odieux des tyrans qui ait jamais existé. Il a couronné la plus affreuse des carrieres par la plus infâme des lâchetés. Le dernier acte de la vie publique de ce misérable est encore signalé par la dégoûtante hypocrisie dont il avait déjà donné tant de preuves. Lorsqu'il est déposé solennellement par ses associés, (car nous ne cesserons de dire en face de tous les décrets d'amnistie et d'oubli présents, passés et futurs, qu'il est en France au moins quatre-cents suppôts du régicide, de la tyrannie et du meurtre qui doivent disparaître de France, soit par la déportation, soit par le supplice, sans quoi la justice divine et humaine ne sera pas satisfaite et la France sera toujours en état de révolte intérieure,) lorsque l'exécration de la France et de l'Europe retentit dans ses oreilles, quand sa derniere armée le déserte par milliers et que des forces écrasantes s'approchent pour le traîner à une mort honteuse s'il refuse le pardon qui lui est offert: alors sa soumission forcée paraît être un sacrifice volontaire; il a l'air d'être entraîné par un sentiment d'esprit public ou par un respect religieux pour le serment qu'il a prêté.

Nous voyons avec beaucoup de peine que dans la piece officielle qui n'aurait pas dû contenir autre chose que sa signature, apposée par lui à sa disgrâce, il ait eu la permission de se cacher encore sous le voile mensonger de l'honneur et de la vertu. Ce n'était pas le moment de satisfaire sa vanité. L'acte de sa punition aurait plûtôt dû rappeller ses crimes réels que des mérites fictifs. Nous ne disputerons pas s'il était ou non convenable de lui accorder un lieu de retraite. Il est incontestable que d'un côté on doit beaucoup aux sentiments personnels d'un Souverain qui malheureusement est lié avec lui par les liens du sang; et

que d'un autre côté il n'est pas moins dû à la recommandation de l'Empereur de Russie, dont la fermeté, la prudence, la modération, la bravoure, la conciliation, la simplicité héroïque des anciens temps, en un mot toutes les vertus qui ont jamais orné les hommes publics et les hommes privés, ont procuré à l'Europe les avantages inappréciables dont elle va enfiu jouir. C'est, dit-on, de l'avis de ce Souverain bienfaisant, le modele des Souverains à venir, le véritable sauveur de l'humanité sur la terre, que Buonaparté, avec tous les membres de sa famille qui pourront avoir envie de l'accompagner, doit être transféré à l'Isle d'Elbe, et y avoir un état qui corresponde au rang de l'infortunée archi-duchesse son épouse qui, à ce qu'on assure, croit devoir ne pas l'abandonner. On varie sur la pension annuelle qui doit lui être accordée. Quelques-uns la portent à cinq cent mille francs, d'autres à six millions. Lorsqu'on réfléchit aux crimes de ce malfaiteur, il mériterait à peine d'être mis au pain et à l'eau: mais puisque des considérations différentes ont déterminé les vainqueurs à lui accorder une pension, qui doit plutôt être regardée comme celle de sa femme que comme la sienne, peu importe qu'elle soit de six cert francs ou d'autant de millions. Le grand point est d'avoir réduit le monstre qui se prétendait le successeur de Charlemagne à vivre d'aumônes aussi longtemps que sa conscience surchargée de crimes lui permettra de vivre. C'est là une leçon que les siecles n'oublieront jamais.

On raconte diverses anecdotes sur la maniere de l'abdication de Buonaparté lui fut arrachée. Suivant quelques personnes, Buonaparté vint incognito à Paris pour y faire son arrangement avec le gouvernement provisoire. Selon d'autres, ce fut le maréchal Ney qui lui porta la parole à Fontainebleau au nom de l'armée et des généraux qui étaient encore autour de lui, et qui le força de signer son abdication, lui tenant le pistolet sur la poitrine pendant tout le temps qu'il écrivait. Il pouvait alors entendre les imprécations de sa garde qui le désertait et filait par la route de Paris pour joindre les alliés. Deux écrivaius très-célebres, M. de Châteaubriand et M. de la

Cretelle, viennent de publier à la hâte des apperçus rapides, mais extrêmement énergiques, sur le gouvernement de ce monstre. C'est ainsi que les Tibere et les Néron firent naître des Tacites. On se sent consolé, on se sent rafraîchi, en voyant la belle littérature française rentrer dans son domaine accoutumé, comnie un fleuve majestueux qui redescend dans son lit après avoir ravagé de belles campagnes à la suite d'orages violents. Mais si tout cettee fange politique et littéraire doit encore empoisonner l'air; si les Montgaillard, les Maury, les Barrerre, les Savary, les Maret, les Hulin, les Garat, les Regnaultde-St.-Jean d'Angely, les Siéyès, cherchaient encore à reparaître dans la société régénérée, alors nous sentons que nous ne pourrions nous empêcher de crier sur la place des Victoires comme dans Soho Square: Tolle, tolle, crucifige.

