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des concitoyens, et offre à MONSIEUR, au nom de l'assemblée, le tribut de reconnaissance et de respect qu'elle doit à ses sentiments et à l'honneur de sa présence, et surtout au prix qu'elle attache à l'estime des hommes libres. >>

M. de Lafayette prit la parole après M. Bailly, et assura l'assemblée qu'il s'était occupé de faire arrêter les auteurs du billet, et qu'ils étaient en prison. MONSIEUR demanda leur grâce; mais l'assemblée a décidé qu'il fallait qu'ils fussent jugés et punis.

Municipalité de Paris. - Département de la police.

Du 26 décembre. « Sur la dénonciation qui a été faite au département de la police, d'un écrit signé BARREAU, distribué dans Paris, et où, en rendant compte de l'arrestation du marquis et de la marquise de Favras, on s'est permis méchamment de compromettre le nom de MONSIEUR, frère du roi, le département de police fait les défenses les plus expresses à toutes personnes de colporter et distribuer cet écrit incendiaire, et promet cinq cents louis de récompense à celui qui en fera connaître l'auteur. Fait à l'hôtel de la mairie. Signé, BAILLY, maire; DUPORT DU TERtre, lieutenant de maire. »

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Du même jour.

Arrêté du comité des recherches. « Le comité des recherches, informé que des ennemis du bien public tramaient un complot contre l'ordre de choses établi par le vœu de la nation et du roi; que pour assurer le succès de ce complot, ils devaient introduire la nuit, dans cette ville, des gens armés, afin de se défaire des trois principaux chefs de l'administration (Necker, Lafayette, Bailly), d'attaquer la garde du roi, d'enlever le sceau de l'État, et même d'entraîner LL. MM. vers Péronne.

« Informé pareillement qu'ils ont tenté de corrompre quelques personnes de la garde nationale, en cherchant à les égarer par des promesses et des confidences trompeuses, et des distributions clandestines de libelles incendiaires, et notamment du libelle intitulé Ouvrez donc les yeux!

<< Qu'ils ont eu des conférences avec des banquiers, pour se ménager des sommes très-considérables, et avec d'autres personnes, pour étendre, s'il était possible, ce complot dans différentes pro

vinces:

<«< Estime que le procureur-syndic de la commune doit dénoncer les délits ci-dessus, et les sieur et dame Favras, comme prévenus desdits crimes, leurs fauteurs, complices et adhérents. >>

Enfin l'assemblée nationale, dans sa séance du 28, reçut une lettre de MONSIEUR, frère du roi, conçue en ces termes :

« La détention de M. de Favras ayant été l'occasion de calomnies odieuses, où on aurait voulu m'inculper, et le comité de police se trouvant saisi de cette affaire, j'ai cru qu'il était convenable de porter au comité de la ville ma juste réclamation, avec une déclaration qui ne laisse aux honnêtes gens aucun doute sur mes sentiments.

« Je crois devoir informer l'assemblée nationale de cette démarche, parce que le frère du roi doit se préserver même d'un soupçon, et que l'affaire de M. de Favras est trop grave pour n'être pas mise incessamment sous les yeux de l'assemblée. Je vous prie, monsieur le président, d'être bien persuadé de mon affectueuse estime. >>>

M. le duc de Lévis fit alors la motion que le comité des recherches fût chargé de se concerter avec celui de Paris, pour être en état de faire au plus tôt un rapport sur cette affaire, afin que l'assemblée en connût jusqu'aux moindres détails. Mais après quelques débats, on jugea qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.

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Les diverses démarches que nous venons d'exposer donnèrent lieu à plus d'une interprétation. Loustalot s'étonnait qu'on eût autant tardé à s'enquérir des auteurs des brochures contre-révolution naires que les journaux dénonçaient depuis le commencement du mois. C. Desmoulins faisait observer, à propos du discours du frère du roi, qu'on ne devait point demander à MONSIEUR s'il avait, par un acte quelconque, démenti ses principes patriotiques, mais bien s'il les avait manifestés par quelque chose. — D'autres faisaient remarquer l'empressement de toutes les autorités municipales à poursuivre le prétendu Barreau. D'autres enfin vantaient l'habileté des représentants qui avaient forcé MONSIEUR à venir renoncer ses amis, et avouer en public une doctrine qui était loin sans doute d'être la sienne.

