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blissement, la justice répressive doit surseoir à statuer au fond et renvoyer à l'autorité administrative la solution de la question préjudicielle ainsi soulevée; c'est, en effet, à l'autorité administrative seule qu'appartient le droit de décider si un établissement est incommode ou insalubre et par suite si son ouverture est soumise à la condition de l'autorisation préalable (Cass., 7 août 1868, S.-V. 69.1.368).

979. Mais le tribunal de police, saisi de la contravention résultant de l'exploitation sans autorisation préalable d'un établissement incommode et insalubre, ne peut surseoir à statuer jusqu'à la décision à intervenir sur le recours au Conseil d'Etat formé par le prévenu contre l'arrêté du préfet portant refus d'autorisation (Cass., 17 déc. 1864, S.-V. 65.1.151). Le prévenu ne peut être relaxé sous le prétexte de l'autorité de la chose jugée résultant d'un premier jugement qui l'a renvoyé des poursuites précédemment dirigées contre lui à raison d'un fait semblable (même arrêt).

980. Les contraventions et la peine qu'elles comportent sont personnelles. Far suite lorsqu'un industriel a vendu à des tiers l'établissement insalubre qu'il exploitait sans autorisation, et qu'il n'est plus ni propriétaire, ni locataire, ni exploitant, il ne peut être condamné pour la contravention résultant d'une exploitation non autorisée postérieure à cette vente, bien qu'il figure encore sur le rôle des patentes (Cass., 8 décembre 1880, Monit. J. Paix, 1881, p. 37).

981. Les pouvoirs conférés aux préfets par le décret de 1810. d'autoriser la formation ou le maintien des établissements insalubres, ne fait point obstacle au droit que l'autorité municipale tient. de la nature de ses attributions de prendre, à l'égard de ces établissements, les mesures de police commandées par l'intérêt des habitants (Cass., 4 février 1881, Monit. J. Paix, 1881, p. 262).

CHAPITRE VII

De la fin du bail ou du louage des maisons, des causes qui peuvent y donner lieu, et de la tacite reconduction.

982. Le bail cesse de plein droit par l'expiration du temps pour lequel il a été convenu, soit qu'il ait été fait sans écrit, soit qu'il ait été fait par écrit ; en effet, nous avons vu précédemment, que l'écriture n'est pas nécessaire pour former le bail, mais qu'elle ne produit d'effet que quant à la preuve.

983. Lorsque la durée du bail n'est déterminée ni par la convention des parties, ni, à son défaut, par la nature de la chose louée (1), les contractants peuvent le faire cesser en se donnant congé dans les délais fixés par l'usage des lieux.

Tel est le sens dans lequel on doit entendre les articles 1736 et 1737 du Code civil dont voici le texte :

Art. 1736. Si le bail a été fait sans écrit l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux.

Art. 1737. Le bail cesse de plein droit à l'expiration du temps fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé.

984. Ces expressions, bail fait sans écrit et bail fait par écrit, employées dans les articles 1736 et 1737, signifient: bail dont la durée est fixée et bail dont la durée n'est pas fixée (Delvincourt, t. III, note, p. 195; Duranton, no 116; Duvergier, t. III, no 485, et Troplong, n® 404).

985. «Si, à l'expiration des baux écrits, porte l'article 1738 du Code civil, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail, dont l'effet est réglé par l'article relatif aux locations

(1) Par exemple, le bail d'un bien rural dont la durée n'est pas fixée par les parties, est censé fait pour le temps nécessaire au preneur afin de recueillir tous les fruits de l'immeuble affermé ; ce bail cesse donc de plein droit à l'expiration de ce temps, sans qu'il soit besoin de donner un congé à l'avance (C, civ.. art. 1774 et 1775).

faites sans écrit », ce qui veut dire que, dans ce cas, l'une des parties ne peut donner congé à l'autre qu'en observant les délais d'usage (C. c., art. 1736).

