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plète valeur. Nous recommandons vivement à toutes les femmes de recueillir une petite souscription annuelle, de tous ceux de leurs amis qui seront de bonne volonté et d'employer cette somme à l'acquisition des choses propres à être confectionnées pour la vente. L'utilité de ce procédé est de toute évidence. Selon notre détermination, une seconde caisse d'objets divers sera expédiée cette année pour la vente de Boston.

INDE.

<< Ici s'est portée en dernier lieu notre attention. Une loi qui annule légalement toute recherche à l'égard des esclaves. vient d'être rendue; mais comme dans ce pays la force a longtemps prévalu sur le droit, nous ne pouvons réellement prévoir quel sera l'effet de cette disposition, pourtant nous devons espérer que l'esclavage ne pourra se soutenir beaucoup encore, et que le préjugé qui l'a fortifié avec tant d'autres maux, sera bientôt détruit, là comme partout ailleurs.

<< Nous finissons en exprimant l'ardent désir que l'appel adressé aux sympathies de nos sœurs, tant ici qu'en toute contrée, soit entendu de leur cœur. Il est triste que des milliers de femmes restent nonchalantes et inutiles, tandis que leur intelligence et leurs vertus, si elles étaient employées, pourraient exercer une grande influence dans cette cause. Pourquoi donc cette coupable apathie? Quant à nous, nous redoublerons de courage et d'énergie, et nous espérons que nos prières et nos travaux rapporteront des fruits nombreux. >>

Les Françaises seront certainement touchées de ce langage simple, recueilli, fort et plein d'élévation. Puissent-elles se mettre au dessus d'une réserve qui n'est en définitive que de la faiblesse, et non seulement signer la pétition, œuvre passive, mais entrer dans la voie active de leurs sœurs d'Angleterre! Qu'elles fassent entendre à leur tour leurs voix mélodieuses en faveur des esclaves, qu'elles forment des sociétés d'abolition et qu'à l'instar des dames de Glascow elles y travaillent pour aider à racheter quelques pauvres négresses

en attendant le prochain et grand jour de l'émancipation générale !

BIBLIOGRAPHIE.

De l'Esclavage et de son abolition immédiate, par HECTOR FLEURY. Lyon, 1847.

Résultats d'expériences sur le travail des esclaves, par M. PERRINON, chef de bataillon d'artillerie de marine (extrait des Annales maritimes, mai 1847).

Lettre sur l'Esclavage considéré au point de vue théologique, par M. l'abbé VICTOR DE LESTANG, avril 1847.

De l'Esclavage et des Colonies, par M. GUSTAVE DU PUYNODE, 1847. De l'Esclavage dans les colonies, par M. WALLON, 1847.

(L'Abolitioniste français, numéro d'août 1847.)

Comme toutes les grandes questions qui préoccupent vivement l'opinion publique, celle de l'esclavage donne naissance presque chaque semaine à quelque brochure nouvelle. Chacun éprouve le besoin de dire ce qu'il pense sur l'abolition de la servitude, sur la réparation de cette monstrueuse iniquité que la France ne saurait tarder à accomplir. Ainsi, l'on peut juger à une marque certaine que l'affranchissement des esclaves devient tous les jours plus populaire dans notre pays. Cette grande cause était restée trop longtemps enfermée dans le cercle de quelques philanthropes dévoués, mais isolés; elle pénètre maintenant partout, elle intéresse tout le monde.

Le mouvement avait été bien préparé par des hommes humains, comme MM. Tracy, Isambert, Lamartine, Broglie, Larochefoucault-Liancourt, Sismondi, Dufau, Ch. Comte, Pagès de l'Ariége, et d'autres encore dont les noms ne viennent pas sous notre plume; la fameuse pétition des 9,000 ouvriers pour l'abolition immédiate et complète a donné la vie politique en 1844 à ce mouvement, et aujourd'hui il ne peut plus s'arrêter que dans un triomphe prochain. C'est avec un bon

heur véritable que nous constatons cet état de choses. Il nous assure l'accomplissement d'un de nos vœux les plus ardents et doit encourager tout le monde à de nouveaux efforts par la perspective d'un succès prochain.

La question n'est plus même circonscrite dans la presse parisienne, elle occupe aussi les journaux des départements, parmi lesquels nous avons surtout remarqué la ferme et droite. insistance du Patriote des Alpes:

« Pour ceux, disait-il avec élévation dans son numéro du «5 mars dernier, pour ceux qui ont à souffrir des inégalités « sociales et qui demandent que le droit politique leur soit « donné comme garantie de leur droit au travail et à l'exi«<stence, le devoir de protester contre l'esclavage, d'en récla« mer avec force, avec insistance l'abolition, ce devoir est << plus impérieux que pour aucun. Qui peut dire si leurs << souffrances, si le malaise de la société tout entière, ne sont <«< pas la juste expiation de cet odieux attentat qui, en pleine <«< civilisation, réduit des hommes, des intelligences, des << âmes, à une condition pire que celle de la brute ! >>

C'est également dans un journal de province, le Censeur de Lyon, que parut d'abord la brochure inscrite en tête de ce bulletin bibliographique, c'est là qu'on la trouve et l'auteur la vend au bénéfice de deux familles indigentes, comme s'il voulait ajouter un acte de charité à une bonne œuvre philosophique.

