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des subsistances, des maisons de jeu. Elle décide qu'autorité est maintenue aux anciens règlements de police sur les jeux de hasard, clandestins, etc.)

L'assemblée allait se séparer, lorsqu'elle a été obligée de recevoir une seconde députation des soi-disant habitués du Palais-Royal, à la tête de laquelle M. Gontran, capitaine de la garde nationale de Saint-Philippe-du-Roule, avait été forcé de se mettre.

M. Gontran était chargé, de la part du Palais-Royal, de réitérer les demandes que les premiers députés avaient faites; il avait, en outre, pour objet personnel, d'informer l'assemblée que les mouvements du Palais-Royal étaient toujours les mêmes.

L'assemblée délibérait sur ce point important, lorsque M. le commandant général, qui avait été appelé pour cet objet, a annoncé une troisième députation, ayant le marquis de Saint-Hurugues en tête.

Cette troisième députation a donné lieu à quelques membres de rappeler la règle qu'on s'était imposée, de ne recevoir de députation que des corps légalement constitués. Malgré la double infraction que cette règle avait reçue dans la soirée, cette observation a prévalu; et il a été arrêté, conformément à l'avis de M. le maire, que la séance serait levée, remise à demain matin à neuf heures, et que la nouvelle députation serait renvoyée devant le comité.

Nous avons choisi de présenter au lecteur un extrait de cette séance, parce qu'elle nous a paru très-propre à faire connaître l'esprit qui animait l'assemblée des représentants de la commune, et qui lui valut plus tard de nombreuses attaques de la part de la presse révolutionnaire.

La réponse des représentants fut d'ailleurs fort mal reçue du Palais-Royal; mais déjà un grand nombre de patrouilles traversaient et divisaient la foule. « Eh bien donc ! rendons-nous demain, dès quatre heures, dans nos districts! s'écria un orateur; soyons, autant que possible, en uniforme, ou bien mis, afin que l'assemblée sache que ce ne sont point les gens de Montmartre qui s'assemblent et délibèrent au Palais-Royal. »

Paris, 1er septembre. On commença à traiter la question du veto dans les districts. Elle s'agitait encore au Palais-Royal, malgré la désapprobation connue des membres de la commune de nombreuses brochures répandues à profusion, et criées dans les rues, excitaient encore l'ardeur d'une partie de la population.

En conséquence, l'assemblée des représentants de la ville rendit deux décrets, qui furent aussitôt publiés et affichés : l'un était

dirigé contre les crieurs publics : il défendait de colporter et de crier aucuns autres écrits imprimés que ceux émanant de l'autorité publique; l'autre était rédigé en ces termes : « L'assemblée des représentants, profondément indignée de ce qui s'est passé au Palais-Royal;

<«< Voyant avec une nouvelle douleur que l'on continue à profaner, par des calomnies atroces et des motions sanguinaires, la demeure d'un prince également chéri et honoré de la nation;

« Voyant, dans ces mouvements séditieux, les derniers efforts des ennemis de la nation, qui essayent, par une subversion générale, de nous faire regretter l'affreuse paix du despotisme;

« Sentant combien il importe à la prompte régénération du royaume de s'en rapporter, sur les grandes questions qui s'agitent aujourd'hui dans l'assemblée nationale, aux grands principes qui l'ont dirigée, et au sincère dévouement d'un roi citoyen qui s'honore de concourir au bien général...

« Également d'avoir vu la dignité de la chose pubilque compromise par les menaces et les gestes que se sont permis, jusque dans son sein, des particuliers qui se sont dits députés par les habitués du Palais-Royal, etc., etc. :

« L'assemblée déclare qu'elle persiste invariablement dans ses arrêtés contre les attroupements et les motions du Palais-Royal ;

«En conséquence, elle charge le commandant général de déployer toutes les forces de la commune contre les perturbateurs du repos public, de les arrêter et constituer dans les prisons, pour leur procès être instruit selon la nature des délits, etc. »>

Cet arrêté fut connu le jour même. Tout le monde se demandait l'explication de la phrase que nous avons fait imprimer en italique. On répondait que les députés du Palais-Royal avaient, en menaçant les représentants, passé la main sur le cou, pour les effrayer du sort qui leur était promis, s'ils se refusaient à leurs demandes. « Il ne faut pas le croire! s'écrie Loustalot : cette assertion est absurde. Sans doute il y a eu, de la part des membres de la commune, méprise; car nous ne voulons pas croire que la ville soit tombée tout à coup dans le machiavélisme, et que tout moyen lui ait paru bon pour rendre odieuses les motions du PalaisRoyal. >>

