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fiance du roi, ni de la vôtre, si je ne vous rappelais d'abord votre premier devoir, qui est d'assister avec une religieuse assiduité à toutes les opérations du collége électoral; un autre devoir, non moins sacré, est de voter selon votre conscience, et en songeant que les plus chers intérêts de la patrie dépendent de la droiture des choix (1).

Déjà vous aurez su remarquer que les partis s'agitent autour de vous; des hommes nouveaux (2) parmi nous s'érigent en régulateurs ́exclusifs de nos destinées (3). Ils mettent une sorte d'acharnement à préconiser, comme les seuls dignes de vous être prononcés, dés noms dont, pour quelques-uns, le seul mérite est de s'être rattachés à quelque grand scandale (4). Notre département est-il donc tellement dénué d'esprits sages et loyaux, qu'il n'y ait à choisir que dans les partis mêmes? Ouvrons les yeux; regardons autour de nous nous apercevrons des hommes qui, jamais, n'ont paru dans nos troubles politiques que pour les calmer; des hommes amis de la monarchie comme des institutions libérales, opposés à toute réaction, ennemis prononcés de toute vengeance, défenseurs sincères de tous les intérêts qu'on ne peut remettre en question sans exciter des discordes nouvelles, et qui sont aussi incapables de sacrifier la charte à la dynastie que cette auguste dynastie à l'usurpation; des propriétaires honorés pour leur constante sensibilité aux infortunes publiques on particulières; de dignes négocians dont la nourricière industrie n'employa jamais son superflu qu'à cimenter la paix et propager la fidélité; des jurisconsultes dont le zèle secourút les opprimés, même sous la plus redoutable tyrannie, sans faire un grand éclat de leur courage, et ne cherchant d'autre récompense de leur généreuse conduite que celle d'avoir protégé l'in. nocence; des citoyens de classes et de positions différentes, mais s'accordant tous pour offrir, dans une carrière pleine d'honneur, une infaillible garantie de leur loyauté à défendre les intérêts de leurs commettans; des hommes enfin que nous trouvons sans cesse dans les routes communes de la vie, occupés de faire du bien, quoique nous ne les avions pas aperçus dans les routes du fracas et de l'ambition, qui ne convoitent rien, ne sollicitent personne, ne vont mandier nuls suffrages, ne proclament pas eux-mêmes leurs services et leurs vertus (5), et sont d'autant plus dignes de notre confiance que, loin de nous violenter pour être élus, ils redoutent peut-être un honneur dont ils connaissent tout le poids (6). Voilà, messieurs, les rangs dans lesquels, et non ailleurs, vous chercherez vos mandafaírés, des députés selon la charte, des défenseurs de l'ordre et des hommes de bien.

J'ai l'honneur, messieurs, de vous, réitérer la convocation du

collége électoral dans les sections respectives pour lundi, 26 du courant, à huit heures du matin.

Je suis, avec la plus haute considération, messieurs, votre trèshumble et très-obéissant serviteur, BELLART.

(1) Rien de plus doux, certes, que ce commencement. Dans l'autre version, l'exorde est plus brusque. Celui qui parle au nom de M. le président, déclare qu'il va dire aux électeurs la vérité, et qu'il la leur dit du fond du cœur; mais M. le président a trop bien senti que le devoir de dire la vérité n'est pas plus spécialement celui du président d'un collége électoral que de tout autre citoyen. Les seules vérités qu'un président de collége ait à dire aux électeurs, sont celles que les bulletins renferment; il faut qu'il lise bien exactement et bien scrupuleusement les noms inscrits sur ces bulletins. Il faut même que, pour être bien sûr de ne se pas tromper, il les communique aux scrutateurs. Là se bornent ses fonctions de président. En allant au-delà, il s'en arroge qui ne lui appartiennent pas, et si par hasard, au lieu de dire des vérités, il disait des injures, on pourrait craindre qu'avec de la passion dans l'esprit et du fiel dans l'âme, il ne fût guère propre à remplir un poste qui exige du calme et de l'impartialité.

(2) Des hommes nouveaux! Mais, dans un moment, M, le président va nous dire que les noms de ces hommes se rattachent à quelque grand scandale. Quand on accuse, on devrait choisir ses accusations, et n'en pas rassembler de contradictoires: mais le zèle emporte: c'est une chose bien entraînante que le rôle d'accusateur!

(3) Après cette phrase, l'interpolateur qui avait attribué à M. le président toutes ses invectives et sa virulence, avait ajouté une sortie au moins déplacée, contre les pamphlets dont on nous inonde, en déplorant, avec une sanglante ironie, l'esclavage de la presse. Si M. le président, était effectivement l'auteur de cette phrase, nous lui di

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rious qu'il n'y a pas de convenance à s'emporter même contre des pamphlets quand on doit maintenir l'ordre dans une assemblée. Qu'il n'y a pas de loyauté à attaquer des hommes quand ils ne peuvent se défendre. M. le président, est trop bon jurisconsulte pour ne pas savoir qu'on ne doit jamais refuser, même aux accusés, le droit de la défense. Enfin, nous observerions que quand il y a encore dans ce moment-ci je ne sais combien d'écrivains poursuivis, plusieurs condamnés, et l'un de ces derniers retenu en prison après avoir subi sa peine, et faute de pouvoir payer une amende énorme, il n'y a pas d'ironie à déplorer l'esclavage de la presse.

