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CHAPITRE XV.

Mensonge imprimé.

On se souvient sans doute d'une brochure de M. Victor Augier; elle a pour titre : Crimes d'Avignon depuis les cent jours. Nous en avons rendu un compte honorable. Après les éloges qu'on devait au courage et à l'impartialité de l'auteur, la critique a fait sa part; elle a relevé quelques fautes légères. Mais cet ouvrage renfermait une erreur,~ très-grave qu'il importait de rectifier. L'auteur s'est empressé de la détruire, parce que, dit-il, avec une loyauté qui l'honore, elle pèse sur ma conscience. « Tout, nous écrit-il, tout est vrai dans ma brochure, et je n'ai pas tout dit: mais ce qui n'est pas vrai, c'est l'affreux attentat que, sur la foi de quelques témoins mal instruits, j'avais attribué aux fédérés d'Avignon. En racontant la fuite de ces malheureux, j'ai avancé qu'ils avaient assassiné, près d'O range, un guide que les royalistes leur avaient donné; et j'ai témoigné le regret que ce crime n'eût pas été puni. Les fédérés, que j'avais si injustement inculpés, ne m'ont pas répondu par des injures, comme font les ultra, ils ne m'ont pas même attaqué en calomnie......... Ils m'ont envoyé le certificat de vie de leur prétendue victime. »

Qui mérite le plus d'éloges, de l'écrivain qui répare avec tant de candeur ses torts involontaires, ou de ces Français si long-temps persécutés, qui repoussent la plus odieuse imputation avec une loyauté si généreuse? Pour défendre leur honneur, ils n'appellent à leur aide que la vérité. Avis à ces hommes qui reconnaissent leur figure dans les portraits les plus hideux, et qui ne sauraient regarder le ta bleau le plus infâme, sans s'écrier qu'on a voulu les peindre. J-. P. P.

Les auteurs légalement responsables :

E. AIGNAN; Benjamin CONSTANT; Evariste
DUMOULIN ÉTIENNE; A. JAY; E JOUY;
LACRETELLE aîné; P. F. TISSOT.

IMPRIMERIE DE FAIN, PLACE DE L'ODÉON.

LA MINERVE

FRANÇAISE.

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NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Coup d'œil sur les démélés des cours de Bavière et de Bade; précédé de considérations sur l'utilité de l'intervention de l'opinion publique dans la politique extérieure des états; avec cette épigraphe : Diis ignotis. Par M. Bignon; chez Delaunay, libraire, Palais-Royal.

Ꭹ a trente ans que l'Allemagne se subdivisait en une foule de principautés, dont les chefs exerçaient, dans leurs petits états, une souveraineté pleine et entière. Ce morcellement, qui allait jusqu'à l'infini, avait sans doute ses inconvéniens; mais il n'était pas sans avantages. J'ai toujours pensé, contre l'avis de plusieurs publicistes, que le pouvoir absolu était surtout intolérable, et par conséquent inadmissible dans les grands empires. Leur étendue exclut, ou du moins affaiblit les deux contre-poids du despotisme, l'influence de l'opinion publique, et celle du caractère personnel du souverain, presque toujours meilleur que ses ministres, parce qu'il n'a aucun intérêt à être mauvais.

Dans les petits états, au contraire, l'opinion publique est toute-puissante, parce que la classe des dépositaires de l'autorité, et celle des courtisans, ne sont pas assez nomT. III.

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breuses pour former autour du prince une espèce de public factice et privilégié qui lui dérobe le véritable; et le prince lui-même, plus rapproché de son peuple, matériellement, parce qu'il a moins de gardes et de salariés qui l'en séparent, voit de plus près les conséquences de ce qu'il fait, s'attendrit plus facilement sur le mal qu'il cause, et par là même est conduit plus naturellement à le réparer.

Les princes ne sont pas plus méchans que les autres hommes. La preuve en est, que, d'ordinaire, c'est pour faire plaisir à ceux qu'ils voient, qu'ils font de la peine à ceux qu'ils ne voient pas. Le malheur est que ceux qu'ils voient, c'est le petit nombre, et que ceux qu'ils ne voient pas, c'est la foule. Changez la position, le résultat sera différent. Un prince est au milieu de sa cour; il favorise sa cour aux dépens du peuple. Placez-le au milieu du peuple, il protégera le peuple contre la cour.

Ajoutez que, si par un hasard fâcheux le petit souverain est un despote, rien n'est plus facile que de lui échapper. La tyrannie n'est pas redoutable, quand elle n'a qu'un diamètre de trois lieues.