C'est ce nouveau bail résultant du consentement présumé du bailleur et du preneur qu'on appelle, en droit, tacite reconduction. consentement

986. La tacite reconduction s'opère par un qui se manifeste au moyen de la possession que le locataire conserve, pouvant la faire cesser, et que le bailleur autorise par.une inaction volontaire (Trib. Seine, 10 avril 1872, Gaz. des Trib., 19 avril 1872). Mais la présomption légale sur laquelle se base la tacite reconduction peut être détruite par des conventions contraires (Trib. Versailles, 7 mai 1873, Gaz. des Trib., 21 oct. 1873).

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987. Le bail par tacite reconduction ne peut prendre naissance que si les deux parties sont l'une et l'autre capables de contracter au moment où il se forme (Trib. de Nancy, 13 août 1895 et Nancy, 9 mai 1896, Sirey, 98.2.281).

988. Lorsqu'il y a un congé signifié, le preneur, quoiqu'il ait continué sa jouissance, ne peut invoquer la tacite reconduction (C. c., art. 1739); il en serait de même d'un congé non signifié, mais accepté. Tout congé empêche la tacite reconduction pour un bail à terme, à l'expiration du terme; pour un bail sans terme, à l'expiration des époques fixées par les usages locaux.

Ainsi, soit que le congé ait été signifié ou qu'il ait été accepté, ce qui offre le même résultat, le locataire ne pourra pas prétendre qu'il a le droit de continuer sa location, puisque, dans le premier cas, le propriétaire lui a fait savoir qu'il fallait qu'il sortit des lieux à l'expiration du bail, et que, dans le second cas, le locataire a accepté lui-même son congé.

Le locataire sera donc obligé de vider les lieux lors même qu'il y aurait passé, depuis l'expiration de son bail, un certain nombre de jours, sans qu'il soit nécessaire de lui donner un nouveau congé.

989. Cependant, si, nonobstant le congé signifié ou accepté, le preneur reste et est laissé en jouissance de la chose louée, si cette jouissance se prolonge, si certains faits démontrent la volonté évidente de relouer, les parties seront présumées avoir re

noncé au congé, la tacite reconduction aura lieu et donnera naissance à un nouveau bail pour lequel celle des parties qui voudra le faire cesser devra donner un nouveau congé dans les délais d'usage (Duvergier, no 504 et Troplong, n° 457).

990. Il est évident que si, lors de l'expiration du bail, l'une des parties n'était plus capable de contracter, la reconduction n'aurait pas lieu. Il en serait de même si, avant l'expiration du bail, le propriétaire avait formé une demande pour faire expulser le locataire.

991. Comme on vient de le voir, la tacite reconduction opère, après l'expiration du bail écrit, un nouveau bail qui prend naissance dans le silence des parties.

Si donc le propriétaire veut éviter les effets de la tacite reconduction, il faut qu'il signifie ou qu'il fasse accepter au locataire un congé par écrit. On comprend tous les inconvénients qui pourraient résulter pour le propriétaire d'un congé donné verbalement, lequel ne pouvant être prouvé par témoins, serait abandonné à la bonne foi du locataire. Car il pourrait arriver, dans ce cas, que ce dernier, ayant promis de vider les lieux loués au jour de l'expiration du bail, ne voulût pas en sortir à cette époque. Le propriétaire serait alors obligé, par l'effet de la tacite reconduction, de laisser le locataire habiter les lieux loués pendant une certaine période de temps plus ou moins longue, et ne pourrait l'expulser qu'après lui avoir donné congé en observant les délais d'usage. Donnons un exemple Pierre, propriétaire, a loué par bail sous seing privé, et moyennant 2.000 francs, sa maison à Paul pour trois ans qui expirent au 15 avril 1863; arrivé à cette époque, Paul, qui n'a pas encore opéré son déménagement, continue d'habiter les lieux pendant un certain espace de temps après le 15 avril. Pierre veut expulser Paul en disant que le bail consenti au profit de ce dernier étant expiré, il doit vider les lieux. Mais Paul répondra avec raison qu'il a droit d'y rester en vertu de la tacite reconduction; que si Pierre avait eu l'intention qu'il vidat les lieux au jour de l'expiration du bail, il n'aurait pas laissé passer cette époque sans le contraindre de les quitter. Que devra faire Pierre dans cette circonstance? Il donnera congé à Paul pour sortir de la maison, d'après les délais d'usage. Ainsi, dans l'espèce, le congé devra être

donné le 30 juin au plus tard, et le locataire ne sera tenu de ren dre les lieux que pour le terme d'octobre. Mais combien cette prolongation de jouissance de la part du locataire ne préjudicierat-elle pas au propriétaire,si l'on suppose qu'il avait loué sa maison à un autre locataire qui devait y entrer le 15 avril !

