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Imprimerie de Gustave GRATIOT, 44, rue de la Monnaie.

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DE

L'ESCLAVAGE

PENDANT LES DEUX DERNIÈRES ANNÉES.

DU RACHAT FORCÉ.

(Réforme, 15, 20, 28, 29 et 30 mars 1847.)

$1.

Le rachat forcé est une mesure immorale au fond,

bonne en fait.

Le rachat forcé est le droit donné à l'esclave de se racheter, malgré la volonté de son maître, au moyen de ce qu'il peut gagner d'une manière quelconque ou de ce qu'on peut lui donner.

Il y a longtemps que l'on proposait d'introduire dans la législation française ce triste droit qui existe depuis deux siècles dans la législation espagnole. Un projet d'ordonnance fut présenté à ce sujet, en 1836, aux conseils coloniaux; mais il avait été unanimement repoussé par eux, et le ministère de la marine, toujours humblement soumis aux répugnances comme aux désirs des colons, avait retiré son projet.

La loi du 18 juillet 1845, faite pour adoucir le sort des esclaves, ne pouvait manquer de contenir cette amélioration, ajournée depuis dix ans par la volonté des maîtres.

Pauvres esclaves! on leur accorde comme une faveur, comme un bienfait, comme une grâce la faculté de payer pour recon

quérir l'indépendance! N'est-il pas profondément immoral de forcer un homme que l'on a fait esclave contre toutes les lois divines et humaines, de forcer cet homme à donner de l'argent. pour rentrer en possession de lui-même ? Quant à nous, la liberté étant à nos yeux un bien inaliénable, nous estimons que l'esclave a le droit de reprendre la sienne de quelque manière que ce soit, et c'est peut-être le seul cas où nous soyons tenté de dire que la fin justifie les moyens.

En soi, la faculté de se racheter, pompeusement accordée aux nègres à titre de grâce, nous paraît une sorte d'insulte à leur infortune. Quoi! vous opérez des retenues obligées sur les appointements des plus hauts fonctionnaires de l'Etat, judiciaires, civils, militaires, pour assurer une pension à leur vieillesse; vous ne les présumez pas capables de faire euxmêmes cette retenue destinée à les mettre à l'abri du besoin quand ils ne pourront plus travailler, et vous espérez que les nègres seront plus sages ou du moins plus courageux ! Vous attendez d'un misérable esclave ce que vous n'avez pu attendre de vos généraux, de vos chefs d'administration, de vos présidents de Cour royale!

Après avoir abruti, avili le nègre dans les ignobles tortures de la servitude, vous lui présentez, comme un appât fait pour exciter sa moralité, le droit de se rédimer au prix de tout ce qu'il aura la force d'épargner sur le plus absolu nécessaire dans le peu qu'il gagne: n'est-ce pas là une idée monstrueuse ou une jonglerie détestable?

Avez-vous donc oublié l'histoire de nos pères? Lorsqu'en 1360, Louis le Hutin déclara que le royaume des Francs ne pouvait contenir des hommes esclaves, et que la liberté serait donnée, sous de bonnes conditions, à tous les serfs, nos ancêtres, car nous autres roturiers nous sommes tous fils d'esclaves, nos ancêtres, dégradés par l'habitude du joug, ne se rédimèrent qu'en très petit nombre; si bien que Louis X, qui avait eu l'idée de battre monnaie avec l'émancipation, fut obligé de contraindre les hommes de la couronne à se racheter. Mais tous les possesseurs de serfs ne l'imitèrent point, et, per

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