Page images
PDF
EPUB

présidents et conseillers de cours souveraines, et cette foule de courtisans et de financiers conjurés contre la subsistance d'une nation entière.

Art. Ier. La totalité des fonds d'avance sera distribuée en 18 sous d'intérêt et répartis, savoir:

[blocks in formation]

II. Les fonds convenus pour chaque sou d'intérêts resteront fixés, comme ils ont été faits, à la somme de 10,000 liv., sauf, suivant les circonstances, à les augmenter ou diminuer, ce qui ne pourra être arrêté que par une délibération signée au moins de trois intéressés.

III. Les sieurs le Ray de Chaumont, Rousseau et Perruchot sont convenus, pour exciter davantage l'émulation et le zèle dudit sieur Malisset, de lui donner 2 sous sans fonds, sur les 6 pour lesquels il est compris dans la présente soumission. En conséquence, ledit sieur Malisset ne sera tenu de faire les fonds convenus que pour 4 sous seulement.

IV. Le sieur Gouget a été choisi et nommé pour directeur et caissier de ladite entreprise, sous le cautionnement du sieur Perruchot, tant pour lui que pour les bureaux de l'entreprise, qui seront établis dans le même lieu.

V. Il sera pourvu incessamment au logement dudit sieur Gouget.

VI. MM. les intéressés tiendront leurs assemblées dans la maison dudit sieur directeur-caissier; et tous les papiers, titres et comptes de l'entreprise y seront déposés sous la garde dudit sieur directeur-caissier.

VII. Il sera pourvu aux appointements, frais de bureau et de loyer dudit sieur Gouget, par une délibération qui sera signée au moins de trois intéressés.

VIII. Les appointements dudit caissier, ceux des autres employés, les frais de bureau et ceux de loyer, seront payés par ledit sieur caissier, sur des états qui seront arrêtés à la fin de chaque mois, et signés au moins par trois intéressés.

IX. Il sera arrêté tous les trois mois un état d'intérêts à raison de dix pour cent des fonds de mise; et tous les ans, après le bilan ou inventaire général de l'entreprise, il sera pris une délibération pour la répartition des bénéfices, si aucuns y a, et le montant desdits intérêts, ainsi que celui de la répartition des bénéfices sera payé par le caissier sur les états qui seront signés au moins de trois intéressés.

X. En conséquence du dernier bilan, clos et arrêté au dernier novembre 1766, il sera réparti provisionnellement à chaque sou d'intérêt la somme de 2,000 livres, qui sera payée par le caissier sur l'état arrêté et signé au moins de trois intéressés.

XI. Toutes les reconnaissances qui ont été fournies jusqu'à présent à chaque intéressé pour les fonds d'avance, résultant de leurs intérêts seront converties en des recépissés du caissier, sous les mêmes dates, et qui seront contrôlés par un intéressé.

XII. Le compte de ladite entreprise sera fait et rendu par le directeur, et arrêté annuellement dans le courant du mois de novembre, signé au moins de trois intéressés, pour servir de base et de compte général aux représentants d'au-cuns des intéressés qui pourraient décéder pendant la durée de ladite entreprise, étant convenus respectivement lesdits sieurs Malisset et ses cautions, qu'arrivant

<«< Quatre intendants des finances, MM. Trudaine de Montigny, Boutin, Langlois et Boullongne, se partagèrent le royaume, se distribuèrent à chacun un nombre égal de provinces à ravager, et

le décès d'aucun intéressé, son intérêt accroîtra aux autres par portion égale; et ses représentants ne pourront répéter que ses fonds de ladite mise, les intérêts à dix pour cent jusqu'au jour du remboursement de ladite mise, et la portion à lui revenante dans les bénéfices arrêtés par le dernier compte, au moins sur les fonds de mise, s'il se trouvait perte au dernier compte.

La convention portée au présent article n'aura lieu néanmoins qu'autant que le ministère se prêterait à décharger les biens meubles et immeubles de l'intéressé décédé, du cautionnement solidaire; et dans le cas où ledit cautionnement subsisterait, alors les héritiers ou représentants jouiront de l'intérêt en entier pour participer aux pertes et bénéfices; il est seulement convenu que les héritiers ou représentants se contenteront, pour établir leur prétention, de la copie signée et certifiée des autres intéressés, du compte arrêté annuellement, de la situation de l'entreprise et des différentes délibérations, ordres de payement et autres arrêtés faits pendant chacune desdites années, jusqu'à l'expiration de la commission du sieur Malisset, acceptée, au nom du roi, par M. le contrôleur général.

