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tée suivant le taux du loyer annuel, devant le juge de paix ou devant le tribunal de première instance du domicile de celui sur qui elle est faite, et si elle est connexe (c'est-à-dire jointe) à une instance déjà pendante, elle sera portée également devant le tribunal saisi de cette instance (C. proc. civ., art. 830 et 831; Loi de 1838 sur les justices de paix, art. 3).

640. Le propriétaire peut-il employer la voie de la saisie-revendication contre un tiers, lorsque le mobilier existant encore dans les lieux loués est plus que suffisant pour répondre des loyers échus et à échoir? Par arrêt du 2 octobre 1806, la Cour de Paris a jugé l'affirmative. Mais, comme on l'a dit plus haut, on doit rejeter cette décision. En effet, la loi, en accordant au propriétaire un privilège sur les meubles, quoique déplacés, et le droit de revendication, a eu pour but de pourvoir à la pleine sécurité du bailleur, et non de paralyser, d'une manière absolue, la disposition des meubles du preneur. Dès l'instant donc que les meubles qui garnissent la maison ou la ferme sont évidemment suffisants pour répondre des loyers ou fermages, pourquoi serait-il défendu de déplacer l'excédent? Inquiéter dans ce cas des tiers de bonne foi, ce serait une vexation. Au reste, comme le dit fort bien Curasson, t. 1er, p. 403, no 77, c'est au juge à peser les circonstances, à voir si, loin d'avoir pour but de prévenir les fraudes et l'enlèvement successif du mobilier, la saisie-revendication n'est qu'une tracasserie de la part du propriétaire.

641. Dans le cas de faillite, le propriétaire, pour les droits qu'il a à exercer contre le locataire, doit se conformer aux dispositions de la loi du 19 février 1872 qui a modifié de la manière suivante les articles 450 et 550 du Code de commerce:

ART. 450. « Les syndics auront, pour les baux des immeubles affectés à l'industrie et au commerce du failli, y compris les locaux dépendant de ces immeubles et servant à l'habitation personnelle du failli et de sa famille, huit jours à partir de l'expiration du délai accordé par l'article 492 du Code de commerce, aux créanciers domiciliés en France, pour la vérification de leurs créances, pendant lesquels ils pourront notifier au propriétaire leur intention de continuer le bail, à la charge de satisfaire à toutes les obligations du locataire.

<< Cette notification ne pourra avoir lieu qu'avec l'autorisation du juge-commissaire, et le failli entendu.

« Jusqu'à l'expiration de ces huit jours, toutes voies d'exécution sur les effets mobiliers servant à l'exploitation du commerce ou de l'industrie du failli, et toutes actions en résiliation de bail seront suspendues, sans préjudice de toutes mesures conservatoires et du droit qui serait acquis au propriétaire de reprendre possession des lieux loués. Dans ce cas, la suspension des voies d'exécution établies au présent article cessera de plein droit.

<<< Le bailleur devra, dans les quinze jours qui suivront la notification qui lui serait faite par les syndics, former la demande en résiliation.

<«< Faute par lui de l'avoir formée dans ledit délai, il sera réputé avoir renoncé à se prévaloir des causes de résiliation déjà existantes à son profit. »>

ART. 550. « L'article 2102 du Code civil est ainsi modifié quant à la faillite: « Si le bail est résilié, le propriétaire d'immeubles affectés à l'industrie ou au commerce du failli aura privilège pour les deux dernières années de location échues, pour l'année courante, pour tout ce qui concerne l'exécution du bail et les dommages-intérêts qui pourront être alloués par les tribunaux.

« Au cas de non-résiliation, le bailleur, une fois payé de tous les loyers échus, ne pourra exiger le paiement des loyers en cours ou à échoir, si les sûretés qui lui ont été données lors du contrat sont maintenues, ou si celles qui lui ont été fournies depuis la faillite sont jugées suffisantes.

Lorsqu'il y aura vente et enlèvement des meubles garnissant les lieux loués, le bailleur pourra exercer son privilège comme au cas de résiliation ci-dessus, et en outre, pour une année à échoir à partir de l'expiration de l'année courante, que le bail ait ou non dale certaine.

« Les syndics pourront continuer ou céder le bail pour tout le temps restant à courir, à la charge par eux ou leurs cessionnaires de maintenir dans l'immeuble un gage suffisant, et d'exécuter, au fur et à mesure des échéances, toutes les obligations résultant du droit ou de la convention, mais sans que la destination des lieux loués puisse être changé.

<«< Dans le cas où le bail contiendrait interdiction de céder le bail ou de sous-louer, les créanciers ne pourront faire leur profit de la location que pour le temps en raison duquel le bailleur aurait touché ses loyers par anticipation et toujours sans que la destination soit changée.

« Le privilège et le droit de revendication établis par le no 4 de l'article 2102 du Code civil, au profit du vendeur d'effets mobiliers. ne peuvent être exercés contre la faillite. >>

642. Ces dispositions du Code de commerce ainsi modifiées par la loi du 19 février 1872, ne sont pas applicables aux baux qui, avant la promulgation de cette loi, ont acquis date certaine. Toutefois, le propriétaire qui, en vertu desdits baux, a privilège pour tout ce qui est échu et pour tout ce qui est à échoir, ne pourra exiger par anticipation les loyers à échoir, s'il lui est donné des sûretés suffisantes pour en garantir le paiement (Loi du 19 fév. 1872, art. 2).

