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chez lui et le bailleur ne peut l'en expulser qu'en obtenant préalablement la résiliation judiciaire du contrat de louage intervenu et en cours d'exécution entre eux; au contraire, dans le contrat d'hôtellerie, le voyageur entré dans l'hôtel et dans la chambre que lui a donnée l'hôtelier, n'est pas chez lui; pour qu'il puisse entrer à un moment quelconque dans son appartement il faut que l'hôtelier lui en donne la clef, et pour qu'il puisse jouir des avantages de l'hôtel, il faut que l'hôtelier fasse le service; il y a donc à chaque instant, à la charge de l'hôtelier, une obligation, corrélative à celle du voyageur, de sorte que si ce dernier ne remplit pas ses obligations de payer la rétribution convenue ou de respecter les règlements de l'hôtel, l'hôtelier, l'aubergiste ou le logeur a le droit incontestable de ne pas exécuter les siennes, et par suite de refuser au voyageur l'entrée de la chambre ou de l'hôtel. Le droit de ne pas permettre l'entrée de l'hôtel ou de la chambre au voyageur comporte évidemment celui de l'expulser dans le cas où il a déjà pénétré dans l'hôtel; cette expulsion peut être faite par la force sans qu'il soit besoin de recourir à la police, car l'hôtelier a la police de sa maison et il jouit, par suite, de la faculté d'en expulser même de vive force tout individu qui refuse d'en sortir. Sans doute, si l'hôtelier est dans l'impuissance de faire respecter son droit par le voyageur, il devra recourir à l'assistance de la force. publique pour faire expulser le voyageur, et cette assistance ne peut pas lui être refusée; mais si l'hôtelier a sous la main le personnel nécessaire pour avoir raison de la résistance du voyageur, il peut, sans encourir aucune pénalité ni aucune action en dommages-intérêts, expulser de force le voyageur; les violences exercées par l'hôtelier pour obliger le voyageur à sortir de l'hôtel sont des violences licites, pourvu qu'elles ne dépassent pas les bornes de la nécessité; le voyageur ne doit être ni frappé, ni blessé, mais simplement expulsé. Ce ne serait que dans le cas où l'hôtelier exercerait des voies de fait ou des violences inutiles, illégitimes ou abusives, qu'il se rendrait passible des peines correctionnelles ou de simple police, par application des articles 311 du Code pénal, 603 et 606 du Code de brumaire an IV.

1321. Si un voyageur s'était enfermé dans sa chambre et refusait d'en sortir, l'hôtelier aurait le droit de faire ouvrir la cham

bre de force, même sans l'assistance de la police et d'en expulser le voyageur.

1322. Néanmoins, l'hôtelier agit prudemment en demandant l'assistance du commissaire de police, ou de la gendarmerie, pour faire expulser un voyageur récalcitrant; cette assistance ne peut pas lui être refusée, pas plus qu'elle ne pourrait l'être à un citoyen quelconque qui demanderait la protection de la police pour faire respecter son domicile; si cependant la police, soit par ignorance, soit par mauvaise volonté, refusait d'intervenir, l'hôtelier devrait se pourvoir en référé devant le président du tribunal civil pour faire ordonner l'expulsion du voyageur.

1323. Non seulement l'hôtelier a le droit d'expulser un voyageur qui ne paye pas, mais il peut en outre lui retenir ses effets en garantie de sa créance; ce droit lui est accordé par l'article 2102, no 5, du Code civil qui institue en faveur des hôteliers, aubergistes et logeurs en garni un privilège sur les effets des voyageurs qui logent dans leur établissement; ce privilège implique en faveur de l'hôtelier, de l'aubergiste ou du logeur un droit de rétention des effets sur lesquels il porte, parce que sans ce droit de rétention le privilège serait absolument inefficace; sans doute, le texte de l'article 2103 ne confère pas expressément le droit de retenir les effets sur lesquels il porte; mais tous les auteurs et la jurisprudence sont d'accord pour décider que le droit de rétention doit être sous-entendu dans la disposition qui établit le privilège, comme la conséquence naturelle de la possession dont est investi l'hôtelier à titre de nantissement.