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Situation diplomatique à la fin de 1789.

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A la fin de 1789, nul événement n'avait encore changé la position diplomatique de la France. On apercevait bien les probabilités d'une rupture avec la confédération germanique. Les princes allemauds, possesseurs de fiefs en Alsace, et privés de cette propriété par les arrêtés de la nuit du 4 août, avaient soumis leurs plaintes au gouvernement français; ils n'avaient voulu accepter aucun des dédommagements qu'on leur avait offerts; ils exigeaient le rétablissement de leurs droits seigneuriaux : on ne pouvait le leur accorder; ils menaçaient en conséquence de réclamer la protection

de la confédération et de l'empereur. Mais il était difficile de croire qu'un si faible motif pût devenir la cause d'une grande guerre. D'ailleurs, l'empereur était toujours occupé à la guerre de Turquie, ainsi que la czarine de Russie; et il devait craindre l'opposition de la Prusse. Cet État nouveau en Allemagne, qui ne s'était formé qu'aux dépens des anciens États, qui ne pouvait s'agrandir que par la conquête de provinces autrichiennes ou allemandes, n'avait encore rien fait, et en réalité, d'après les renseignements les plus authentiques, il ne faisait rien qui prouvât qu'il fût disposé à sortir de ce système politique qui lui faisait trouver bon et utile tout événement qui affaiblissait ses voisins.

Que pouvait-on redouter d'ailleurs? La Sardaigne ne pouvait pas se mesurer avec la France. Le peuple anglais applaudissait à la révolution; la cour d'Angleterre ne pouvait faire la guerre sans les subsides des parlements; et l'on croyait que le parlement était le peuple. L'Espagne pouvait être redoutable; mais elle avait un gouvernement lent à se remuer, lent à se décider, embarrassé dans ses finances. L'Espagne nous faisait la guerre par sa sainte inquisition; elle proscrivait nos brochures et nos journaux.

La position militaire de la France s'était d'ailleurs améliorée par ce qui s'était passé dans les Pays-Bas. Les Français avaient suivi avec un intérêt de frères tous les événements de cette guerre d'indépendance, dans laquelle les patriotes brabançons conquirent leur propre pays, pied à pied, sur les soldats autrichiens, commandés par d'Alton. La conduite de cette armée impériale fut infâme on n'avait pas, depuis deux siècles, exemple de pareilles et aussi sales violences dans notre Europe méridionale incendies, meurtres d'enfants et de femmes, viols, brigandages, tout le mal que peut faire une bande d'hommes grossiers, ivres, sans cœur et sans honte, tout fut commis. Aussi, il y eut en Belgique peu d'hommes qui ne prissent les armes ; et en France pas un homme qui ne frémit de colère; beaucoup de Français même allèrent au secours des Belges; un grand nombre de soldats de nos garnisons-frontières désertèrent et coururent se battre chez eux. Ce spectacle de barbarie de la soldatesque étrangère apprenait à la France ce qu'elle avait à redouter si elle était envahie. Nous ne doutons pas que ce ne fut à ce spectacle que nous dûmes plus tard le chant de la Marseillaise.

La victoire des patriotes brabançons fut complétée le 13 décembre par la prise de Bruxelles. « VICTOIRE! VICTOIRE ! VICTOIRE! criait-on à Paris le 15 décembre; Bruxelles est au pouvoir des patriotes; d'Alton est en fuite, et il est poursuivi, d'un côté, par le duc d'Aremberg, et de l'autre par le général Van-der-Mersch. »

(Annales patriotiques.) Le 19, les états de Brabant s'assemblèrent. Les trois ordres délibérèrent en commun: ils nommèrent M. Vander-Nott premier ministre, titre qui équivalait à celui de président du pouvoir exécutif. A peine fut-il nommé, qu'il adressa des dépêches diplomatiques au roi et à l'assemblée nationale. Le ministre refusa de les ouvrir, et les renvoya à M. Van-der-Nott.