643. Ainsi, la faillite n'est point elle-même une cause de résiliation du bail; mais elle peut ouvrir en faveur du propriétaire une action pour le faire résilier au cas de non-paiement des loyers. Si le bail est résilié, le propriétaire a privilège pour les deux derniè res années échues, avant le jugement déclaratif, pour l'année courante, pour les indemnités que les tribunaux reconnaîtront lui être dues à raison soit des abus de jouissance, soit des réparations locatives ou à tout autre titre, et, en général, pour tout ce qui concerne l'ancien bail. Les deux années échues, pour lesquelles le propriétaire a privilège, doivent être comptées en prenant pour point de départ la date du contrat: ainsi, si le bail a commencé le 1er avril 1867 et que la faillite ait été déclarée le 1er juillet 1870, les deux dernières années échues sont celles qui se placent entre le 1er avril 1868 et le 1er avril 1870, date où a commencé l'année courante (1). Dans le cas où le propriétaire aurait laissé s'accumuler des loyers remontant à une date antérieure à ces deux années, il pourra se présenter à la faillite pour la dette que ces loyers représentent; mais il ne sera que créancier pur et simple et sans aucun privilège.

(1) M. Delsol, Rapport à l'Assemblée nationale sur la loi du 19 fév. 1872,

Au cas de non-résiliation, c'est-à-dire si nonobstant la faillite, le locataire ou les ayants cause ont entièrement exécuté le contrat, le bail est maintenu dans ses conditions primitives qui ne peuvent être ni aggravées ni changées, et les loyers ne sont dus qu'au fur et à mesure d'échéance.

Si le propriétaire n'étant pas payé de tous ses loyers échus, fait vendre le mobilier garnissant les lieux ou si ce mobilier a été vendu à la diligence des syndics ou sur les poursuites de tout autre, le propriétaire peut faire valoir son privilège de bailleur non seulement comme dans le cas de résiliation pour deux années de loyers échus, l'année courante, les indemnités et en général tout ce qui concerne l'exécution du bail, mais en outre pour une année à échoir. Dans ce cas, le privilège du propriétaire peut donc s'étendre à quatre années deux années échues, l'année courante et l'année à venir.

Si le bail est muet sur le droit de relocation, ce droit existe en faveur du locataire qui peut l'exercer soit par voie de sous-location, soit par voie de cession. Les créanciers du failli ont le même droit que leur débiteur. Ainsi, la relocation ne pourra avoir lieu que dans les termes mêmes du contrat originaire, et sans que la destination des lieux loués puisse être changée. En un mot, les créanciers seront tenus de remplir d'une manière générale tous les engagements de leur débiteur et notamment de faire les travaux qui avaient pu lui être imposés par le contrat.

Si le bail contient interdiction de céder le bail ou de sous-louer, el si le locataire ne peut pas personnellement continuer l'exécution du contrat, le bail devra nécessairement être résilié, si ce n'est pour le temps à raison duquel le bailleur aurait touché ses loyers par anticipation, soit par suite d'une clause assez fréquente dans les baux, soit par suite de la disposition insérée au quatrième paragraphe de l'article 550 et qui lui accorde un privilège pour l'année courante et une année à venir (Alauzet, Commentaire du Code de commerce, t. VI, p. 207 et 639; Genevois, Commentaire de la loi du 19 février 1872).

644. De ce que le propriétaire, comme nous l'avons vu, a sur les meubles des sous-locataires garnissant les lieux loués, et jusqu'à concurrence de la sous-location, le même privilège que sur ceux de son locataire principal, il résulte qu'il a le droit de pour

suivre les sous-locataires pour les sommes dont ils peuvent être redevables au principal locataire. C'est ce que dispose l'article 82 du Code de procédure civile dans les termes suivants :

« Peuvent les effets des sous-fermiers et des sous-locataires, garnissant les lieux par eux occupés, et les fruits des terres qu'ils sous-louent, être saisis-gagés pour les loyers et fermages dus par le locataire ou fermier de qui ils tiennent; mais ils obtiendront mainlevée en justifiant qu'ils ont payé sans fraude, et sans qu'ils puissent opposer des payements faits par anticipation. » Les payements faits par le sous-locataire, soit en vertu d'une stipulation portée en son bail, soit en conséquence de l'usage des lieux, ne sont pas réputés faits par anticipation (C. c., art. 1753).

645. Le propriétaire a non seulement le droit d'exercer des poursuites directes contre le locataire en retard de payer le prix de ses loyers, mais encore celui de le poursuivre indirectement. Ainsi, le propriétaire peut saisir-arrêter entre les mains des débiteurs de son locataire les sommes et effets appartenant à ce dernier, et s'opposer à leur remise (C. proc. civ., art. 557 et 558).

Mais la saisie pratiquée par le bailleur sur les meubles et effets du preneur peut donner lieu à une condamnation en dommages et intérêts contre le saisissant, lorsqu'il résulte de la saisie, postérieure au bail, qu'à l'époque de la saisie, le preneur n'était redevable d'aucuns loyers (Cass., 17 juin 1837).

646. Le principal locataire ne conserve pas le droit de faire saisir-gager les meubles de son locataire; il ne conserve pas non plus son privilège sur les meubles après la cession du bail principal et de la sous-location, lorsque le sous-locataire est resté dans les lieux, en vertu d'un nouveau bail à lui fait par le propriétaire (Trib. de la Seine, 5 ch., 29 nov. 1848, Droit, 29 nov. 1848). C'est qu'en effet le privilège et la voie exceptionnelle d'exécution (la) saisie-gagerie) cessent d'appartenir au principal locataire au moment même où finit le bail.

SECTION II

Des droits du preneur ou locataire.

647. En traitant successivement des obligations du bailleur, nous avons fait connaître d'une manière indirecte les droits du

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