Imprimé pour SCHULZE et DEAN, 18, Poland-St. Oxford-St. chez lesquels on peut souscrire, ainsi que chez le Rédacteur, M. PELTIER, 23, Soho-Square. Prix, Cinq Guinées par An.

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No. CCCXCVIII.-Le 20 Avril, 1814.

DE BUONAPARTE,

ET

DES BOURBON S.

Et de la Nécessité de se rallier à nos Princes légitimes, pour le Bonheur de la France et celui de t Europe; par F. A. de Châteaubriand. PRÉFACE.

J'avais commencé cet ouvrage, il y a trois ou quatre mois; les événements ont devancé mes vœux: j'arrive trop tard, et je m'en félicite. Plusieurs passages de cet écrit ne seront donc plus applicables à l'état politique du moment; mais quand il ne servirait qu'à nous faire hair davantage la tyrannie d'où nous sortons, et à nous attacher au gouvernement qui nous est rendu, il ne me paraîtrait pas tout-à-fait inutile de le publier.

VOL. XLV.

N

DE BUONAPARTE ET DES BOURBONS.

Non, je ne croirai jamais que j'écris sur le tombeau de la France; je ne puis me persuader qu'après le jour de la vengeance nous ne touchions pas au jour de la miséricorde. L'antique patrimoine des rois très-chrétiens ne peut être divisé : il ne périra point ce royaume que Rome expirante enfanta au milieu de ses ruines, comme un dernier essai de sa grandeur. Ce ne sont point les hommes seuls qui ont conduit les événements dont nous sommes les témoins; la main de la Providence est visible dans tout ceci: Dieu lui-même marche à découvert à la tête des armées et s'assied au Conseil des rois. Comment, sans l'intervention divine, expliquer, et l'élévation prodigieuse et la chute plus prodigieuse encore de celui qui naguere foulait le monde à ses pieds? Il n'y a pas quinze mois qu'il était à Moscou, et les Russes sont à Paris; tout tremblait sous ses lois, depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au Caucase; et il est fugitif, errant, sans asile: sa puissance s'est débordée comme le flux de la mer, et s'est retirée comme le reflux.

Comment expliquer les fautes de cet insensé? Nous ne parlons pas encore de ses crimes.

Une révolution préparée par la corruption de nos mœurs et par les égarements de notre esprit éclate parmi nous. Au nom des lois, on renverse la religion et la morale; on renonce à l'expérience et aux coutumes de nos peres; on brise les tombeaux des aieux, seule base solide de tout gouveruement, pour fonder sur une raison incertaine une société saus passé et sans avenir. Errant dans nos propres folies, ayant perdu toute idée claire du juste et de l'injuste, du bien et du mal, nous parcourùmes les diverses formes du gouvernement républicain. Nous appelames la populace à délibérer, au milieu des rues de Paris, sur les grands objets que le peuple romain venait discuter au Forum, après avoir déposé ses armes et s'être baigné dans les flots du Tibre. Alors sortirent de leurs repaires tous ces rois demi-nus, salis et abrutis par l'indigence, enlaidis et mutilés par leurs travaux, n'ayant pour toute vertu que l'insolence de la misere et l'orgueil des haillons. La patrie tombée en de pareilles mains fut bientôt couverte de plaies. Que nous resta-t-il de nos fureurs et de nos chimeres? des crimes et des chaînes !

Mais du moins le mot qui semblait nous conduire alors était noble. La liberté ne doit point être accusée des forfaits que l'on commit sous son nom; la vraie philosophie n'est point la mere des doctrines empoisonnées que répandent les faux sages. Eclairés par l'expérience, nous sentimes enfin que le gouvernement monarchique était le seul qui pût convenir à notre patrie.

Il eût été naturel de rappeler nos princes légitimes; mais

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