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ce système qui a également été suivi par un jugement du Tribunal de paix du 11° arrondissement de Paris (Moniteur des Juges de paix, 1889, p. 18).

Mais M. Troplong (nos 435 à 442) le combat à l'aide de puissants arguments: « Ces scrupules, dit-il, sont exagérés et tiennent à un abus de cette maxime, souvent faussée et mal comprise : Que nul ne peut se faire justice à soi-même; il ne s'agit pas de faire violence à la personne du preneur, ni même sur ses meubles. Le propriétaire ne fait acte de disposition que sur sa propre chose. Quelle est donc la loi qui défend au propriétaire d'user à sa volonté de son immeuble devenu libre ? C'est en vain qu'on opposerait le vieux proverbe de droit qui dit qu'un locataire doit être clos et couvert; car que devient l'obligation quand il n'y a plus ni locataire ni bailleur? Le locataire qui, après l'expiration du bail et l'accomplissement de toutes les formalités de la part du propriétaire, refuse de quitter les lieux, n'est plus qu'un usurpateur qui est censé user de violence, lorsqu'il empêche le propriétaire de rentrer dans son bien. C'est ce qu'a jugé la Cour de Nancy le 7 août 1834. » Un arrêt rendu par la Cour de Douai, le 19 avril 1858, a jugé dans le même sens (Journal de procédure, no 6742). Cependant, nous conseillons aux propriétaires d'employer pour l'expulsion des locataires le mode indiqué par la loi. En effet, l'enlèvement des portes et des fenêtres peut occasionner, entre le propriétaire et le locataire, des rixes qu'il est prudent de prévenir. La loi de 1838 sur les justices de paix offre au propriétaire, lorsqu'il s'agit de petites locations, c'est-à-dire d'un loyer annuel de 400 francs et au-dessous, un moyen prompt et peu coûteux de se débarrasser des locataires récalcitrants. Le propriétaire n'a donc qu'à s'adresser au juge de paix qui, s'il y a urgence démontrée, donne, sur la demande du propriétaire, une cédule pour abréger les délais, et peut permettre de citer même dans le jour et à l'heure indiquée. Le juge de paix valide le congé, s'il le trouve en règle, et ordonne que le locataire évacuera l'appartement ou la maison dans un délai qu'il fixe.

CHAPITRE X

Du concierge et de ses obligations envers
les locataires.

1183. Le concierge est un préposé établi par le propriétaire pour la garde, la surveillance, la propreté de la maison et l'utilité des locataires.

1184. D'après les usages de Paris les concierges sont des domestiques à gages que le propriétaire peut renvoyer en les prévenant huit jours à l'avance ou même immédiatement en leur payant une indemnité égale à leur salaire pendant huit jours (Usages de Paris, par MM. les juges de paix, 1898, et jugement de référé rendu par M. le président du Tribunal de la Seine le 7 février 1899, La Loi du 16 février 1899). Réciproquement un concierge ne peut abandonner son poste qu'après avoir prévenu huit jours à l'avance ou en supportant huit jours d'indemnité.

Pendant le délai du congé, le concierge a droit à deux heures par jour pour chercher un autre emploi. Il lui est également dû un certificat légalisé par le commissaire de police, le maire ou le juge de paix.

Pour expulser un concierge récalcitrant, le propriétaire peut soit s'adresser au juge des référés, soit demander l'expulsion au juge de paix par application de l'article 5, no 3 de la loi du 25 mai 1838.

Dans le premier cas, le propriétaire présente par ministère d'avoué au président du Tribunal civil une requête aux fins d'expulsion; le président rend son ordonnance au pied de la requête.

Dans le second cas, le propriétaire demande par requête aux juges de paix l'autorisation d'assigner devant lui et pour le jour même le concierge aux fins d'expulsion; le juge de paix à l'heure fixée dans son ordonnance d'autorisation rend un jugement d'expulsion exécutoire sur minute même avant enregistrement. Muni de ce jugement ou de l'ordonnance rendue en référé le propriétaire fait expulser par huissier avec l'assistance si besoin est du commissaire de police.