Néanmoins, l'ordre donné à la garde nationale fut exécuté. « Le soir, le café de Foy était plein de gens qui écoutaient avec avidité la lecture d'une opinion sur le veto. Chaque phrase excitait les plus vifs applaudissements, et ceux qui étaient au dehors demandaient le lecteur. Tout à coup les applaudissements ont changé en cris

d'indignation: A bas! non, non, infâme! On lisait un plan de constitution avec veto, sénat, etc. Les cris du dehors répondaient à ceux du dedans. La patrouille a cru qu'il y avait du tumulte; elle est entrée dans le café la vue des armes a effrayé quelques auditeurs. Ils ont cassé les carreaux pour sortir par les fenêtres : plusieurs ont été blessés par le verre. Le café a été bientôt vide et fermé.» (Révolutions de Paris.)

La prison, en effet, était devenue chose assez redoutable. Lorsque l'on n'était point réclamé par quelque puissance du jour, par son district, par exemple, on courait risque d'y être oublié. Les maisons de force étaient encombrées, et la population y était tellement mêlée, que le séjour en était devenu un supplice anticipé. C'était un fait très-connu; car, dès le 11 du mois, un district, celui de Saint-Magloire, était venu solliciter l'assemblée pour qu'elle prît des mesures afin de débarrasser les prisons. En effet, le 15, celle-ci décida que le maire prendrait quatre assesseurs gradués, et exercerait les fonctions que remplissait l'ancien tribunal dit bureau de la ville. Mais cet arrêté ne prévoyait que pour les cas de simple police. Les prévenus pour les délits d'autre nature restaient toujours sans magistrats pour les entendre et décider de leur sort; les prisons, d'ailleurs, étaient fort malsaines. Quelques réclamations avaient été élevées à cet égard; mais on s'en occupait fort mollement.

Dans sa séance du soir, l'assemblée des représentants reçut une première députation d'un district sur la question du veto : ce fut celui des Capucins Saint-Honoré. Il venait demander à la commune d'envoyer une députation à l'assemblée nationale, afin d'obtenir de ses membres un sursis sur la question du veto, jusqu'à ce que le vœu de leurs commettants fût connu. Cette pétition était signée Marchand, président; Bénières, curé de Chaillot, député suppléant; Lubin, ancien électeur; Lamagnières, secrétaire, etc. Il fut répondu que la ville de Paris n'avait pas le droit de suspendre les délibérations de l'assemblée nationale.

On dut prendre en très-mauvaise part cette ferveur toute nouvelle mais nécessaire pour la hiérarchie légale; car les représentants donnaient un exemple contraire : ils ne se faisaient pas faute d'outre-passer leurs pouvoirs. Ainsi ils correspondaient avec les villes; ils leur faisaient des proclamations; ainsi le même soir, ils autorisaient l'établissement d'une milice bourgeoise dans la commune de Presle, et ordonnaient à un commandant de maréchaussée voisin de lui délivrer des armes.

CHAP. IV. Conclusion de la question du veto. -L'assemblée décrète le velo suspensif. Elle écarte une déclaration de Rennes et un mémoire de Necker. Mesures d'ordre. Arrestations. Despotisme bourgeois. Organisation municipale de Paris. Plan de Brissot. Subsistances. Organisation de la garde nationale. Indemnité offerte à Lafayette. Nouvelles étrangères. Emeute à Lyon. Dons patriotiques.

:

Revenons à la question du veto. Nous donnerons, dans la seconde partie de ce volume, l'analyse de la discussion qui eut lieu dans l'assemblée nationale à cette occasion. Il suffit, pour le moment, afin d'apprécier les tendances de l'opinion publique, de savoir que trois opinions furent défendues deux extrêmes l'une qui voulait le veto absolu; l'autre qui le rejetait entièrement; la troisième était mixte, elle demandait le veto seulement suspensif. Cette dernière l'emporta, soit parce qu'elle fut mieux défendue, soit parce qu'elle rallia les centres, c'est-à-dire tous ceux qui penchaient pour le veto absolu, mais qu'effrayaient les émeutes dont s'autorisait le parti opposé. Les bases générales de la constitution furent posées en même temps. Cette question occupa l'assemblée jusqu'au 11 septembre. Le 8, elle décida que les assemblées législatives seraient permanentes; le 10, qu'elles seraient composées d'une seule chambre; le 11, le veto suspensif passa à la majorité de 675 voix contre 525.

