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qu'il reçoit de ceux qui l'agitent; avec cette seule différence que le peuple de Nîmes et du midi de la France en général, une fois libre du frein des lois, s'arrête d'autant plus difficilement, qu'il y a dans ces contrées plus de fanatisme dans les esprits, et plus d'effervescence dans les passions.

Le commerce de Nîmes a principalement pour objet, la fabrique des mouchoirs, dits madras; des étoffes et des bas de soie; la pelleterie, la bonneterie et les huiles. Les deux premières branches de ce commerce ont long-temps répandu dans Nîmes l'opulence parmi les négocians, et l'aisance parmi les ouvriers; cette grande activité a fait tout à coup place à la langueur : si l'on observe que cet état de choses date de la paix extérieure, on sera bien forcé d'en chercher la cause dans les troubles civils dont elle a été suivie.

Il n'est pas inutile d'ajouter que les maisons protestantes n'emploient plus que des ouvriers protestans, et que les cae tholiques se font une loi plus sévère encore de ne donner du travail qu'à des hommes de leur religion. Les aumônes même ne sont que trop soumises à cet esprit de secte, qui, dès lors, doit prendre le nom de fanatisme. Loin de moi de justifier, en l'expliquant, cette restriction que l'on apporte ici à l'exercice de la première des vertus humaines. Les catholiques n'ont aucune excuse; la seule que puissent alléguer les protestans se rapporte aux événemens de 1815. Mais, en vain, me diront-ils que le cœur se glace, et que la main se retire d'elle-même à la vue d'un mendiant qui vous demande aujourd'hui l'aumône avec humilité, lorsqu'on peut se souvenir qu'il vous la demandait deux ans auparavant en vous mettant le pistolet sur la gorge : je n’admets point qu'on puisse fonder sur des exceptions, quelque nombreuses qu'elles soient, une règle contraire à la religion et à la bienfaisance. Il est pourtant, à Nimes, des hommes qui ne sont, à cet égard, ni protestans ni catho4iques, malheureusement la liste en est bien courte.

J'ai passé huit jours à parcourir la ville, à examiner les monumens, à observer les hommes; j'ai recueilli des notes pour deux ou trois discours; en fidèle historien des faits, je n'oublierai ni le respect que l'on doit à la vérité, ni les égards que l'on doit aux vivans.

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Tandis que les autorités, fidèles aux ordres qui leur sont transmis, s'occupent des moyens préparatoires pour exercer la plus grande influence sur les élections; que les préfets font dans leurs départemens des tournées qui ont pour prétexte apparent l'avantage des administrés, et pour jet réel les nominations de députés; que des émissaires adroits parcourent les provinces pour répandre les insinuations, les bruits et les ordres du ministère, dissimulés sous des conseils bénévoles d'hommes détachés en apparence de tout intérêt personnel: les bons citoyens se' réunissent et tâchent de s'éclairer sur les choix importans que la patrie attend des électeurs. Dans quelques départeoù les amis de la charte ont été mis à de si eruelles épreuves, il régnait encore naguère une espèce de stupeur. Les ombres des victimes immolées par le fanatisme, semblaient planer sur la tête de ceux qui avaient été menacés du même sort qu'elles; mais le zèle du bien public, qui fait palpiter le cœur de tout Français digne de ce nom; la raison, qui dit aux hommes persécutés que l'empire de la charte est la garantie de leur sécurité, triomphent des craintes trop légitimes que le passé avait déposées dans les cœurs. Ainsi, sur le théâtre même des plus

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affreux excès, et en face de leurs cruels persécuteurs, les constitutionnels ne veulent ni de ces hommes qui dénoncent leur patrie à l'étranger, ni de ces métis dont la conscience timorée redoute les conséquences de la charte, et embrasse sans scrupule les loix d'exception, ni de cess hommes qui sont toujours rassurés sur les projets du pouvoir quels qu'ils soient, et toujours effrayés des progrès de la liberté publique. Ils rejettent surtout ces courtiers de l'am bition, ces intrigans qui courent après les nominations comme après une affaire, et colportent leur opinion dans les antichambres des gens en place comme une marchandise dont il faut vanter la qualité et surfaire le prix. On s'accorde à repousser ces âmes vénales qui trompent sur l'utilité de leurs services le ministère qui consent à les acheter. Tous les départemens sont unanimes sur cette doctrine. Dans tous on voit éclater un zèle admirable pour assurer le succès des élections prochaines. Mais ce qui est surtout digne d'éloges et du plus heureux augure, c'est l'harmonie qui règne entre les vrais patriotes; ils sont convaincus que sans cette harmonie la victoire leur échapperait; ils ne négligent pas le moyen le plus puissant pour l'assurer. On ne voit pas encore beaucoup les candidats se mettre sur les rangs, et appeler eux-mêmes la discussion sur leur mérite et leurs prétentions. Cet úsage des anciens peuples libres n'as point encore passé entièrement dans nos mœurs, mais il faut s'efforcer de l'acclimater parmi nous. Il tient à des vertus dont la liberté a besoin; il tend à faire régner chez nous une franchise que mille petites considérations altèrent souvent, et qui ôtent à l'homme de bien une partie de son ascendant. Mais en attendant que la candidature obligée en quelque sorte, soit tout-à-fait introduite en France, les citoyens suppléent à ce qui nous manque encore à ce sujet; ils font des candidats et les soumettent à une discussion sévère après laquelle ils se réunissent tous pour porter le candidat sorti victorieux d'une comparaison toujours honorable puisqu'on ne l'établit qu'entre les plus dignes. I

