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du locataire, sont le résultat de sa faute; tel est l'effet de la présomption légale. Lors donc que ces dégradations ou ces pertes n'auront pas eu lieu par la faute du locataire, il sera obligé d'en fournir la preuve. Et cette disposition de la loi n'a rien que de fort équitable, puisqu'en effet le locataire est présumé avoir reçu en bon état de réparations locatives les lieux qu'il a loués. S'il en est autrement, c'est à lui-même à se reprocher sa propre négligence. Toutefois il importe de faire observer que la présomption légale établie contre le locataire, à l'égard des dégradations et des pertes survenues à la chose louée, n'a lieu que quand il est constaté que ces dégradations ou ces pertes sont arrivées pendant sa jouissance. L'article 1732 du Code civil rapporté ci-dessus est formel à cet égard.

Mais toutes les dégradations survenues pendant la jouissance sont-elles présumées de droit provenir de la faute du preneur ? La présomption de faute établie contre le preneur ne doit avoir lieu qu'à l'égard des dégradations qui occasionnent des réparations locatives. La principale différence qui existe entre les réparations locatives et celles qui ne le sont pas, consiste en ce que les premières seulement sont présumées dues à une dégradation commise par le fait du preneur. Au reste, lorsqu'il est prouvé que la dégradation survenue à la chose louée provient du fait de l'homme, le preneur en est présumé l'auteur, quel que soit d'ailleurs le genre de réparation auquel elle donne lieu. C'est en ce sens qu'il faut expliquer l'article 1731 du Code civil.

437.Les plombs, les fers et les autres choses dépendantes d'une maison, qui viennent à être volés, doivent être rétablis aux frais du locataire, à moins qu'il ne justifie qu'on ne peut, à cet égard, lui imputer aucune négligence ou défaut de précaution (Merlin, Répertoire de jurisprudence, au mot Bail, § 8, no 2).

Pareillement on doit décider que, si des dégradations ont été commises par des tiers, alors même qu'ils ont agi par inimitié contre le preneur, celui-ci n'en est point responsable, à moins que la cause du dommage ne provienne d'une faute de sa part (Pothier, n° 195; Duvergier, t. III, nos 438 et 439).

De ce que le locataire répond des pertes qui surviennent pendant sa jouissance, il résulte qu'il serait responsable s'il laissait perdre

par non-usage une servitude utile à la chose louée, dont il aurait eu pleine connaissance (Troplong, no 338).

438. Les événements de la guerre qui placent un immeuble loué dans une situation de danger incessant, résultant de l'attaque et de la défense des partis ennemis, détruisent ou suspendent à la fois la jouissance du locataire, l'obligation du bailleur d'assurer cette jouissance et l'obligation corrélative du preneur d'exécuter les clauses et conditions du bail. Il en résulte que le locataire n'est tenu du payement des loyers que pour la portion du temps où il a pu jouir librement et sans danger de la location. Le locataire qui abandonne les lieux loués, pour se soustraire à un péril sérieux et imminent, ne commet aucune faute et ne peut être responsable vis-à-vis du propriétaire des réparations nécessitées à l'immeuble qui lui était loué pour les dégâts ou violences commis par l'ennemi (Paris, 5 avril 1873, Gaz. des Trib., 25 juin 1873). Ces principes, admis par plusieurs arrêts de la Cour de Paris, ont été de nouveau consacrés par un arrêt de la 1 ch. du 23 juin 1873 (Gaz. des Trib., 28 juin 1873), et par un jugement du Tribunal de la Seine du 21 mai 1873 (Gaz. des Trib., 22 juin 1873).