Quant à la ville qui avait donné le branle au mouvement des Pays-Bas, en forçant son archevêque à reconnaître la constitution. qu'elle s'était donnée; quant à Liége, elle s'était crue menacée, et avait accepté la protection du roi de Prusse et une garnison de ses troupes royales. A cause de cela, on croyait que la Prusse pourrait bien protéger l'insurrection des Pays-Bas, ne fût-ce que pour affaiblir d'autant la puissance de la maison d'Autriche.

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Il y a quelque chose d'étrange pour nous, spectateurs uniquement attentifs à la continuité du mouvement révolutionnaire et qui en attendons le développement, de le voir interrompu un instant par les habitudes de la vie ordinaire, par les cérémonies du jour de l'an.

Le 1er janvier, le président de l'assemblée nationale se rendit aux Tuileries avec une députation de soixante membres : il fut introduit selon le cérémonial établi par l'étiquette auprès du roi.

« Sire, dit-il, l'assemblée nationale vient offrir à Votre Majesté le tribut d'amour et de respect qu'elle lui offrira dans tous les temps. Le restaurateur de la liberté publique, le roi qui, dans des circonstances difficiles, n'a écouté que son amour pour la fidèle nation dont il est le chef, mérite tous nos hommages, et nous les présen tons avec un dévouement parfait.

« Les sollicitudes paternelles de Votre Majesté auront un terme prochain les représentants de la nation osent l'en assurer. Cette

considération ajoute au zèle qu'ils mettent dans leurs travaux pour se consoler des peines de leur longue carrière, ils songent à cet heureux jour où, paraissant en corps devant un prince ami du peuple, ils lui présenteront un recueil des lois calculées pour son bonheur et pour celui de tous les Français; où leur tendresse respectueuse suppliera un roi chéri d'oublier les désordres d'une époque orageuse, de ne plus se souvenir que de la prospérité et du contentement qu'il aura répandu sur le plus beau royaume de l'Europe; où Votre Majesté reconnaîtra, par l'expérience, que sur le trône, ainsi que dans les rangs les plus obscurs, les mouvements d'un cœur généreux sont la source des véritables plaisirs.

<< Alors on connaîtra toute la loyauté des Français, alors on sera bien convaincu qu'ils abhorrent et savent réprimer la licence; qu'au moment où leur énergie a causé des alarmes, ils ne voulaient qu'affermir l'autorité légitime; et que si la liberté est devenue pour eux un bien nécessaire, ils la méritent par leur respect pour les lois et pour le vertueux monarque qui doit les maintenir. >> Le roi fit cette réponse :

« Je suis fort sensible aux nouveaux témoignages d'affection que vous me présentez au nom de l'assemblée nationale. Je ne veux que le bonheur de mes sujets, et j'espère, comme vous, que l'année que nous allons commencer sera, pour toute la France, une époque de bonheur et de prospérité. »

La députation, s'étant ensuite présentée chez la reine, adressa à Sa Majesté le discours suivant :

<< MADAME,

Le tribut de respect que viennent offrir les représentants de la nation n'est plus un vain cérémonial. Vous partagez la gloire et les inquiétudes d'un roi dont les vertus sont chéries dans les deux mondes. Vous veillez sans cesse au bonheur d'un prince digne à jamais de l'amour de tous les Français. Tous les citoyens savent avec quel soin vous élevez ces aimables enfants (M. le dauphin et Madame royale étaient aux côtés de la reine), qui nous inspirent un si grand intérêt; et c'est au nom des Français, toujours sensibles et toujours fidèles, que nous vous présentons, madame, les hommages d'un respectueux dévouement. »

La reine répondit :

« Je reçois avec beaucoup de sensibilité les vœux de la députation. Je vous prie d'en assurer tous les membres de l'assemblée nationale. >>

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