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y a beaucoup à espérer d'une nation où chaque citoyen regarde ainsi les affaires publiques comme les siennes, et sent toute l'importance de ses devoirs politiques.

Le Correspondant électoral, destiné à seconder ce mouvement de l'opinion, qui entraîne tous les électeurs; éclairer leur marche, à les prévenir des obstacles qui les attendent, à lever d'avance les difficultés qui peuvent les arrêter, continue avec zèle, et succès sa mission civique. Son numéro deux contient une instruction aussi utile que claire sur les moyens que la loi donne aux électeurs pour la conservation de leurs droits. Elle traite du refus d'inscrire les électeurs, des adjonctions illégales, des voies à prendre pour obtenir la réforme d'une liste vicieuse. A Paris où toutes les lumières viennent tomber sur l'admi nistration, où tous les moyens de réclamation sont ouverts, où la presse est là comme une sentinelle vigilante toujours prête à jeter le cri d'alarme, les citoyens et leurs droit sont défendus par une plus grande liberté. Mais, dans les départemens, les citoyens, par la nature même des choses, sont bien plus à la merci de l'arbitraire. Un préfet est presque roi dans sa préfecture, un maire est presque ministre dans sa mairie; ils ont mille moyens d'éluder la justice, et surtout de prononcer de ces dispositions provisoires qui décident une question en enlevant au citoyen l'exercice d'un droit. Rien de plus utile d'indiquer aux pi toyens des départemens, les moyens légitimes d'obtenir justice, et de faire triompher la loi sans porter atteinte ni à la tranquillité publique, ni au respect qui est dû à la magistrature.

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On lit dans un autre numéro du même ouvrage une lettre d'un électeur de Coulommiers, département de Seine-etMarne, pour obtenir de M. Emmanuel d'Harcourt une explication franche et positive sur ses opinions relativement aux domaines nationaux. Cette lettre, qui ne sort pas des bornes de la modération, donne, à ce qui me semble,un bon exemple. La question des domaines nationaux est une

de ces questions fondamentales à laquelle la paix publique. est attachée. La sagesse royale a décidé pour jamais cette grande question d'état, et tous ceux qui voudraient la remettre directement ou indirectement en question, n'offriraient pas une garantie suffisante à leurs concitoyens. On sent bien que dans cette discussion nous ne pouvons émettre d'avis sur les sentimens de M. Emmanuel d'Harcourt; la quéstion est tout entière entre lui et les électeurs de Seine-etMarne, auxquels il doit une explication franche, s'il aspire à leurs suffrages.

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Nous nous sommes déjà prononcés sur le danger de mettre un trop grand nombre de fonctionnaires publics dans la chambre des députés: les auteurs du Correspon dant électoral ont cherché à ce sujet des autorités dans deux pays libres, en Angleterre et en Amérique. Nous invitons les électeurs à méditer les citations qu'on leur présente. Ils verront que, sans attaquer les droits des gouverhemens, sans vouloir leur ôter la force qui leur est nécessaire pour maintenir l'état, les peuples libres ont toujours redouté l'influence de l'autorité supérieure, et la souplesse de la morale intéressée de la plupart de ses agens. La liBerté doit être ombrageuse; une sage défiance est la sauvegarde la plus sûre contre les entreprises du pouvoir. de Le quatrième numéro du Correspondant nous offre une lettre fort curieuse d'un électeur de l'un des arrondissemens de la Moselle. Elle contient les noms des candidats constitutionnels, c'est-à-dire de vrais amis de la liberté; fes deux premiers sont MM. Rolland et Grenier, le pre mier l'un des plus riches propriétaires, et des citoyens les plus recommandables du département, le second, l'un des généraux les plus estimés de la France; l'un de nos collaBorateurs se trouve le troisième sur cette liste honorable. Les candidats ministériels sont discutés avec sévérité, mais sans amertume, par l'électeur de la Moselle. S'il ne se trompe pas dans ses assertions, le ministère s'expose encore a commettre la faute de porter son attention sur ces

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