Page images
PDF
EPUB

t. II, p. 119). Le locataire peut placer un écriteau quand il le juge convenable, puisqu'il ne peut se plaindre d'un trouble apporté à sa jouissance qui résulte de son fait; il est tenu, en ce cas, de laisser voir les lieux. Le locataire ne peut mettre un écriteau pour sous-louer en garni sans la permission du propriétaire ou une autorisation expresse résultant de la location.

1155. Le propriétaire ne peut, en prévision de l'expiration du bail de l'un de ses locataires, faire apposer, en dehors des délais imposés par l'usage, l'écriteau indiquant que les lieux sont à louer. Cela résulte d'une ordonnance du président des référés en date du 9 avril 1881, et ainsi conçue:

« Nous, président;

«Attendu que Laîné, locataire jusqu'au 1er janvier 1882 d'une boutique et dependances dans la propriété de Finel, à Paris, rue de Rivoli, 24, articule que contrairement à son intérêt, et d'ailleurs à son droit et aux usages, Finel a fait apposer un écriteau indiquant que lesdits lieux sont, dès à présent, à louer; qu'il y a urgence de faire cesser le trouble résultant de cette apposition prématurée ;

<«< Disons que Finel sera tenu de retirer immédiatement l'écriteau dont s'agit de l'endroit où il l'a placé, sous la porte cochère, sinon autorisons Lainé à le faire enlever, avec l'assistance du commissaire de police, et à s'opposer à sa réapposition avant l'époque ordinaire et d'usage, ce qui sera exécutoire par provision, etc. »

même sur la porte cochère, un écriteau annonçant à louer le magasin et l'appartement d'un locataire, lorsque le bail a encore plusieurs années à courir (dans l'espèce deux ans); l'apposition d'un pareil écriteau, constituant à la fois un trouble à la jouissance du locataire et une grave atteinte à son crédit commercial, donne lieu à des dommages et intérêts en faveur du locataire contre le propriétaire (Paris, 3o ch., 4 juill. 1857, Gaz. des Trib. et Droit, 11 juill. 1857).

Pareillement, le propriétaire ne peut, pendant la durée d'un bail, faire des annonces pour la mise en location ultérieure de sa propriété, que pendant le délai indiqué par l'usage pour la visite des lieux loués. Le propriétaire d'une maison dans laquelle s'exploite un hôtel garni n'a pas le droit, pour annoncer la location de sa propriété, de la désigner sous le nom ou l'enseigne appartenant au maître du fonds d'hôtel garni (Paris, 1re ch.,19 juin 1847, Droit et Gaz. des Trib., 20 juin 1847): jugé de même qu'il est interdit au propriétaire de se servir de l'enseigne appartenant à son locataire dans l'écriteau annonçant que les lieux sont à louer (Trib. de la Seine, 5 ch., 14 juill. 1846, Droit, 15 juillet 1846). Dans l'espèce, il s'agissait de l'annonce de la location d'un café dit Café de la Victoire, et le propriétaire avait fait placer sur un écriteau ces mots; A louer le Café de la Victoire, au lieu de l'annonce ordinaire: Boutique à louer. Le commerçant qui quitte les lieux ne peut mettre sur son enseigne : Liquidation pour cause de fin de bail non renouvelé (Trib. de la Seine, 2 ch., 28 mai 1859, Gaz. des Trib., 29 mai 1859, Droit, 30 mai 1859).

CHAPITRE IX

De la sortie, de la remise des lieux loués et des contestations qui y sont relatives.

SECTION Ire

De la sortie des lieux.

1156. Au jour où expire le bail dont la durée a été fixée ou les délais du congé, et à midi au plus tard, le locataire est obligé de remettre au propriétaire les lieux qu'il occupait. En conséquence, il devra, ce jour-là, avoir fait toutes les réparations dont il est tenu, et opéré son déménagement (1).

1157. Avant de procéder à son déménagement, le locataire doit payer les loyers échus, et justifier de l'acquit de ses contributions; autrement, le propriétaire est en droit d'empêcher l'enlèvement de ses meubles.

1158. S'il a été fait un état des lieux entre le bailleur et le preneur, ce dernier doit rendre les lieux loués tels qu'il les a reçus, suivant cet état, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure (C. c.. art. 1730).

1159. S'il n'a point été fait d'état des lieux, le locataire est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, sauf la preuve contraire (2) (C. c., art. 1731).