XIII. Aucun intéressé ne pourra céder son intérêt, en tout ou en partie, sans le consentement unanime des autres intéressés; et arrivant qu'il fût fait une cession au préjudice de la présente clause, il est ici expressément convenu que les intéressés auront la faculté de réunir l'intérêt cédé en remboursant seulement au cessionnaire le capital du cédant, et les intérêts à cinq pour cent, du jour de l'acte de cession, et en lui tenant compte des bénéfices, ou lui faisant supporter les pertes depuis le dernier compte, comme il est dit en l'art. XII

XIV. Le directeur sera autorisé à passer des marchés, conformément aux délibérations; il sera tenu d'en faire approuver les clauses et conditions avant la signature par deux intéressés; et aucun d'iceux ne pourra faire de marchés particuliers, à l'exception du sieur Malisset, qui pourra vendre des sons et farines jusqu'à concurrence de 3,000 liv., à charge de faire enregistrer les ventes qu'il aura faites dans le jour.

XV. Aucun des intéressés, directement ou indirectement, ne pourront entrer dans aucune société pour raison du commerce des grains et farines, à Paris, n i sur les rivières de Seine et de Marne, et autres navigables, affluentes en icelles, que de l'agrément par écrit des autres intéressés, sous peine d'être exclu de la présente entreprise, à l'exception de M. de Chaumont, relativement à sa manufacture de Blois ou à son commerce maritime.

XVI. Il sera tenu toutes les semaines, au jour qu'il sera convenu et dans l'appartement qui sera destiné à cet effet dans la maison du caissier, une assemblée pour conférer des affaires de l'entreprise; et pour engager d'autant chaque intéressé à s'y trouver exactement, il sera payé par le caissier, en conséquence de l'état qui sera arrêté à la fin de chaque assemblée, un louis d'or de 24 livres à chaque intéressé présent.

XVII. Chaque jour d'assemblée, le caissier remettra un état de fonds de la caisse, un second état de situation de l'entreprise en actif et passif, et un troisième état des quantités de grains et de farines qui seront dans les différents magasins et entrepôts.

XVIII. Il sera pourvu aux instructions à donner au caissier-directeur, tan pour la comptabilité que pour la correspondance et les autres opérations relatives à ladite entreprise, par des délibérations qui seront signées au moins par trois intéressés.

XIX. Il sera délivré annuellement une somme de 1200 liv. aux pauvres, la

entretenaient la correspondance avec les intendants provinciaux (1). MM. Bertin et Sartine eurent le secret de l'entreprise; ce dernier s'était réservé la capitale et l'Ile de France. Mais Malisset, nommé par le roi, généralissime agent de l'entreprise, devait se porter partout où le besoin le requerrait pour commander, diriger et payer cette foule d'ouvriers, de commissionnaires, d'inspecteurs ambulants, de blatiers, de batteurs en grange, de cribleurs, de voituriers, d'emmagasineurs et de gardiens des greniers domaniaux, forteresses et châteaux royaux où s'amoncelaient tous les ans, sous le nom du roi, tous les grains et farines dits du roi. Les parlements (2) secondaient avec ardeur cette opération ministérielle. Les riches en profitaient; les citoyens aisés n'osaient réclamer, dans la crainte de compromettre leur existence. Les plaintes et les plaignants étaient ensevelis sans pitié dans les gouffres de la Bastille; et si le peuple, sur qui tombait plus directement tout le poids du monopole, laissait échapper quelques murmures, des gibets et des bourreaux le contraignaient au silence, et on le forçait, dans la crainte d'être pendu, à mourir tranquillement de faim. On eût dit qu'une armée de brigands avait envahi l'empire pour se partager ses dépouilles; et ces brigands étaient le gouvernement lui-même et ses agents. Non, les annales du monde ne présentent pas un plus horrible attentat contre le genre humain, ni un tel prodige de tyrannie mais un plus grand prodige encore, c'est que ce crime

quelle sera payée par quart par le caissier à chaque intéressé, pour faire la distribution ainsi qu'il jugera convenable.