439. Il a été aussi jugé que les locataires d'immeubles situés dans les régions envahies par les armées allemandes, dont les habitants n'ont été ni expulsés par l'occupant, ni exposés par les événements de la guerre à des périls qui puissent être considérés comme ayant entraîné une privation de jouissance, ne peuvent, lorsqu'ils ont volontairement abandonné les lieux à eux loués, refuser d'en payer les loyers. Mais les locataires doivent être déchargés desdits loyers pendant le temps qu'ont duré les réparations nécessitées par la dévastation de l'envahisseur. Il y a là un fait de force majeure entraînant un défaut de jouissance dont le propriétaire doit supporter les conséquences. Le locataire qui n'habite pas les lieux loués est responsable des détériorations qui y surviennent pendant son absence et par suite de l'humidité, conséquence du défaut d'aération (Paris, 28 août 1873, Gaz. des Trib., 17 septembre 1873).

440. La responsabilité du locataire n'est pas seulement limitée aux dégradations qui résultent de sa faute personnelle, mais elle s'étend encore aux dégradations et aux pertes qui arrivent par

le fait des personnes de sa maison ou de ses sous-locataires (C. c., art. 1735).

On désigne sous la dénomination de personnes de sa maison, non seulement la femme et les enfants du locataire, les parents qu'il a chez lui et ses domestiques des deux sexes, mais encore ses hôtes, ses pensionnaires, les ouvriers qu'il emploie, et toutes les personnes qu'il admet dans sa maison.

Peu importe que le dommage ait été causé par le domestique. en dehors des fonctions auxquelles il est employé (Cass., 24 janvier 1883, Sirey, 83.1.261 et Dalloz, 83.1.153).

Mais il importe de faire observer que la responsabilité du preneur relativement aux dégradations ou aux pertes cesse ou diminue lorsqu'il y a une personne préposée par le bailleur pour avoir soin de la chose. Si donc je suis locataire d'une maison, et qu'il y ait un concierge préposé par le bailleur, je suis déchargé de cette responsabilité relativement aux usurpations qui ont pu être à la connaissance du portier; c'est à lui à en instruire son maître, el j'ai dû croire qu'il l'a fait (Delvincourt, t. III, notes, p. 194).

441. Le locataire d'une auberge est responsable des dégradations causées par la faute des voyageurs qui y sont reçus, soit que ces dégradations résultent d'un incendie, soit qu'elles proviennent d'un autre fait (Duvergier, t. III, no 431 et Troplong, no 307).

442. Quant à la responsabilité des fautes des sous locataires, elle pèse toujours sur le locataire, soit qu'il ait sous-loué la maison tout entière ou en partie, soit qu il ait cédé son bail (Toullier, t. XI, no 166, et Duvergier, t. III, n° 430).

443. Le principe qui rend, en général, le locataire responsable des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, s'applique particulièrement au cas d'incendie. En effet, l'article 1773 du Code civil est ainsi conçu : « Il (le locataire) répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine. »>

444. La loi du 5 janvier 1883 a modifié ainsi qu'il suit l'article 1734 du Code civil:

Si une maison est habitée par plusieurs locataires, tous sont responsables de l'incendie, ainsi que le bailleur, si celui-ci y habite

également, et chacun en proportion de la valeur locative de la partie qu'il occupe; à moins qu'ils ne prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un deux, auquel cas celui-là est seul tenu; et que quelques-uns ne prouvent que l'incendie n'a pu commencer chez eux, auquel cas ceux-là n'en sont pas tenus.

