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29. Non seulement l'acquéreur dont le titre est résolu plus tard, pour cause de rachat, de lésion ou de non-payement du prix, mais encore le grevé de substitution, l'héritier qui possède avant l'événement de la condition d'un legs, le donataire sous une condition de retour, l'emphytéote, l'apanagiste, peuvent louer ou affermer les biens qu'ils possèdent à ces divers titres (Duvergier, no 83 et 84; Duranton, no 134, et Rolland de Villargues, vo Bail, no 59).

30. Il en est de même de l'adjudicataire qui peut être dépossédé par une folle enchère (C. de cass., 11 avr. 1821, 16 janv. 1827 et 30 mai 1842; Paris, 25 janv., 19 mai 1835, 10 mai 1839).

31. L'antichrésiste peut louer la chose qui lui a été donnée en antichrèse (1) (Rolland de Villargues, v° Bail, no 44).

32. L'usager ne peut céder ni louer son droit à un autre (C. c., art. 631), à moins que le titre constitutif ne le permette (C. c., art. 678).

33. Le copropriétaire d'une chose indivise ne peut louer, même pour la part à lui appartenant, sans le consentement de ses copropriétaires ; ceux-ci sont autorisés à demander l'annulation pour le tout du bail passé sans leur concours (Cass., 4 janv. 1844, S.-V. 44.1.723), et le preneur n'a le droit, dans ce cas, de réclamer aucune indemnité (Cass., 10 nov. 1860) (2). Il en est de même de la veuve commune en biens. Elle ne peut passer et renouveler des baux des biens de la communauté.

34. Le bail souscrit par un propriétaire, postérieurement dépossédé et tombé en faillite, est valable (Trib. de la Seine, 1re ch.,

(1) On appelle antichrèse le contrat par lequel un débiteur livre à son créancier un immeuble avec faculté d'en percevoir les fruits, à la charge de les imputer annuellement sur les intérêts, et ensuite sur le capital de sa créance.

(2) Cependant il y a un moyen pour le copropriétaire indivis, qui veut louer avant le partage, de vaincre le refus de ses copropriétaires : c'est de provoquer la licitation du bail. Mais il y a une autre voie encore plus courte et plus économique elle consiste à sommer ceux qui refusent leur consentement, de comparaître chez un notaire, pour souscrire le bail à tel prix. et moyennant telles conditions qui sont indiquées dans la sommation, à moins qu'ils ne présentent un locataire qui, offrant les mêmes garanties, fasse des conditions plus avantageuses. Si les refusants ne comparaissent pas, ou s'ils ne proposent pas une location plus avantageuse, celui ou ceux qui ont fait la sommation sont autorisés à passer le bail projeté (Merlin, Rép., vo Bail, § 2, no 11; Duvergier, t. 3, n° 89).

1er déc. 1843 (1), Gaz. des Trib., 2 déc. même année). Voyez nos 497

et suiv.

35. Le fol enchérisseur a le droit de passer bail de l'immeuble dont il s'est rendu adjudicataire, et même d'en stipuler la durée au delà de neuf ans, si toutefois la fraude et la mauvaise foi ne sont pas prouvées contre lui. Les dispositions des articles 1429 et 1430 du Code civil ne sont pas applicables au fol enchérisseur (C. de Paris, 19 mai 1835, Gaz. des Trib., 24 juill. même année). Jugé pareillement, par arrêt de la Cour de Paris, 4° ch., du 22 mai 1847 (Gaz. des Trib., 1er juin 1847), que le fol enchérisseur a le droit de passer des baux, pourvu qu'il agisse de bonne foi et que ces baux ne portent point atteinte à la propriété.

36. Un particulier ne peut être contraint par le ministère public de louer un logement à l'exécuteur des arrêts criminels. Ici ne s'appliquent point les articles 1er et 2 de la loi du 22 germinal an IV, et 144 du décret du 10 juin 1811 (C. cass., 28 déc. 1829; Rolland de Villargues, vo Bail, no 67).

37. Il est, comme on le voit, de la plus grande importance, pour les propriétaires et les locataires, de s'informer, avant de régler les conventions relatives aux locations, si les personnes avec lesquelles ils se proposent de traiter sont, ou non, capables de donner ou de prendre à bail. On comprend tous les inconvénients qui pourraient résulter de l'incapacité des contractants en pareille cir

constance.

