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vier, M. de Sainneville ont été l'objet des plus audacieuses calomnies; et si le colonel Fabvier personnellement est nommé dans les notes secrètes. Jamais on ne lui pardonnera ses lumineuses révélations. Il a saisi le premier fil de ces trames sanguinaires; il a montré à l'Europe de quel côté se trouvait l'esprit de vengeance et de révolution; c'est un crime irrémissible.

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>> Tous les liens de l'état social sont relâchés; le gouver>>nement ne paraît marcher que par l'impulsion d'un pou» voir qui n'existe plus et par la présence des forces étrangères. » Ces phrases indiquent suffisamment le but des mécontens. C'est en calomniant le peuple français, c'est en accusant le système constitutionnel de relâcher les liens de la société, qu'ils espèrent rétablir le pouvoir arbitraire, forcer au silence les partisans d'une sage liberté, et revenir par degrés au régime des priviléges. Quel est donc ce pouvoir qui n'existe plus, et dont l'impulsion semble faire marcher le gouvernement? Le vague de cette idée ouvre un vaste champ à l'imagination, mais le mot de l'énigme est plus simple qu'on ne pense. Ce pouvoir qui n'existe plus, c'est l'opinion publique qui s'est si constamment et si fortement prononcée en faveur de l'égalité des droits. Il aurait été trop hasardeux d'exprimer avec franchise un sentiment si peu conforme à la vérité; il a fallu le voiler sous l'obscurité du langage, et en réserver le commentaire à des temps propices où serait remise en honneur cette obéissance aveugle qui est la seule vertu des esclaves. Quant à la présence des forces étrangères, on sent combien peu il en a coûté aux auteurs du manifeste d'attribuer à l'influence de ces forces la marche du gouvernement. C'est aux puissances alliées à juger du mérite de cette assertion et du degré de confiance et d'estime qu'elles doivent accorder aux hommes qui aggravent ainsi l'état d'humiliation dans lequel la force des événemens a plongé leur malheureuse patrie.

Tous les liens de l'état social sont reláchés ; et cependant les lois sont exécutées; il n'est point de sacrifices comman

dés par l'intérêt public auxquels les Français ne se soumettent avec la plus noble résignation. Quatre an ées de cruelles vicissitudes, de privations de tout genre n'ont pu lasser leur constance; l'industrie et le crédit ont ouvert toutes leurs ressources; les progrès incontestables de la liberté publique, l'espérance de prochaines améliorations ont resserré tous les liens de la société, et ranimé dans tous les cœurs le sentiment de la dignité et de l'indépendance nationales. Ce ne sont pas à la vérité les liens de fer du despotisme; mais est-ce donc là un si grand malheur ?

Tout se prépare à faire la guerre à l'Europe. » Il est généralement reconnu que les preuves d'une accusation doivent être proportionnées à sa gravité. Ici je vois bien une accusation odieuse; mais je demande où sont les preuves; car l'on ne saurait admettre dans cette catégorie de vaines assertions, de téméraires calomnies et d'absurdes sophismes. L'accusation est ici repoussée par l'évidence des faits. C'est au milieu de la paix la plus profonde; c'est lorsque la France, accablée par deux invasions, épuise ses derniers moyens pour remplir fidèlement des traités onéreux, et donne ainsi à l'Europe l'exemple de la plus scrupuleuse loyauté ; c'est à une telle époque qu'on parle du renversement du trône et de la guerre étrangère. Quel excès de fureur ou de démence! Sans doute la charte est l'un des appuis du trône, et l'on ne doit voir d'ennemis de la famille royale que dans les ennemis de la charte. Ce sont eux qui, depuis quatre ans, ne cessent de soulever tous les intérêts contre un ordre de choses qui doit tous les consolider. Une dynastie qui fonde la liberté et le bonheur d'une nation éclairée et généreuse, est à jamais inébranlable. Heureux les rois et les peuples lorsque les droits des uns et des autres se servent mutuellement de garantie! C'est alors qu'on peut compter sur la stabilité des gouvernemens et sur la durée des dynasties.

Mais quels sont donc les moyens indiqués par les calomniateurs du peuple français pour prévenir la guerre ci