445. Voici les considérations puissantes qui ont déterminé les auteurs du Code civil à rendre le locataire responsable de l'incendie. « Dans ce cas, dit M. Moricault dans son rapport au Tribunat, il y a un point certain, c'est que le propriétaire qui éprouve le dommage a droit à une indemnité; et, à côté de ce droit, est le fait également certain que l'incendie, ayant commencé dans la maison, est le produit de la faute des locataires quels qu'ils soient. C'est donc sur ces locataires que doit porter l'action de garantie; et quand le coupable n'est pas connu, il faut bien que ce soit sur tous. C'est à eux à se surveiller mutuellement, surtout désormais, au moyen de l'avertissement que la loi leur donne ici. Il en résultera non seulement que le propriétaire lésé ne restera pas sans indemnité, mais encore une surveillance plus active préviendra, sinon toujours l'incendie, du moins souvent ses progrès; et sous ce point de vue, la disposition du projet a le double mérite d'être juste et salutaire. Au reste, elle contient les modifications que pouvaient désirer les locataires eux-mêmes pour la rendre toujours sans inconvénient car elle ajoute, non seulement que s'ils prouvent que l'incendie a commencé dans l'habitation de l'un d'eux, celui-là seul sera tenu de la garantie, mais encore qu'en tous cas ceux-là n'en seront pas tenus qui prouveront du moins que l'incendie n'a pu commencer chez eux.

446. La présomption légale de faute n'est établie qu'en faveur du bailleur contre le preneur ; elle ne s'applique pas aux locataires entre eux. En conséquence, le locataire d'une maison où a éclaté un incendie ne peut réclamer de dommages et intérêts contre un autre locataire de la même maison qu'en prouvant, non seulement que le feu a commencé chez ce dernier, mais encore que l'incendie a eu lieu par sa faute, sa négligence ou son imprudence (Bordeaux, 25 juin 1828; Lyon, 12 août 1829; Cass., 11 avril 1831, S.-V.31.1.196; D.P. 31.1.125; Paris, 23 mai 1835, Gaz. des Trib., 3 juin 1835; Duvergier, t. III, n° 415; Troplong, n° 367).

447. Le locataire ne peut s'exonérer de la responsabilité en établissant simplement que l'incendie a eu lieu sans son fait et sans sa faute; il doit prouver que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine (Cass., 16 avril 1882, Sirey, 84. 1.33. Orléans, 4 décembre, 1886, Sirey, 88.2.154) ; il a été jugé cependant qu'il suffit au locataire pour s'affranchir de la responsabilité des lieux loués d'établir que le sinistre est arrivé sans sa faute; il n'a pas à fournir la démonstration directe et positive de la cause de l'incendie (Bordeaux, 10 mai 1884, Sirey, 84.2.198).

448. La présomption légale de faute contre le locataire chez qui a commencé l'incendie subsiste quoique le propriétaire habite lui-même dans la maison incendiée (Grenoble, 17 janv. 1823; Lyon, 17 janv. 1834; S.-V. 32.2.242).

Mais lorsque le propriétaire habite dans la maison et qu'on ignore où a commencé l'incendie, la présomption légale de faute établie contre les locataires cesse d'être applicable, et, dans ce cas, le propriétaire ne peut réclamer contre eux des dommages et intérêts (Duvergier, t. III, no 425; Riom, 4 août 1829).

449. Le propriétaire ne peut être responsable vis-à-vis de son locataire des suites d'un incendie, qu'autant qu'il est établi que le sinistre a été causé par un vice de construction.

D'autre part, l'article 1733 du Code civil n'est pas applicable, en faveur du locataire, vis-à-vis du propriétaire habitant ou jouissant d'une partie de la maison.

Il ne suffit donc pas au preneur de prouver que l'incendie a commencé dans une partie du bâtiment occupé par le bailleur, pour rendre ce dernier responsable; il lui faut démontrer que c'est par son fait personnel que l'incendie a eu lieu.

Mais c'est à tort que le bailleur, suffisamment garanti par ses assureurs, actionne, en pareil cas, le propriétaire voisin dont la responsabilité n'est nullement démontrée (Trib. Lyon, 13 juillet 1886, Gaz. des Trib., 5 novembre 1886).

450. En cas d'incendie d'une maison, lorsqu'il est impossible de déterminer en fait le point de départ exact du feu, tous les locataires doivent être déclarés responsables du dommage causé par l'incendie (Trib. Vienne, 5 août 1886, Gaz.du Pal.,28 octobre 1886).

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