Les petits états de l'Allemagne avaient donc leur bon côté. S'il n'y avait point de liberté de droit, il y avait, par la force des choses, beaucoup de liberté de fait; et, comme il y avait de la liberté, il y avait aussi des lumières. Chaque petite ville formait un centre, où se réunissaient des hommes éclairés. Les connaissances étaient disséminées sur tous les points d'une vaste surface, tandis qu'ailleurs elles sont agglomérées sur un point unique, et que tout le reste est plongé dans l'ignorance.

En conséquence, la destruction de ces petits états fut une chose triste. Ce fut aussi l'iniquité la plus révoltante. Bonaparte donna l'ordre; mais ses alliés d'alors le reçurent et l'exécutèrent à merveille. Je ne sais combien de princes disparurent d'un trait de plume, lors de la création de la confédération du Rhin.

A la chute de Bonaparte, toutes les injustices devaient se réparer. Mais les réparations s'arrêtèrent dans une sphère assez élevée ; elles ne descendirent point jusqu'aux princes médiatisés. Ils sont aujourd'hui, comme ils l'étaient avant l'affranchissement de leur patrie, sujets des royaumes créés par la volonté d'un ennemi, dont l'œuvre a survécu à sa chute.

Cependant ces royaumes, malgré les médiatisations conservées, ne sont pas encore tels qu'ils devraient être, afin de répondre à l'idée que suggère le titre dont leurs possesseurs sont revêtus. Pour proportionner leur force et leur étendue réelle à ce nouveau titre, des agrandissemens ultérieurs seraient nécessaires. Malheureusement, ils ne pourraient s'agrandir qu'aux dépens les uns des autres, et la violence est odieuse, et le règne de la justice est proclamé. Comment trouver des moyens d'accroissement exempts de violence, et permis par la justice?

Le droit de succession est souvent moins clair que celui de possession actuelle, et, même entre les particuliers, la source la plus abondante de procès sont les testamens et les héritages. Exclure un héritier, est bien moins révoltant que dépouiller un propriétaire.

Cette délicatesse paraît servir de règle à la conduite du roi de Bavière envers le grand-duc de Bade.

Les puissances qui ont réglé le sort de l'Europe dans le congrès de Vienne, ont stipulé un partage de la succession, ou du moins, d'une partie de la succession de Bade. Cette stipulation repose sur le principe, que les fils du second lit du dernier grand-duc, étant nés d'une union inégale, c'est-à-dire, d'un mariage entre ce prince et la fille d'un simple gentilhomme, ne peuvent hériter des états de leur père, même dans le cas où le grand-duc actuel mourrait sans enfans. Le roi de Bavière, qui a des indemnités à réclamer pour des cessions faites à l'Autriche, veut entrer au partage de la succession des états badois. Le grand-duc de Bade défend les droits de ses oncles, que son grand-père,

le dernier grand-duc, a reconnus pour ses héritiers éventuels. Tels sont les démêlés que M. Bignon s'est chargé de nous faire connaître.

On voit qu'en s'imposant cette tâche, il s'est engagé à résoudre plusieurs questions :

1o. La stipulation qui assignerait à la Bavière une partie de la succession de Bade, ayant eu lieu entre des tiers, sans l'aveu de la puissance intéressée, est-elle valide?

2o. L'inégalité du second mariage du dernier grand-duc rend-elle les enfans issus de ce mariage inhabiles à succéder au gouvernement des états badois?

3o. En cas d'extinction de la ligne directe d'une famille régnante, de tierces puissances ont-elles le droit de disposer de sa succession?

M. Bignon résout ces trois questions négativement.

Quant à la première, tout lecteur impartial reconnaîtra aisément que la justice, la prudence et le simple bon sens l'invitaient à la résoudre de cette manière. Si l'on permet à de tierces puissances, en vertu de leurs forces supérieures, et en considération d'arrangemens pris entre elles, de conclure des stipulations qui dépouillent des puissances plus faibles, il n'y a plus de garanties pour aucun souverain, ni pour aucun pays. La force dévorera la faiblesse ; et, comme chaque opération de ce genre laissera toujours. une puissance au dernier rang sous le rapport de la force, cette puissance sera dévorée à son tour, et l'opération se renouvellera jusqu'à ce qu'il ne reste que deux grands colosses qui se disputeront le monde après se l'être partagé.

Quant aux effets des mariages inégaux, M. Bignon prouve très-bien que la loi féodale qui proscrivait ces mariages n'existant plus, les conséquences de cette loi doivent cesser avec elle.

La troisième proposition de M. Bignon a excité de vives réclamations de la part de certains journaux, qui, n'ayant de moyens de succès qu'une prétendue défense de la légitimité que personne n'attaque, crient toujours que la lé

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