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vile et la guerre étrangère? Ici se découvrent le mystère et le but de leurs manoeuvres. Il faut que les puissances alliées usent de leur influence pour déterminer le roi à changer son ministère, et remettre l'exercice de son pouvoir aux chefs du parti exagéré; car ces profonds politiques sont les seuls en France qui soient en état de consolider non la révolution, mais la monarchie. Heureusement, nous pouvons les juger par leurs œuvres; ils formaient la majorité de cette chambre de 1815 élue au milieu du trouble et de la consternation publique. Comment se sont-ils conduits à cette époque? La France en conservera long-temps le souvenir. Que de bien ils pouvaient faire; que de mal ils ont fait; ils se sont mis en opposition directe avec la volonté royale, et ont prétendu dicter des lois au monarque dont toutes les pensées, tous les efforts tendaient à la réconciliation générale des Français. La tribune nationale a retenti de cris de fureur et de menaces contre les hommes qui ont servi leur pays depuis 1789, et contre ceux qui, pendant cet intervalle de temps, n'ont pu s'empêcher de naître et de vivre en France. Leurs satellites agitaient nos provinces, bravaient le glaive impuissant de la justice, et versaient avec volupté le sang de leurs concitoyens. Pourraient-ils croire qu'on ait oublié ces épouvantables catégories, ces listes de proscription, ces destitutions en masse qui ont porté le désespoir jusque dans les plus obscurs villages. Ainsi, c'est en remuant tous les germes révolutionnaires qu'ils nous ont appris de quelle manière ils sont habiles à prévenir les révolutions et à consolider une monarchie. Ce dernier appel aux puissances étrangères pour intervenir dans les affaires intérieures de la France suffirait seul pour dévoiler leur faiblesse. Les souverains alliés ont trop de sagesse et de magnanimité pour désirer que la tranquillité de la France et celle de l'Europe soient compromises dans le seul intérêt d'un parti peu nombreux, qui ne peut s'élever que sur les débris de la fortune publique et du vernement constitutionnel.

gou

Ce n'est pas sans quelque hésitation que je me suis déter miné à publier les réflexions qu'on vient de lire. Je n'ignore pas combien il est difficile et quelquefois dangereux d'élever une voix réellement indépendante au milieu des passions agitées, et de sacrifier toute espèce d'intérêt personnel au désir de faire entendre la vérité. On s'expose à des haines furieuses; on doit s'attendre aux invectives de la sottise, aux calomnies de la méchanceté; mais l'accomplissement d'un devoir porte avec lui sa récompense, et je dirai, en empruntant le mot énergique d'un écrivain anglais : « Pour connaître si l'on a rempli son devoir, il faut interroger sa conscience et non celle d'autrui. »

VARIÉTÉS.

A. J.

LETTRES SUR PARIS.

No. 21.

Paris, 2 août 1818.

Je ne suis pas étonné de l'impression profonde que la nouvelle des derniers événemens a produite dans vos contrées ; je vois avec une extrême plaisir que le point de vue sous lequel nous les avons présentés, a paru juste aux esprits les plus éclairés. Les réflexions que nous avons exprimées, les critiques que nous nous sommes permises, tout le monde les avait faites avant nous. Il est des vérités tellement évidentes, qu'elles frappent les yeux à l'instant même le lecteur y retrouve ses pensées, et ne fait plus qu'un avec l'écrivain.

Mais une preuve mille fois plus convaincante de la justesse des reproches que nous avons cru de notre devoir

d'adresser au ministère, c'est la colère de ses flatteurs.. Tous les écrivains de la trésorerie se sont mis en campagne, et chacun à son tour nous décoche une flèche innocente. Ce n'est pas qu'elle ne soit en venimée; mais ils la lancent d'une main tellement inhabile, qu'elle tombe au milieu de leurs rangs, et que leurs chefs eux-mêmes en ont été plus d'une fois blessés.

Dans les graves circonstances qui nous pressent, nous n'abaisserons pas un instant nos regards sur ces tristes ennemis. Répondrons-nous à ces pédans, qui, dans une prose froide comme leur cœur, et guindée comme leur esprit, alignent quelques tristes lieux communs de politique et de morale; tranchant à la fois du rhéteur et du publiciste, Quintiliens de coterie, et Montesquieus de salon, grands hommes anonymes, qui se débattent sous le poids de leur nullité, et qui s'agitent au faîte des honneurs littéraires, comme s'ils sentaient eux-même qu'ils ne sont pas à leur place.

Que nous veut ce petit maître politique, qui se croit le premier homme du royaume, parce qu'il s'est élevé jusqu'à un accessit ; qui, écolier hier, et professeur aujourd'hui, conserve, dans ses allures comme dans ses écrits, toute la grâce et toute l'urbanité du collége.

Et tous ces grands homines de vingt ans, sortis de cette espèce d'école normale politique, où l'on dresse des moralistes pour le feuilleton, et des professeurs pour la brochure! Petits Catons d'antichambres, qui se regardent comme d'importans personnages dans l'état, et qui s'imaginent sauver un empire en polissant une phrase; adolescens glacés, dont la prose décolorée fatigue par sa monotone exactitude; sans noblesse, sans élan, sans chaleur et sans vie, habitués qu'ils sont à calquer la pensée, et à soumettre la phrase au compas qui la tient captive!

Non, nous n'avons point assez peu de respect du public et de nous-mêmes pour lutter avec de tels adversaires; nous les laissous s'escrimer seuls dans la carrière de l'injure

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