1160. Remarquez que, soit qu'il ait été fait un état des lieux

(1) A Paris, les délais des congés expirent le 1er des mois de janvier, avril, juillet et octobre. Mais il est d'usage d'accorder au locataire un délai de grace de huit ou quinze jours, selon l'importance ou la nature de la location.

(2) Cette preuve peut être faite par tous les moyens possibles, même par témoins, quelle que soit d'ailleurs la valeur de l'objet du litige; car il s'agit de prouver un fait et non pas une convention. Ainsi le preneur, en l'absence d'état de lieux, est admis à prouver par témoins que les immeubles loués n'étaient pas en bon état de réparations locatives au moment de l'entrée en jouissance (Bourges, 2 mars 1825.- Troplong, no 340; Duvergier, t. 2, no 443; Duranton, t. 17, no 101).- Delvincourt (t. 3, p. 194) pense que la preuve testimoniale n'est pas admissible si l'objet en litige excède 150 fr, mais cette opinion doit être rejetée comme contraire aux vrais principes et à la saine doctrine. Effectivement, il s'agit ici de prouver un fait et non une convention.

ou qu'il n'en ait pas été dressé, le locataire n'est pas tenu des dégradations provenant de cas fortuit, de force majeure ou de vétusté; mais les réparations locatives sont à sa charge.

1161. Lorsque le locataire a fait des changements dans les lieux loués, il est tenu, si le propriétaire l'exige, de les remettre dans l'état où ils étaient au moment du bail. Il est tenu notamment si le propriétaire l'exige d'enlever les constructions et les plantations qu'il a établies sans pouvoir en réclamer la valeur au propriétaire; mais il peut être dérogé par le bail à cette obligation; si par exemple dans le bail les parties en imposant au locataire l'obligation de construire sur le terrain loué ont prévu expressément un cas unique de cessation de bail, auquel cas l'enlèvement des dites constructions devra avoir lieu sans indemnité, et si ce cas ne s'est pas réalisé, le propriétaire est alors tenu d'indemniser le locataire de toutes les constructions et plantations faites par celui-ci (Cass., 22 janv. 1894, Sirey, 94.1.264).

1162. Le propriétaire, même en offrant de payer au locataire la valeur des objets que celui-ci a fait placer dans les lieux loués, n'a pas le droit de l'empêcher de les enlever, lorsqu'ils ne paraissent pas, par leur nature, avoir été mis à perpétuelle demeure, et qu'ils peuvent être détachés sans dégradations pour l'immeuble, comme, par exemple, des glaces, une alcôve, des arbres en pépinière, etc. (Duvergier, t. III, n. 640, et Troplong, no 354).

1163. De son côté, le locataire, encore que le propriétaire ne lui en paie point la valeur, ne peut dégrader ni détériorer les peintures qu'il aurait fait exécuter sur les murs ni ailleurs, ni arracher, ni même gàter les papiers qu'il aurait fait coller sur les

murs.

1164. Le locataire a le droit d'enlever, à sa sortie des lieux loués, les cordons et mouvements de sonnettes qu'il y a fait poser; mais il ne doit pas, comme cela se pratique quelquefois, faire boucher, par exemple, avec des morceaux de fer, les trous par lesquels ces cordons passaient, afin que celui qui le remplacera ne profite point de ces trous et ne puisse que très difficilement poser de nouvelles sonnettes. Il est évident qu'en agissant ainsi, le locataire est dirigé par un esprit de méchanceté que la justice et l'équité condamnent également en effet, il n'est point permis de

faire le mal d'autrui sans intérêt pour soi. Ce principe, si nettement posé dans l'arrêt du Parlement de Paris, que nous avons rapporté à la page précédente, doit incontestablement recevoir ici son application. Ainsi, dans l'espèce, le locataire pourrait être condamné à des dommages et intérêts.

1165. Le locataire ne peut emporter les arbres qu'il a plantés dans un jardin, mais le propriétaire doit lui en payer la valeur (Arrêt du parlement de Rennes, du 17 octobre 1575; Brillon, Vo Arbres, no 5). Il en est autrement des plantes, des arbrisseaux et des arbustes mis en pépinière; le locataire peut les enlever à la fin du bail, à moins qu'il ne se soit obligé à les laisser (Lepage, t. II, p. 190 et 191).

