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CORRESPONDANCE.

Aux auteurs de la Minerve.

Messieurs,

Paris, le 30 septembre 1818.

Vous avez rendu compte, dans la vingt-neuvième livraison, tome 1, de la Minerve française, d'un ouvrage de M. le maréchal de camp Berton, ayant pour titre : Précis historique, militaire et critique des batailles de Fleurus et de Waterloo.

J'ai publié, dans le numéro 1474 du Journal général, qui a paru vendredi dernier, 25 de ce mois, une lettre qui prouve incontestablement que M. le général Berton s'est trompé dans les différentes assertions qu'il a avancées relativement au commandant de l'aile gauche de l'armée française.

Ainsi, j'ai démontré clairement :

1°. Que le commandant de l'aile gauche n'avait eu aucune connaissance des plans et projets du général en chef, et qu'il n'en avait pas créé un à part et sans son aven, comme il est dit page 41 du Précis historique ;

2o. Que ce commandant avait suivi strictement les ordres qu'il avait reçus ;

3°. Qu'il n'avait point donné au corps du comte d'Erlon des ordres contraires à ceux du général en chef, dès qu'il avait eu connaissance du changement de ses dispositions ; qu'en conséquence il n'était nullement responsable des événemens du 16.

Après avoir établi mes preuves, j'ai dit que telle était la vérité, simple, exacte, et qu'on devait y ajouter foi, d'au

tant plus qu'il n'était pas un seul officier de l'aile gauche qui pût attester le contraire.

Si les bornes de votre prochaine livraison ne vous permettent pas, inessieurs, d'insérer en entier la lettre qui se trouve dans le Journal général, veuillez avoir la bonté d'en prendre connaissance, et de faire savoir à vos lecteurs que, n'ayant pas été contredit, ce que j'ai avancé ne peut être révoqué en doute.

J'ai l'honneur d'être, etc.

GAMOT,

Officier de la Légion-d'Honneur.

Nota. La règle que nous nous sommes imposée de ne pas insérer dans la Minerve ce qui a été imprimé ailleurs, nous a empêché de mettre sous les yeux de nos lecteurs la lettre à laquelle il est fait allusion dans celle-ci. Mais nous avons volontiers publié cette réclamation, parce qu'il n'a jamais été dans notre intention d'être injustes envers la mémoire d'un homme illustre et infortuné, à qui la France a dû, dans plus d'une contrée de l'Europe, tant d'utiles et de brillantes victoires. B. C.

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On vend depuis quelque temps, chez les marchands d'estampes de Paris, une caricature intitulée; M. Pigeon en grande tenue; elle représente un garde national parisien en faction, dans un accoutrement et une posture ridicules.

La personne qui a imaginé cette caricature a eu là une bien mauvaise inspiration. Il faut être malheureusement né pour concevoir l'idée de tourner en ridicule une institution semblable à celle de la garde nationale. Les senti

mens de patriotisme et de bien public, ou, à leur défaut, les premières idées des convenances auraient dû arrêter la main qui a tracé ce dessin. Comment un Français, et probablement un Parisien, a-t-il pu oublier les services rendus par la garde nationale à tant d'époques fâcheuses, et dans des momens de si grands dangers? L'inventeur de cette estampe n'était donc pas alors parmi nous? Notre honneur, nos familles, nos biens, notre ville, tout cela lui est donc étranger!

Il y a lieu de penser que si un graveur faisait une caricature contre un des autres corps de l'armée, cette estampe ne paraîtrait pas, ou qu'elle disparaîtrait promptement. La garde nationale n'est-elle donc pas aussi respectable? Une troupe volontaire composée de l'élite des citoyens de la capitale, faisant gratuitement un service pénible, ne mérite-t-elle pas d'être respectée? Une caricature contre le corps placé à la droite des autres n'est-elle pas injurieuse à tous les militaires de l'armée, dont les gardes nationaux sont camarades? Un soldat français, en faction, peut-il être publiquement tourné en dérision? La garde nationale de Paris, outre le but patriotique de son institution, n'a-t-elle pas mérité constamment la reconnaissance des habitans de Paris, et en quelques circonstances celle de toute la France?

Quelques personnes prétendront qu'une caricature ne mérite pas qu'on y attache tant d'importance; d'autres citeront l'exemple d'un peuple voisin. Mais, chez ce peuple, la lice est ouverte pour tous, et si le ministère fait paraître une caricature contre l'opposition, l'opposition peut en publier cent contre le ministère. C'est alors que le danger est nul, et qu'une caricature est sans importance. Comme nous n'en sommes pas encore arrivés à ce point, et que la publication des estampes est encore chez nous dans le domaine de l'arbitraire, une caricature, injurieuse à une de nos institutions, est bien loin, sous plusieurs rapports, d'être une chose sans conséquence.