La brochure de M. Hector Fleury, De l'Esclavage colonial et de son abolition immédiate dans les colonies françaises, est un travail complet où toutes les sources sont mises à profit, un résumé sur la matière, court, mais plein. On voit que M. Fleury est un homme d'étude et de conscience. Il passe rapidement en revue l'établissement de l'esclavage, l'origine de la traite et son abolition, ses rapports avec la condition de l'esclave. Un coup d'œil sur les événements de Saint-Domingue lui permet de prouver que tous les désordres, toutes les violences attribués dans cette île à l'émancipation des noirs, ne sont dus en réalité qu'à la guerre civile des blancs. Peu à peu se rétablit de la

sorte la vérité historique sur la cause de ces désastres au sujet desquels l'empire et la restauration étaient parvenus à tromper l'opinion publique. L'auteur réfute ensuite, avec beaucoup de force, les objections à l'affranchissement par les résultats obtenus dans les colonies anglaises, et il conclut logiquement à l'abolition immédiate et complète : « Nous demandons, dit M. Fleury à <<< la fin de son excellente brochure, nous demandons sérieu<<< sement, sincèrement la prospérité de nos possessions colo<<niales; nous croyons qu'elle est compatible avec les devoirs « de l'humanité; bien plus, nous ne la comprenons réelle, « durable, qu'à la seule condition de les respecter. Rien ne « peut prescrire contre le droit; on ne pactise pas avec la justice. Aussi, malgré toutes les clameurs dont les inté«<ressés poursuivent les abolitionistes, nous n'éprouvons << nul embarras à déclarer qu'aucune concession passagère << ne peut nous satisfaire. Abolition donc, abolition immé«<diate, simultanée, radicale. Nous la voulons telle parce « qu'elle est, suivant nous, la seule solution vraiment régu«lière, vraiment efficace, la seule sans danger. »

M. Fleury a démontré théoriquement, et par l'étude de ce qui s'est passé aux West-Indies, que les nègres travailleraient aussi bien libres qu'esclaves. M. Perrinon prouve, lui, par une expérience personnelle, et précise, qu'ils travailleront mieux. M. Perrinon, dans l'exploitation d'une saline qu'il possède à Saint-Martin, petite dépendance de la Guadeloupe, a employé des nègres libres et esclaves ensemble; il s'est interdit toute espèce de châtiment corporel, il les a traités comme des hommes, avec soins et égards; il leur a donné un salaire équitable, régulièrement payé, et il a constamment obtenu un travail ponctuel et empressé. « Ce fait significatif, << dont on chercherait vainement à détruire la portée par des << motifs d'exception, montre déjà, dit M. Perrinon, qu'avec << un peu de bon vouloir, les colons trouveront certainement, « après l'émancipation, des libres pour cultiver leurs habita<«<tions s'ils consentent à les payer équitablement et surtout << à les traiter avec égard. Mais en admettant que dans l'état

« actuel des colonies les affranchis éprouvent pour le travail <«<en commun avec les esclaves cette antipathie que justifierait <«< au besoin le mépris du maître pour son laboureur, il reste « établi, par ce qui précède, que la fainéantise et le vol ne sau«<raient être la conséquence de l'émancipation. Comment, en « effet, cette crainte serait-elle raisonnable, quand déjà, dans « les lieux mêmes où l'esclavage existe, de nouveaux libres << viennent de leur propre mouvement donner le plus éclatant « démenti à de pareilles assertions en partageant, pour un << salaire modéré, les fatigues et les travaux de leurs anciens « frères? >>

Nous avons lu la brochure de M. Perrinon avec un double et affectueux intérêt, car cet homme, parvenu jeune encore au grade d'officier supérieur d'artillerie de marine, cet écrivain rempli de cœur et d'intelligence qui tient une place distinguée dans la société, il est de la classe des esclaves, sa bisaïeule était une négresse de Guinée jetée par la traite à la Martinique. Sans lui en faire un mérite, nous voulons cependant le dire, M. le commandant Perrinon ne renie pas ses ancêtres et on aime l'entendre déclarer, au moment où il commence son travail : << J'ai dû me livrer à cette recherche avec d'autant plus d'ar« deur que je compatis de toute mon âme aux souffrances « d'une classe d'hommes à laquelle j'appartiens par mon << origine. >>

C'est une heureuse chose de voir les mulâtres se dessiner aussi honorablement que M. Perrinon dans les luttes de l'esclavage et c'est aussi un grand bonheur que le clergé sorte de la froideur qu'il avait montrée jusqu'ici pour les captifs noirs. Nous avons rapporté avec joie que 600 prêtres avaient signé la dernière pétition abolitioniste. La lettre sur l'esclavage considéré au point de vue théologique a été faite pour encourager le clergé de France à persévérer dans cette noble voie.

M. l'abbé de Lestang ne pense pas comme le curé de FortRoyal, que ce soit « devancer l'heure de la Providence » que de vouloir l'émancipation des nègres; il la demande sans délai; loin de partager les doctrines du séminaire du Saint-Esprit il

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