38. Mais dans le bail la considération de la personne n'est pas en général la cause principale de la convention, de sorte que le bailleur ne saurait se refuser à l'exécution du bail sous le prétexte que le preneur ne présentait pas au moment de la convention les conditions d'honorabilité qu'il lui avait supposées (Trib. de Toulouse, 13 janv. 1873). Le consentement des parties doit s'appliquer aux conditions essentielles du bail telles que sa durée ; si les parties ne se sont pas entendues sur cette durée, il n'y a pas de bail et l'une des parties ne pourrait pas demander l'exécution du bail pour

(1) Dans l'espèce, un entrepreneur de maçonnerie avait loué pour 18 ans une maison construite sur un terrain qu'il n'avait point payé ; et par suite de la faillite de cet entrepreneur, le tribunal avait résolu la vente de ce terrain, en maintenant toutefois le bail consenti au locataire, comme sérieux et de bonne foi.

la durée déterminée par les usages locaux à moins bien entendu que le bail n'ait reçu un commencement d'exécution (Douai, 5 août 1852, Sirey, 53.2.188 et Dalloz, 53.2.776).

SECTION II.

Des choses qui peuvent être louées.

39. On peut louer toutes sortes de biens meubles ou immeubles (C. c., art. 1713), pourvu toutefois que ces biens soient dans le commerce (1) (C. c., art. 1128) En effet, on ne peut louer les choses qui sont destinées à des usages publics, telles que les chemins publics, les rues, les églises, les cimetières, etc.; toutefois on permet de louer les bancs et les chaises dans les églises, la tonte de l'herbe, l'émondage des arbres dans les cimetières, les places d'une halle, d'un marché et d'un port. On ne peut louer les choses qui se consomment par l'usage, comme le vin, le blé et les autres denrées de même espèce. En effet, il n'y a location que quand le preneur use de la chose et rend cette même chose à l'expiration du terme convenu: or, il est évident que cela ne peut avoir lieu pour les choses qui se consomment entièrement par l'usage qu'on en fait (2). Mais les choses qui se consomment par l'usage peuvent devenir accessoirement l'objet du louage, comme les semences, les pailles livrées au fermier pour l'exploitation de la ferme, les ustensiles essentiellement destinés à la mise en activité d'une manufacture ou d'une usine (3). Dans ces différentes circonstances,

(1) Il a été décidé que la clientèle d'un médecin n'étant point dans le commerce et ne pouvant faire l'objet d'une vente, la nullité de la vente entraîne celle de la cession de la location des lieux occupés par le médecin vendeur (Paris, 3 ch., 29 déc. 1847, Gaz. des Trib., 14 janv. 1848). Mais cette opinion nous paraît inexacte; il est préférable, croyons-nous, de décider qu'une cession de clientèle est valable en tant qu'elle porte sur les éléments qui peuvent être transmis au cessionnaire tels que le droit pour le cessionnaire d'exercer sa profession à l'exclusion du cédant, dans le lieu et dans le rayon où celui-ci l'exerçait, le bail, les annonces, etc... (Aubry et Rau, t. IV, § 344, p. 316; Cass., 12 mai 1885, Sirey, 85.1.440).

(2) Conformément à ces principes il a été jugé par arrêt de la Cour de Paris, 4 ch., le 10 décembre 1853, qu'on ne peut louer les choses fongibles dont le détenteur a la faculté de disposer, le contrat de louage consistant dans l'usage d'une chose et non dans le droit de la vendre (Gaz. des Trib., 12 janv. 1853) (3) Un arrêt de la Cour de Paris, du 21 mars 1822, a même décidé que le pro. priétaire qui a loué une fabrique de produits chimiques, non seulement avec les

le preneur doit rendre des choses de même nature en même qualité et quantité.

40. On ne peut louer une créance; en effet, comme le dit Pothier, no 22, il est de l'essence du contrat de louage qu'il y ait une certaine jouissance, et ici la cause du louage manquerait.

ustensiles, mais avec les matières premières et les marchandises qui se trouvaient dans l'établissement, avait le droit de reprendre tous ces objets, soit en nature, soit d'après estimation; qu'il ne devait pas être considéré comme un simple créancier, et renvoyé à la contribution ouverte sur le locataire tombé en faillite. Cet arrêt se fonde sur ce que « s'il peut y avoir du doute sur la possibilité de louer des choses fongibles (on appelle ainsi, dans le langage du droit, les choses qui se consomment par l'usage), ce ne pourrait être qu'à l'égard des choses fongibles louées isolément, mais non à l'égard de celles qui seraient louées comme accessoires avec un immeuble, et notamment une usine, qu'elles sont destinées à améliorer, et dont sans elles les travaux deviendraient impraticables ou seraient interrompus d'une manière funeste à l'établissement; que c'est ce qui se pratique généralement, non seulement à l'égard des forges qui se louent avec une prisée composée des ustensiles, attirails, chevaux, minerai, fonte, charbon ou bois destinés à être convertis en charbon, mais à l'égard des terres, qui dans beaucoup de départements, vu le peu d'aisance des cultivateurs, ne peuvent être louées qu'en fournissant à ceux qui se chargent de les exploiter, ustensiles, bêtes aratoires, semences, troupeaux, souvent même des avances en argent, et surtout les pailles et les fumiers, qu'ils sont obligés de rendre en fin de bail, qu'établir le système contraire serait ruiner l'agriculture même, aussi bien que les manufactures et le commerce. >>