(4) Encore une phrase interpolée; Périsse quiconque veut persécuter encore. Périsse n'était pas heureux. Il rappelait de tristes époques. Ne vaudrait-il pas mieux, joignant l'exemple au précepte, prêcher la douceur d'un ton plus doux? Je parierais que l'interpolateur a dans sa vie persécuté quelqu'un. Il n'y a que les nouveaux convertis quí aient cette véhémence. L'intèrpolateur parlait aussi d'intentions désastreuses, oubliant qu'un président de collége n'est pas un inquisiteur.

(5) Je regrette le mot immodestement, que l'interpolateur avait placé là, et qui faisait un très-bon effet.

(6) Élire pour députés les hommes qui redoutent le poids de cet honneur, n'est-ce pas comme si l'on choisissait pour officiers des hommes qui craignent la mêlée, ou pour avocats des gens qui trembleraient de plaider.

Le tems nous manque pour ajouter plus de notes, mais nous le regrettons d'autant moins, que les électeurs sont assez avertis, connaissent assez leurs intérêts, savent quels hommes les ont défendus, et par conséquent quels hommes les défendront. S'il n'écoutent que leur propre raison que l'expérience a bien éclairée, la France n'a rien à craindre, elle a au contraire tout à espérer. B. C.

LETTRES SUR PARIS.

No. 31.

Paris, le 25 octobre 1818.

Nous connaissons déjà les choix de quelques départemens; le temps s'est éclairci, et le télégraphe a pu manœuvrer en toute liberté. Les ministériels chantent victoire parce que le général La Fayette n'a pas été nommé dans le département de Seine-et-Marne. Ce college se compose de dix-sept cents électeurs, il ne s'y en est trouvé que huit cent soixante-dix, ce qui ne prouve pas un empressement très-vif et un esprit public bien prononcé. Un conseiller d'état et un procureur du roi y ont été élus. L'autre député, M. Mesnager, est un riche propriétaire, dont la fortune consiste principalement en biens nationaux. Le géné ral La Fayette est cependant arrivé au ballottage en dépit de tous les libelles, où l'on représentait comme un ennemi de la royauté l'homme qui vint, en 1792, à la barre de l'assemblée législative, demander justice des attentats du 20 juin, et qui n'échappa aux glaives des révolutionnaires que pour tomber dans les fers des étrangers. On ne saurait se figurer toutes les fables absurdes qu'on avait répandues dans les campagnes; on avait représenté comine un octogénaire tombé en enfance le général, qui à peine parvenu à son douzième lustre conserve encore toute la vigueur de l'âge mur. Cette misérable ruse est presque innocente en comparaison de toutes les basses calomnies inventées par les diffamateurs à gages qui répandent dans tous les départemens le fiel de leurs pamphlets. Il faut toutefois citer des traits honorables qui consolent de tant de turpitudes. Un électeur de Fontainebleau, presqu'à l'agonfe, s'est fait porter au bureau du collège pour y déposer son

vote en faveur du général; les représentations de ses médecins et de sa famille n'ont pu l'arrêter. Mon dernier soupir, a-t-il dit d'une voix défaillante, sera du moins pour la liberté. Ce trait rappelle celui du député Duhamel, qui vint mourant voter contre la mort de l'infortuné Louis xvi. Ces deux traits me paraissent également beaux; mais les écrivains ministériels trouveront l'un sublime et l'autre ridicule. La candidature du général La Fayette aura toutefois été utile à ses compatriotes. Des fonctionnaires, destitués en 1815, ont été replacés; d'autres ont eu la proinesse d'être employés après les élections. Heureux de voir réparer de criantes injustices, M. de La Fayette est disposé présenter l'année prochaine comme candidat dans

plusieurs départemens.

Dans la Moselle, en dépit des destitutions et des inenaces, des libelles et des manoeuvres télégraphiques, le collége électoral n'a réelu aucun membre de la dernière députation ministérielle. Parmi les nouveaux élus, on remarque M. Rolland, magistrat intègre, dont les principes sont ferines et le caractère éprouvé. Grand propriétaire de domaines nationaux, il a fait partie, en 18.5, de la chambre des représentans, et bientôt après il se vit destitué de la place de conseiller à la cour royale, qu'on ne lui a rendue qu'au moment des élections. Si l'on en croit des personnes bien informées, on y mettait pour condition qu'il refuserait la place de député à la chambre; mais M. Rolland était incapable de se prêter à de pareilles combinaisons, et il a pensé qu'aucune espèce de faveur ne pouvait balancer les suffrages de ses concitoyens.

L'autre député de la Moselle, que la France verra siéger avec orgueil dans la chambre des députés, est le lieutenant général Grenier, l'un de ses guerriers les plus célèbres, et dont vingt batailles et cinquante combats ont rendu le nom également fameux en Allemagne et en Italie. Dans la campagne de 1813, il était chef d'état major général du prince Eugène, et ce fut lui qui, suivi des voeux et des re

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