Il est donc prudent, nous ne craignons pas de le répéter, que le propriétaire fasse, avant l'expiration du bail, et pour éviter les inconvénients de la tacite reconduction, signifier ou accepter par écrit le congé au locataire (1).

(1) Remarquez que le congé donné pour empêcher que la tacite reconduction n'ait lieu, diffère des congés ordinaires donnés en matière de baux faits sans fixation de durée, en ce qu'il n'est pas nécessaire de le donner un certain temps d'avance suivant l'usage des lieux; il peut être donné avant et même après l'expiration du bail, pourvu que le temps qui s'est écoulé ne soit pas assez long pour que l'on puisse présumer que le bailleur a tacitement consenti un nouveau bail. Signifié le lendemain de l'expiration du bail, le congé serait irréprochable; il le serait encore le troisième, le quatrième jour, etc., etc. ; et même dans la huitaine qui, dans certaines localités, doit s'écouler sans trouble pour qu'un nouveau bail soit censé s'opérer (Duranton, t. XVII, no 119; Duvergier, t. III, no 503; Troplong, no 455; Aubry et Rau, d'après Zachariæ, t. III, p. 360; Massé et Vergé, sur Zachariæ, t. IV, p.384, note 16). Au reste, les tribunaux sont appréciateurs des circonstances. Ainsi, le propriétaire qui aura négligé de faire accepter ou signifier le congé avant le jour fixé pour l'expiration du bail devra, s'il voit que le locataire ne se dispose pas à quitter les lieux ce jour là, lui faire de suite signifier son congé. C'est le moyen de prévenir toutes les difficultés auxquelles pourrait donner lieu la continuation de jouissance du locataire, après l'expiration du bail.

M. Limon, qui, dans son ouvrage sur les Usages et règlements locaux du département du Finistère, cite plusieurs fois notre Manuel, croit devoir critiquer l'opinion que nous soutenons ici et d'après laquelle le congé donné, pour éviter la tacite reconduction, peut être valablement signifié même le lendemain de l'expiration du bail. « C'est une erreur, dit M. Limon (p. 180, note 2), car ou l'on a donné un congé régulier et alors le second congé est un acte frustratoire; ou l'on a omis la formalité d'un congé en temps utile, et cette omission ne peut être ensuite réparée par des équivalents. » Nous répondons que ce n'est pas nous qui sommes dans l'erreur, mais notre honorable contradicteur. En effet, le raisonnement de M. Limon serait juste s'il s'agissait d'un congé donné pour faire cesser une location dont la durée est indéterminée; ce congé pour être valable devrait être signifié dans les délais d'usage. Mais la critique de l'auteur porte à faux, parce qu'il confond ici deux choses tout à fait distinctes, savoir: le congé donné pour faire cesser la location dont la durée n'est pas fixée et le congé ou avertissement donné pour éviter la tacite reconduction. Le premier doit être signifié dans les délais prescrits par l'usage des lieux, le second n'est pas assujetti aux délais d'usage, il peut être, donné soit avant l'expiration du bail, soit même depuis son expiration, pourvu, dans ce dernier cas, qu'on n'ait point laissé écouler un délai assez long pour faire présumer l'intention de faire un nouveau bail. Si M. Limon avait pris la peine de recourir aux auteurs que nous citons dans ce passage de notre Manuel, il ne se serait point exposé aussi légèrement à nous taxer d'erreur et à nous adresser une critique qui témoigne de l'oubli des principes élémentaires en cette matière.

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