M. Duvergier (tome 3, no 81) fait sur cet arrêt l'observation suivante, dont la justesse nous paraît de toute évidence. « Je crois, dit-il, qu'il faut adopter cette doctrine, sauf à mettre beaucoup de réserve dans son application. Il est évident que lorsque les ustensiles indispensables à l'exploitation de l'industrie qui s'exerce dans les lieux loués ont été détruits par un usage prolongé et remplacés par d'autres, ceux-ci sont la représentation des premiers, et comme tels appartiennent au propriétaire à la fin du bail. On en peut dire autant des objets mobiliers ou denrées qui sont naturellement destinés au service du fonds, à la mise en activité de la manufacture ou de l'usine. Cette destination leur imprime le caractère d'immeubles (C. c., art. 524); c'est en cette qualité que le bailleur a le droit de les reprendre. Quant aux approvisionnements de matières premières et aux produits fabriqués qui se trouvent dans l'établissement au commencement du bail, ils me paraissent être nécessairement placés en dehors du contrat de louage, surtout lorsqu'ils ont une valeur importante. Pour vaincre l'obstacle qui naît de leur nature même, on ne peut argumenter de leur destination. Les matières premières doivent, il est vrai, être employées dans l'établissement; mais il ne faut pas confondre les choses qui servent à mettre l'usine en mouvement avec celles sur lesquelles s'exercent l'action des machines et les procédés industriels; que les premières soient considérées comme accessoires de l'immeuble loué, et comme étant louées avec lui, on le conçoit; tandis que rien n'ôte aux secondes leurs caractères propres, leur nature de choses fongibles. Les marchandises déjà fabriquées et destinées à être vendues sont aussi, à plus forte raison, parfaitement distinctes de la manufacture ou de l'usine qui les a produites. Le bailleur qui les laisse dans son établissement les vend au preneur, il ne peut les lui louer. >>

M. Troplong (no 83) critique aussi l'arrêt de la Cour de l'aris que nous venons de rapporter, et partage l'opinion de M. Duvergier.

41. On ne peut donner à bail un office public dont on est investi; les fonctions sont personnelles, le titulaire seul peut les exercer (Troplong, no 92). On ne peut louer un droit de servitude constitué sur un immeuble au profit d'un autre immeuble. En effet, l'usage de la servitude ne peut se détacher de la jouissance du fonds. Le louage de l'immeuble entraine implicitement celui des servitudes qui y sont attachées. Mais le propriétaire d'un immeuble peut louer, pour un certain prix par année, la faculté de faire paître un troupeau, de puiser de l'eau, de passer. Ce n'est pas là louer une servitude; c'est louer une portion du fonds pour un usage déterminé (Pothier, no 18; Duranton, no 23; Troplong, no 89, et Duvergier, t. III, no 69).

42. On ne peut prendre à loyer sa propre chose, à moins que l'usufruit n'appartienne à un tiers.

43. On peut louer un droit d'usufruit, de superficie, un droit de péage, d'octroi; un droit de pêche, de chasse (1).

Mais les droits d'usage et d'habitation ne sont pas susceptibles d'être loués (C. c., art. 521).

44. Nul doute aussi que le droit d'exploiter une mine, une carrière, une tourbière, ne puisse être l'objet d'un bail (Cass., 20 déc. 1837, S.-V. 38.1.91).

45. Les bois peuvent également être loués comme tous autres immeubles, lorsqu'ils sont en coupes réglées.

46. On peut louer aussi des choses mobilières, telles que des machines, des meubles meublants, des livres destinés à être lus, des habits, du linge, etc.

47. Le bail de la chose d'autrui est-il valable? M. Troplong (no 97), dont nous adoptons l'opinion, soutient l'affirmative. Il cite à ce sujet un arrêt de la Cour de cassation (ch. des req.) du 19 nov. 1838, qui décide que le bail reçu de bonne foi des mains d'un propriétaire apparent peut être opposé au véritable propriétaire, et même que les jugements obtenus par le fermier contre le bailleur lient le propriétaire réel, qui est censé y avoir été représenté par

(1) Quand un bien rural est donné à bail, le preneur a-t-il le droit de chasse et de pèche comme accessoirement compris dans le louage de l'immeuble, ou bien ce droit reste-t-il au propriétaire ? Pour la solution de cette question, voy. notre Code manuel des propriétaires de biens ruraux et des fermiers, p. 47 et suiv.

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