1324. La loi du 31 mars 1896 a institué une procédure simple. et rapide pour permettre à l'hôtelier de se débarrasser des effets retenus aux voyageurs, ou laissés en gage ou abandonnés par ceuxci. Cette loi est ainsi conçue :

LOI du 31 mars 1896, relative à la vente des objets abandonnés ou laissés en gage par les voyageurs aux aubergistes ou hôteliers.

Art. 1er. Les effets mobiliers apportés par le voyageur ayant logé chez un aubergiste, hôtelier ou logeur et par lui laissés en gage pour sùreté de sa dette, ou abandonnés au moment de son départ, peuvent être vendus dans les conditions et formes déterminées par les articles suivants : Art. 2. Le dépositaire pourra présenter au juge de paix du canton où

les effets mobiliers ont été laissés en gage ou abandonnés une requête qui énoncera les faits, désignera les objets et leur valeur approximative.

L'ordonnance du juge, mise au bas de la requête, fixera le jour, l'heure, le lieu de la vente qui ne pourra être faite que six mois après le départ constaté du voyageur.

Cette ordonnance fixera en outre la mise à prix des objets à vendre, commettra l'officier public qui devra y procéder et contiendra, s'il y a lieu, l'évaluation de la créance du requérant.

L'officier public chargé de la vente fera ouvrir, en présence du dépositaire, les malles, paquets ou autres sous fermeture quelconque, et dressera de son opération, procès-verbal, qui sera communiqué au juge de paix.

En cas d'extrême urgence, le juge pourra autoriser la vente avant l'expiration du délai de six mois, et devra justifier, dans son ordonnance, des motifs de l'abréviation de ce délai.

Art. 3. La vente sera annoncée huit jours à l'avance par affiches apposées dans les lieux indiqués par le juge, qui pourra même autoriser la vente après une ou plusieurs annonces à son de trompe.

La publicité donnée à la vente sera constatée par une mention insérée au procès-verbal de vente.

Art. 4. — L'officier public commis par le juge préviendra huit jours à l'avance, par lettre recommandée, le voyageur des lieu, jour et heure de la vente, dans le cas où son domicile sera connu.

La vente aura lieu aux enchères et il y sera procédé tant en l'absence qu'en présence du déposant.

Art. 5. Le propriétaire pourra s'opposer à la vente par exploit signifié au dépositaire. Cette opposition emportera de plein droit citation à comparaître à la première audience utile du juge de paix qui a autorisé la vente, nonobstant toute indication d'une audience ultérieure. Le juge devra statuer dans le plus bref délai.

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Art.6. Sur le produit de la vente et après le prélèvement des frais, l'officier public payera la créance du dépositaire. Le surplus sera versé à la Caisse des dépôts et consignations, au nom du propriétaire, par l'officier public qui ne dressera aucun procès-verbal du dépôt. Il en retirera récépissé; ce récépissé lui vaudra décharge.

Si le produit de la vente est insuffisant pour couvrir les frais, le surplus sera payé par le dépositaire, sauf recours contre le déposant.

Le montant de la consignation en principal et intérêts sera acquis de plein droit au Trésor public, deux ans après le dépôt, s'il n'y a eu, dans l'intervalle, réclamation de la part du propriétaire, de ses représentants ou de ses créanciers.

Art. 7. Les articles 624 et 625 du Code de procédure civile sont applicables aux ventes prévues par la présente loi.

Ces ventes seront faites conformément aux lois et règlements qui déterminent les attributions des officiers publics qui en seront chargés.

Art. 8. Tous les actes, spécialement les exploits, ordonnances, jugements et procès-verbaux faits en exécution de la présente loi, sont dispensés du timbre et enregistrés gratis.

Pour tenir lieu des droits de timbre et d'enregistrement, il sera perçu

sur le procès-verbal de vente, lorsqu'il sera présenté à la formalité, sept. pour cent (7 0/0) du produit de la vente, sans addition de décimes.