1185. Modèle de requête au juge de paix pour obtenir
l'expulsion d'un concierge.

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Le soussigné.

pro

a l'honneur de vous exposer qu'il

son concierge, dans ladite mai

A Monsieur le Juge de paix de . priétaire d'une maison sise à. vient de donner ordre au sieur. son, d'avoir à vider immédiatement les lieux; que, malgré cet ordre, ledit sieur. . . . . s'obstine à se maintenir avec sa famille dans les lieux, bien que le requérant lui ait offert de lui payer huit jours d'indemnité conformément à l'usage.

En conséquence, le soussigné requiert qu'il vous plaise, Monsieur le Juge de paix, l'autoriser à faire citer à bref délai, sans préliminaire du billet d'avertissement, ledit sieur. pour ce jour, à telle heure qu'il

vous plaira de désigner aux fins d'expulsion.

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Vu la requête ci-dessus et les dispositions des articles 5, no 3, et 17 de

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1187. Le concierge est tenu de recevoir les lettres adressées aux locataires; son refus le rend passible de dommages-intérêts, et le propriétaire peut, dans ce cas, être condamné comme civilement responsable (Trib. de paix du 11° arrond. de Paris, 10 mars 1830, Droit, 12 mars 1830; Trib. de la Seine, 4° ch., 4 oct. 1866, Gaz. des Trib., 13 déc. 1866).

Il doit recevoir et remettre exactement les papiers et objets qui sont adressés aux locataires, leur indiquer les noms des personnes qui viennent les demander et aux visiteurs la porte d'entrée de l'appartement ainsi que la présence ou l'absence du localaire demandé. Si un locataire a reçu chez lui un étranger dont il a donné le nom au concierge celui-ci doit recevoir et remettre les lettres ou paquets adressés à l'étranger. L'inexécution de ces obligations peut donner ouverture à une action en dommages-intérêts

contre le concierge, et, par suite, contre le propriétaire, comme civilement responsable des faits de son préposé (1).

Le concierge est aussi tenu de monter les lettres et papiers adressés au locataire, au moins trois fois par jour (2), il doit faire la remise immédiate des actes signifiés au locataire (3). L'inexécution de cette obligation peut donner lieu à des dommages et intérêts contre le concierge, et, par suite, contre le propriétaire, comme civilement responsable (Trib. de la Seine, 5° ch., 22 mai 1861 (4), Gaz. des Trib., 24 mai 1861).

Quant aux lettres ou papiers recommandés ou chargés, ils doivent être remis directement par la poste à son destinataire et le concierge ne saurait en donner récépissé.

1188. Le concierge est tenu d'ouvrir la porte aux locataires à toute heure de jour et de nuit qu'ils se présentent; c'est le principal but de leur institution, et, pour qu'il en fût autrement, il faudrait qu'il existât au bail une clause formellement contraire (Jug.

(1) Nous citerons le jugement suivant, rendu par le Tribunal de la Seine, le 26 septembre 1862.

« Le Tribunal, — Attendu qu'il est établi, dès à présent, que la femme Romari, concierge, a refusé de recevoir les paquets et échantillons adressés aux demoiselles Duboff (lingères); qu'elle a négligé de leur remettre exactement les noms des personnes qui étaient venues les demander ; Qu'elle leur a causé ainsi un préjudice dont le tribunal a les éléments d'appréciation; — Attendu que la veuve Cassedanne, propriétaire de la maison doit être déclarée responsable des faits qui ont été commis par sa préposée dans l'exercice des fonctions qu'elle lui a confiées ;- Condamne la femme Romari et la veuve Cassedanne, comme civilement responsable, à payer aux demoiselles Duboff la somme de 500 fr., à titre de dommages et intérêts et les condamne toutes deux aux dépens» (Gaz. des Trib., 12 oct. 1862).