Je vous prie, messieurs, d'insérer cette lettre dans la Minerve, si vous le jugez convenable.

Daignez agréer les assurances de ma parfaite considération.

Un grenadier de la garde nationale de Paris.

ESSAIS HISTORIQUES.

CHAPITRE XVI.

Petite guerre.

Peut-être le monde ignore encore que deux potentats de l'Europe sont en guerre depuis près d'un mois. Les hostilités n'ont été précédées d'aucune déclaration, quoique ces souverains soient descendus l'un et l'autre du grand Witikind, et par conséquent d'une famille aussi illustre et plus ancienne que celle de Charlemagne, et quoiqu'un de nos journaux assure qu'il est eontraire à l'usage de tous les gouvernemens légitimes de faire la guerre sans une déclaration préalable.

Les puissances belligérantes sont deux des trente-cinq souverains de l'Allemagne, savoir le prince de LippeDetmold, qui règne sur soixante-neuf mille soixante-deux âmes, et celui de Schaumbourg-Lippe, qui n'en a que vingt-quatre mille. L'armée du premier monte à trois eents hommes; celle du second, y compris ses dernières levées, est seulement de cent cinquante hommes. Leurs états sont situés entre le Hanovre et la Prusse. L'irritation réciproque des deux princes est à son comble: celui de Schaumbourg-Lippe espère compenser la disproportion évidente de ses forces par la supériorité de la tactique prussienne qu'il a introduite dans son armée. La justice de sa cause contribue aussi à le rassurer.

C'est le 31 août que les hostilités ont commencé. Le prince de Lippe-Detmold ayant résolu d'envahir les états de son voisin, un corps d'armée, fort de quarante hom

dont les fusils étaient chargés, entra par son ordre, à la nuit tombante, dans le village de Maspen, situé dans la principauté de Schaumbourg-Lippe. Le lieutenant qui commandait cette expédition, après avoir fait occuper toutes les issues de Maspen par des postes, tenta d'ébranler

la fidélité de ses habitans, en leur promettant, au nom de son maître, un gouvernement libéral et constitutionnel, s'ils voulaient se soumettre paisiblement à son autorité. Ces promesses séduisantes furent trop promptement démenties par les faits; car, une demi-heure après son arrivée, il fit enfoncer les portes de trois écuries, fit prendre sept chevaux qui s'y trouvaient, et se retira ensuite en toute hâte, dans les états de son souverain, avec son butin et la totalité des forces qu'il commandait. Les propriétaires des chevaux voulurent, il est vrai, opposer quelque résistance; mais les soldats n'eurent besoin, pour la vaincre, que de montrer le bout de leurs fusils; et, grâce au ciel, le sang humain n'a pas coulé dans cette première affaire. Ces souverains se font souvent la guerre; mais l'histoire, injuste envers eux, a gardé sur leurs faits d'armes un silence opiniâtre. En 1811, il arriva un événement à peu près semblable: comme l'attention générale était alors absorbée par la guerre d'Espagne et par les préparatifs de la campagne de Russie, cet événement fut peu remarqué. Le village d'Alverdissen avait été long-temps l'objet des contestations des deux potentats. Les droits du prince de Lippe-Schaumbourg sur ce village, qu'il possédait depuis long-temps, étaient fondés, dit-on, sur des titres très-réguliers; mais le prince de Lippe-Detmold observa qu'il en avait un bien meilleur dans une armée de trois cents hommes, à laquelle les cent cinquante hommes de son ennemi seraient dans l'impossibilité d'opposer une longue résístance. Les hostilités commencèrent. L'armée de LippeDetmold dispersa ou fit prisonniers cent hommes chargés de la défense d'Alverdissen, s'empara de ce village, et arrêta ses magistrats, qui furent conduits dans les états du vainqueur. Elle attaqua également avec succès un corps de réserve fort de cinquante hommes, qu'elle parvint à débusquer d'une excellente position qu'il occupait. Enfin, après quelques autres engagemens, et la publication de trois ou quatre bulletins, le prince de Schaumbourg-Lippe, qui a toujours montré un grand fond d'humanité dans le gouvernement du peuple que la Providence lui a soumis, voulant mettre un terme à l'effusion du sang, vendit le village à son voisin pour une somme de cinquante mille vixdalles.

Il paraît que les hostilités actuelles ont pour cause quel

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