XX. Ratifions, en tant que de besoin, les arrêtés, délibérations et autres actes précédemment faits, comme ayant été jugés nécessaires au bien et à la sûreté de l'entreprise.

Fait quadruple à Paris, etc., etc. (Note du Monil.)

(1) Ces quatre intendants ne sont pas nommés dans le bail. Mais M. le prévôt de Beaumont, ancien secrétaire du clergé de France, qui découvrit cette ligue infernale, en a connu les chefs et les principaux agents. Vingt-deux ans de captivité dans cinq bastilles différentes, et des vexations inouïes furent le prix d'un service qui devait lui mériter des couronnes civiques. Ce ne fut qu'au mois de juillet 1789, à l'instant où le peuple français, indigné de tant de vexations, se leva tout entier et fit pâlir tous ses tyrans, qu'il fut rendu à la lumière et à la reconnaissance de ses concitoyens. (Note du Monit.)

(2) Lés parlements de Rouen et de Grenoble furent les seuls qui osèrent faire parler les lois contre cet infâme trafic. C'était au parlement de Rouen que M. le prévôt de Beaumont avait voulu le dénoncer. Mais M. de Rinville, principal commis de Rousseau, ayant laissé ce paquet pour le contresigner chez M. Boutin, qu'il ignorait alors avoir part à cette entreprise, un premier commis ne manqua pas, selon l'usage de ce temps-là, de l'ouvrir et de le porter à son maître, qui, de concert avec la police et le ministère, étouffa les réclamations et prévint la révélation du mystère d'iniquité, en faisant renfermer dans les prisons d'État tous ceux qui en avaient connaissance, (Note du Monit.)

immense ait été impunément renouvelé quatre fois en soixante ans, et que la barbarie des tyrans n'ait pu lasser la patience des peuples, ni la patience des peuples assouvir l'infatigable avidité des tyrans.

<«< Sous le ministère de M. de Machault, une compagnie, dont les agents secrets étaient les nommés Bouffé et Dufourni, négociants, avait acheté le privilége d'affamer la France; et les famines générales de 1740, 1741, 1752, attestent l'habileté de ces monstres et leur incroyable avidité. Un autre bail de même nature, passé en 1729, avait servi de modèle au leur, comme leur traité luimême en servit au pacte de Laverdy. L'exploitation de ce dernier privilége ne fut ni moins désastreuse pour la France, ni moins lucrative pour la compagnie, que ne l'avait été celle du précédent. Cinq fois la famine docile vint grossir ses dividendes et précipiter dans le désespoir et le tombeau des milliers d'infortunés, qui, ne pouvant de toutes leurs sueurs et de tout leur sang payer le pain noir dont ils avaient besoin pour soutenir leur malheureuse existence, expirèrent avec toute leur famille dans les angoisses de la faim.

<<< Les années 1767, 1768, 1769, 1775, 1776, virent donc déployer de nouveaux talents dans l'art d'affamer un empire, et d'extraire de l'or des cadavres des malheureux desséchés par la misère (1).

(1) Voyez, écrivait à ses agents le directeur principal de cette troupe de vautours, voyez si, sans occasionner de disette trop amère, vous pouvez acheter, depuis Vitry jusque dans les Trois-Évêchés, une quantité très-considérable de blé, pendant six mois, sans excéder le prix de 20 liv. pour le poids de 240 à 250 liv., et faites en sorte que je puisse compter sur 7 à 8,000 setiers par semaine ; cela fait pour six mois 192,000 setiers. Commencez par m'en expédier 6,000 pour Corbeil. Les fonds ne vous manqueront pas chaque semaine : mais surtout gardezvous de vous faire connaître, et ne signez jamais vos lettres de voiture. Je ne peux vous procurer de nos sacs, ils sont timbrés du nom de Malisset, et il serait indiscret de les faire passer chez vous. Vous me mandez que d'autres que vous font de grandes levées de grains; mais c'est un feu follet qui court sans faire de mal. Au reste, d'après les mesures que nous prenons, ils n'auront pas la fureur de nuire à nos opérations.