(2) Tel est l'usage recueilli dans le cahier des Usages locaux de Paris, par MM. les Juges de paix, 1898. V. aussi conf. Trib. de la Seine, 2 février 1889. (3) Le concierge a qualité pour recevoir les exploits signifiés aux locataires de la maison à la garde de laquelle il est préposé. Ainsi jugé à l'égard d'un protét (Rouen,5 janv. 1814); d'un acte d'appel (Besançon, 12 fév. 1810); - d'un exploit de saisie-arrêt (Paris, 9 nov. 1830. Bioche, Dict. de procédure, Vo Exploit, no 265.

(4) Attendu que des documents fournis il résulte que les époux Raab, concierges de la maison rue Bleue, appartenant à la femme Delamarre et dont Desessards est locataire, non seulement se sont refusés à monter à ce dernier ses lettres et papiers au moins une fois par jour, mais encore qu'ils ont maintes fois retenu volontairement des lettres et papiers, en dissimulant leur arrivée et notamment un acte extra-judiciaire signifié à Desessards et dont la remise immédiate était pour le concierge un devoir; que par ces faits, ils ont causé à Desessards un préjudice dont il lui est dû réparation; Condamne les époux Raab et la dame Delamarre comme civilement responsable, au paiement d'une somme de 100 fr. à titre de dommages-intérêts et aux dépens.

du Trib. de police municipale de Paris, 20 sept. 1835, Gaz. des Trib., 1er oct. 1835; Trib. de la Seine, 5 ch., 7 fév. 1857, Droit, 10 avril 1857)..

En conséquence, le propriétaire doit donner des ordres à son concierge pour qu'il laisse entrer les locataires dans la maison à toute heure de jour et de nuit (Trib. de la Seine, 4 ch., Gaz. des Trib., et Droit, 12 janv. 1840).

A plus forte raison, le locataire qui lors de la location a fait connaître sa qualité (par exemple, un médecin), peut, attendu les besoins de sa profession, exiger l'ouverture et l'entrée de la maison qu'il habite à toute heure du jour et de la nuit (Ordonn. de référé du 3 oct. 1855, Gaz. des Trib., 5 oct. 1865).

Il a même été jugé, par la Cour de Paris, 3e ch., 19 avril 1861 (Gaz. des Trib., 14 et 21 avril 1861), que lorsque le concierge persiste à refuser au locataire d'ouvrir la porte la nuit et ne lui remet pas exactement les lettres, paquets et papiers venant à son adresse, le président du tribunal peut autoriser, par une ordonnance de référé, le locataire à établir, dans la maison et dans la loge du concierge, un planton militaire invalide, à l'effet d'ouvrir au locataire la porte de la maison, à quelque heure que ce soit du jour et de la nuit, et de recevoir les lettres, paquets et papiers à son adresse.

Le refus par le concierge d'ouvrir la porte, sous prétexte qu'il est trop tard, peut donner lieu à une action en dommages et intérêts, tant contre celui-ci que contre le propriétaire, comme civilement responsable du fait de son concierge (Trib. de la Seine, 1re ch., 7 fév. 1857, déjà cité) (1). Pareillement le locataire a le droit d'en

(1) « Attendu qu'il est constant, en fait, que dans la nuit du 25 au 26 novembre 1856, Woislin, concierge de la maison dont Bouniol est propriétaire, a refusé d'ouvrir la porte à Rateau, locataire, sous prétexte qu'il rentrait trop tard; Que Rateau, après avoir frappé et sonné un grand nombre de fois, a été obligé de requérir l'assistance d'un sergent de ville, mais que malgré l'assistance que lui a prêtée ledit sergent de ville, il n'a pu obtenir l'entrée de son domicile et s'est vu forcé d'aller passer la nuit dans un hôtel garni; Attendu que Bouniol, propriétaire, en reconnaissant le fait, n'allègue pas que ce soit malgré ses ordres que son concierge ait agi de cette manière ; Attendu qu'il est responsable du fait de son concierge; Attendu qu'il est de principe, qu'à moins de conventions contraires, les locataires et habitants d'une maison ont le droit de rentrer chez eux à toute heure du jour et de la nuit; Attendu qu'un préjudice a été causé à Rateau et que le tribunal a

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