Toute cette discussion fut d'ailleurs extrêmement orageuse, fréquemment interrompue, surtout vers la fin, par l'impatience de l'assemblée : elle ne fut pas moins vive dans la capitale. Nul doute_ même que l'adoption d'un parti mitoyen, celui du veto suspensif, ne fût surtout l'effet du désir de conserver une moyenne entre les deux opinions absolues, celle de la cour et celle qui paraissait po pulaire.

En effet, ainsi que nous l'avons vu, tous les districts de la capitale agitèrent cette question. Il s'agissait pour eux, non de la décider, mais d'obtenir un ajournement, et l'appel au peuple. Dans le plus grand nombre, la discussion n'eut point de conclusion : la question était terminée dans l'assemblée, lorsqu'elle commençait à peine chez eux. Dans quelques autres, le parti qu'avaient choisi les représentants de la commune triompha. Dans trois districts seulement, la majorité fut rapidement formée et d'accord pour que la commune de Paris insistàt auprès de l'assemblée afin d'obtenir d'elle les deux concessions dont il s'agit: ce furent ceux de SaintGermain-l'Auxerrois, Saint-Étienne-du-Mont, et Saint-Jacquesde-l'Hôpital. Une députation de la ville de Rennes vint, le 4 septembre, solliciter les représentants de Paris dans le même sens;

ayant été écartée, elle s'adressa à l'assemblée nationale, et lui envoya la protestation dont elle était porteur. Cette démarche manqua d'exciter un orage dans l'assemblée sans l'appui du côté gauche, elle eût été peut-être injurieusement repoussée.

Cependant << rien de si naturel que la délibération des citoyens de la ville de Rennes, observe Marat (le Publiciste parisien, journal politique, etc.), rien de si juste que les principes qui lui servent de fondement, rien de si étrange que les réclamations qu'elle a excitées, et rien de plus odieux que les motions auxquelles elle a donné lieu... Si la délibération de Rennes devait trouver un zélé défenseur, c'était le comte de Mirabeau... Mais, au lieu d'épouser la cause de la nation, il a pris un ton d'importance pour élever l'autorité des députés au-dessus de celle des commettants.

« Les villages, les bourgs, les villes, les provinces, s'est-il écrié, tout cela n'est que sujet, et le corps législatif ne doit nulle déférence légale, nul compte de ses opinions à telle ou telle agrégation. Ce n'est pas là sans doute les sentiments qu'il a fait éclater pour capter les suffrages des bourgeois de Marseille et des paysans, lorsqu'il s'est humanisé avec eux jusqu'à leur vendre du drap...

<<< Deux autres membres des états, Garat l'aîné et M. l'abbé Maury, se sont oubliés d'une manière encore plus révoltante : ils ont poussé l'audace jusqu'à demander un décret qui condamnât la déclaration de Rennes comme outrageante et attentatoire. — Quoi! l'on fera un crime aux députants de faire connaître leurs vœux aux députés... De pareilles réclamations prouvent que leurs auteurs méconnaissent les devoirs d'un député. Retraçons-les à leurs yeux.

« Dans un gouvernement bien constitué, le peuple en corps est le véritable souverain, etc.»

L'assemblée repoussa purement et simplement l'adresse bretonne. Elle fut aussi sévère à l'égard d'un mémoire que M. Necker lui adressa: elle refusa de l'entendre. Le ministre fit imprimer son factum; il votait pour le veto suspensif. On lui en voulut de cette démarche. Qu'avait-il à faire dans ce débat? disait-on. Se croyait-il donc de si grand poids, qu'il fût contraint de donner son opinion, et qu'on ne pût avoir un avis sans son autorisation. M. le Genevois manquait de modestie, etc.

L'assemblée était en effet impatiente d'en finir. En prolongeant les débats, il aurait pu arriver qu'elle cessât d'être libre. D'autres adresses, conçues dans le sens de celle de Rennes, étaient en route, et chaque jour il en arrivait quelqu'une.

Versailles même n'était pas tranquille. Des placards, affichés

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