M. de Montigny, intendant des finances, a donné des ordres de verser aux marchés de Méry-sur-Seine, de Mont-Saint-Père et de Lagny; et d'autres ordres de suspendre les ventes à Corbeil, à Melun et Mennecy, non pas entièrement, à cause des besoins journaliers, mais de n'exposer par jour, dans ces marchés, que 50 livres de farine blanche pour la subsistance des petits enfants, ou 2,000 boisseaux, moitié blé, moitié seigle. Si, dans vos achats, l'on tient avec trop de rigueur sur le prix que vous offrez, dites qu'il vient d'arriver à Rouen 18 bâtiments chargés de blé, et qu'on en attend encore 23. On ne se doute pas que ces bâtiments sont les nôtres.

Faites-vous, au surplus, donner des soumissions de vous fournir telle quantité qui vous paraîtra possible, au prix actuel du quintal, rendu à Vitry. Quand la

TOME II

7

«En 1768, les opérations s'étaient agrandies. Des entrepôts avaient été établis dans les îles de Jersey et de Guernesey. Le blé de France y demeurait entassé dans des magasins, d'où sa sortie était réglée par un tarif gradué sur les besoins pressants du peuple et l'avidité des monopoleurs. Cette idée mère fut due à un chevalier Forbin, qui la proposa à table chez madame d'Estaing; et son exécution, à l'humanité de M. d'Iuvau, alors contrôleur général. Elle était bien digne de la protection de M. l'abbé Terray, son successeur. Aussi accorda-t-il à cet établissement une affection constante, et travailla-t-il à lui donner plus d'extension, en y joignant les moulins et magasins de Corbeil, qu'il fit acheter par le roi.

« Ce grand ministre, qui avait découvert ce principe nouveau en finances, qu'il faut établir le niveau entre les dépenses et les recettes, parvint à ce merveilleux équilibre par deux moyens qui font autant d'honneur à sa probité qu'à son génie, la banqueroute et le

disette sera assez sensible dans votre canton, vendez farines et blés : c'est le moyen de vous y faire acquérir de la considération. Je ne laisserai pas d'ailleurs échapper l'occasion de vous faire mériter encore auprès de M. de Montigny. Si la cherté montait au point d'exciter le ministère public à vous demander d'exposer des blés du roi dans les marchés de la ville que vous habitez, ne manquez pas d'obéir.

Mais versez-en avec modération, toujours à un prix avantageux, et faites aussitôt, d'un autre côté, le remplacement de vos ventes. Il faut espérer que le calme se rétablira dans le lieu où vous êtes; le canton y est abondant, le blé y est d'un commerce considérable; conséquemment l'exportation y doit causer moins de sensation, et d'inquiétude qu'ailleurs.

Faites faire vos ventes pour le compte de Mahuet, et donnez vos ordres pour que les chargements faits sur la Marne par M. de Chaumont, l'un des régisseurs au compte du roi, ne soient point coupés. Quoique le nommé Bourré, marinier, vous paraisse suspect, j'ai lieu de croire qu'il ignore que M. de Montigny et M. le contrôleur général sont à la tête de notre opération. Il n'est que le secret qui puisse la soutenir; et si elle était connue, non-seulement les intentions de ces ministres se trouveraient traversées, mais encore le commerce de votre pays, les fermiers, les laboureurs et tout le public en souffriraient beaucoup.

L'approvisionnement de Paris se soutient toujours sur le même pied, rien ne bronche, l'ordre y est admirable et la tranquillité la plus parfaite, par les soins ardents et assidus de M. de Sartine, qui nous est d'un grand secours, et par les ordres absolus de M. le contrôleur général, que M. de Montigny fait distribuer à propos. Persuadé de votre attention, je suis maintenant bien tranquille sur le secret de mes lettres. J'ai fait voir votre dernière à M. de Montigny: vous pouvez compter d'en être favorisé au besoin. Pressez vos levées; il y faut la plus grande diligence. Nous eussions dû faire au moins dix fois plus d'achats, depuis que vous avez commencé votre tournée. Il a été arrête, par M. de Montigny, que pour éviter la confusion, MM. les commissaires aux achats rendraient leurs comptes toutes les semaines. En conséquence, vous voudrez bien vous conformer à cet arrangement, à moins que le bien du service n'exige du changement dans cette disposition, d'ici au temps de la moisson, où les opérations de la régie se ralentissent nécessairement. (Note du Mon.)

« PreviousContinue »