1325. L'hôtelier a le droit de retenir et de faire vendre tous les effets du voyageur, c'est-à-dire tout ce qu'il a porté dans l'établissement et ce qui y a été introduit pour lui: argent, bijoux, outils, meubles, linge, habits, papiers, vêtements, chevaux, voitures, marchandises, instruments nécessaires à la profession, etc. 1326. Néanmoins, l'hôtelier ne peut pas se saisir des fonds, valeurs ou papiers que le voyageur a sur lui; il ne peut que retenir ceux qui se trouvent dans l'hôtel en évidence. De même, en ce qui touche les vêtements, ceux que le voyageur porte sur lui ne sauraient être retenus; la décence publique et l'humanité s'opposent à ce que le voyageur puisse être jeté dans la rue sans être vêtu; l'hôtelier ne peut retenir que les vêtements qui ne sont pas absolument nécessaires pour vêtir le voyageur au moment de son expulsion. Enfin, pour les papiers, il faut faire une distinction. entre ceux qui ont une valeur vénale et ceux qui ne peuvent être utiles qu'au voyageur; les premiers seuls peuvent être retenus: le droit de rétention, en effet, n'a été accordé à l'hôtelier, à l'aubergiste ou au logeur que pour lui permettre de rentrer dans sa créance, en faisant vendre les objets retenus; or, ce motif du privilège et du droit de rétention n'existe pas s'il s'agit de papiers n'ayant d'utilité que pour le voyageur; l'hôtelier ne pourra donc retenir ni le passeport, ni le livret d'ouvrier, ni les extraits des registres de l'état civil, ni les certificats de moralité ou de bonne conduite, ni les diplômes, ni les titres de nomination à des emplois, ni les lettres missives ne contenant aucune obligation, etc.; au contraire, l'hôtelier pourrait retenir des livrets de caisse d'épargne, des titres de créance, des contrats, etc.

1327. Quant aux objets qui n'appartiennent pas au voyageur, ils pourront être retenus, si l'hôtelier avait juste raison de croire, au moment de leur introduction dans son établissement, qu'ils appartiennent au voyageur. Mais, si l'hôtelier a su ou dù savoir que le voyageur n'en était pas propriétaire, il ne saurait les retenir. Ainsi une famille descend dans un hôtel: pendant son séjour, elle loue un piano qui est porté dans l'établissement; l'hôtelier ne pourra retenir ce piano, parce qu'il a dù penser que ce piano

n'appartenait pas à ses hôtes, car on ne voyage pas d'habitude avec un piano. De même, le logeur ne pourrait pas retenir à un ouvrier à façon les marchandises confiées à celui-ci pour les façonner, car il devait supposer que ces marchandises n'appartenaient pas à cet ouvrier.

1328. Mais en dehors des cas où l'aubergiste, l'hôtelier ou le logeur a dû savoir ou a été averti que l'objet introduit dans l'hôtel n'est pas la propriété du voyageur, son privilège et son droit de rétention s'étendent à tous les objets dont le voyageur est détenteur. Ce serait au revendiquant à établir que l'hôtelier a été averti que l'objet revendiqué n'appartenait pas au voyageur. Toutefois, si les objets ont été trouvés ou volés, le propriétaire peut les revendiquer pendant trois ans entre les mains de l'hôtelier, de l'aubergiste ou du logeur, encore que celui-ci soit de bonne foi; cette solution devrait être appliquée dans l'hypothèse où le voyageur aurait acheté de bonne foi les objets volés ou trouvés. Mais par application de l'article 2280 du Code civil, si le voyageur avait acheté les objets volés ou trouvés dans une foire, ou dans un marché, ou dans une vente publique, ou d'un marchand vendant des choses pareilles, le propriétaire de ces objets ne pourrait les soustraire au gage de l'hôtelier, de l'aubergiste ou du logeur, qu'en versant entre les mains de ce dernier le prix payé pour ces objets par le voyageur.

1329, Pour parvenir à la vente des effets laissés ou retenus en gage ou abandonnés, la procédure à suivre est des plus simples: l'hôtelier, l'aubergiste ou le logeur présente au juge de paix de son canton une requête ainsi conçue:

Requête pour faire vendre les effets d'un voyageur
laissés en gage, abandonnés ou retenus.

A Monsieur le Juge de paix du canton ou de l'arrondissement de.. Le soussigné.. (nom, profession et domicile du requérant) a l'honneur de vous exposer qu'il exploite à. . . . . (nom de la ville où est situé l'établissement) un. .. (hôtel, auberge ou maison garnie); qu'à la date du. . . ainsi qu'il appert de son registre de garni, le sieur. (nom, profession et domicile du voyageur) est entré dans son établissement où il occupait. . . . . (indiquer le genre d'appartement occupé par le voyageur), moyennant le prix de. . . . . ; qu'en outre ledit sieur. . (indiquer ici les prestations autres que le logement, four

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