1166. Si le locataire a fait, dans les lieux loués, des constructions ou améliorations dont il n'était pas chargé par son bail, par exemple, une remise, une écurie, il a le droit de les enlever en rétablissant les lieux dans leur premier état, à moins que le propriétaire n'offre de lui rembourser la valeur des matériaux et le prix. de la main-d'œuvre, sans égard toutefois à la plus ou moins grande augmentation de valeur que le fonds a pu recevoir (Arg. de l'article 555, C. c.). C'est le caractère de perpétuelle demeure attaché aux constructions dont nous parlons, qui fait naître au profit du propriétaire le droit de les conserver moyennant indemnité au lo

cataire.

Mais le locataire ne pourrait pas contraindre le propriétaire à conserver les constructions et à l'indemniser. Le choix entre la démolition des constructions et leur conservation, moyennant indemnité, appartient au propriétaire seul (1).

1167. Le preneur peut-il réclamer du bailleur le montant des réparations qu'il a faites dans les lieux loués?

S'il s'agit de réparations ou de travaux qui étaient nécessaires

(1) D'après les mêmes principes, il a été jugé que le propriétaire d'une maison à laquelle le locataire a ajouté des constructions nouvelles (un ou plusieurs étages) n'est pas fondé à retenir à la fin du bail ces constructions ou augmentations, sans indemnité à titre d'accession. Il n'a d'autre droit que celui d'opter entre l'enlèvement des constructions aux frais du locataire ou leur conservation, à la charge de les payer. Et dans le cas où il opte pour leur conservation, il doit, aux termes de l'article 555, rembourser au locataire la valeur des matériaux et la main-d'œuvre et non la plus-value que ces constructions ont pu procurer à l'immeuble (Cass., 1er juill. 1851, S.-V. 51.1.481, P. 51.2.609).

et que surtout le bailleur eût pu être forcé de faire, il n'est pas douteux que le preneur n'ait le droit d'en être indemnisé (1); il ne serait pas juste, en effet, que le bailleur profitât au détriment du preneur. Dans les autres cas, c'est-à-dire s'il s'agit de réparations ou améliorations simplement utiles, le preneur ne peut s'en faire rembourser par le bailleur, qui n'a point donné ordre de les faire; mais il aurait, à défaut d'indemnité de la part du bailleur, le droit d'enlever ce qu'il a placé, lorsque cela est possible, à la charge toutefois de rétablir les lieux dans leur état primitif (Pothier, nos 130 et 131; M. Troplong, nos 352 et 353; Duvergier, t. III, nos 458 et 459; Rolland de Villargues, au mot Bail, nos 509 et 510).

1168. La clause portant qu'à la fin du bail, les constructions et embellissements faits par le locataire resteront au propriétaire sans indemnité, doit-elle produire son effet en cas de résiliation du bail, prononcée faute de paiement et d'exécution, avant l'expiration du terme pour lequel il avait été stipulé ?

Cette question s'est présentée devant le Tribunal civil de la Seine et la Cour de Paris dans l'espèce suivante :

M. le duc de Padoue avait loué à la société Petitville et Cie, pour 18 ans, et au prix de 24.000 francs par an, un hôtel, rue de la Chaussée-d'Antin. La somme de 360.000 francs fut dépensée par les locataires, en embellissements et en décors de toute nature. Un casino, désigné sous le nom de Casino Paganini, fut établi dans l'hôtel. Mais deux années s'étaient à peine écoulées que la société Petitville et Cie n'existait plus. M. le duc de Padoue fit alors prononcer la résiliation du bail et rentra en possession de son hôtel. On avait inséré dans le contrat une clause portant qu'à la fin du bail les constructions et embellissements resteraient au propriétaire sans indemnité. Mais comment cette stipulation devait-elle être interprétée ? Avait-il été dans l'intention des parties

(1) C'est ainsi que la Cour de Douai a jugé, par arrêt du 23 mars 1842 (Jour nal du Palais, même année, t. 2, p. 128), que le preneur qui, même sans en donner avis préalable à son propriétaire, a fait à l'immeuble loué une réparation nécessaire et indispensable, a droit de réclamer le remboursement de ses dépenses. Le même arrêt a décidé que l'obligation, dans ce cas, prenant sa source dans le quasi-contrat de gestion d'affaires, la preuve testimoniale est admissible, encore bien que les dépenses réclamées excèdent la somme de 150 francs (Sic Bourges, 10 décembre 1830.- Pothier,des Obligations, no 778; Delvincourt, t. 2, p. 625, note; Toullier, t, 9, no 141; Duranton, t. 43, no 356).

« PreviousContinue »