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Après avoir réglé tout ce qui peut intéresser l'ordre public; on a pourvu, dans les articles organiques, à la subsistance de ceux qui se vouent au service de l'autel, à l'établissement et 'entretien des édifices destinés à l'exercice de la religion.

Il ne faut pas, sans doute, que la religion soit un impôt ; mais il faut des temples où puissent se réunir ceux qui la professènt. »Tous les peuples policés, dit un philosophe moderne, habitent » dans des maisons. De là est venue naturellement l'idée » de bâtir à Dieu une maison où ils puissent l'adorer et l'aller » chercher dans leurs craintes ou leurs espérances. En effet » rien n'est plus consolant pour les hommes, qu'un lieu où » ils trouvent la Divinité plus présente, et où tous ensemblə ils font parler leurs faiblesses et leurs misères (1). »

D'autre part, une religion ne pouvant subsister sans ministres, il est juste que ces ministres soient assurés des choses nécessaires à la vie, si l'on veut qu'ils puissent exercer toutes leurs fonctions, et en remplir les devoirs sans être distraits par le soin inquiet de leur conservation et de leur existence (2).

En France, il y avait par-tout des temples consacrésau culte catholique. Ceux de ces temples qui sont aliénés le sont irrévocablement. S'il en est qui aient été consacrés à quelque usage public, il ne faut point changer la nouvelle destination qu'ils ont reçue; mais ce sera un acte de bonne administration de ne point aliéner ceux qui ne le sont point encore et de leur conserver leur destination primitive. Dans les lieux où il n'y aurait point d'édifices disponibles, les préfets, les administrateurs. locaux pourront se concerter avec les évêques pour trouver un édificé convenable.

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Quant à la subsistance et à l'entretien des ministres, il y était pourvu dans la primitive Eglise, par les oblations libres des Chrétiens. Dans la suite, les églises furent richement dotées, et alors on ne s'occupa qu'à mettre des bornes aux biens et aux possessions du clergé. Ces grands biens ont disparu; et les mi

( 1 ) Esprit des lois, liv. XXV, chap. 3. ( 2 ) Ibid. chap. 4

nistres de la religion se trouvent de nouveau réduits à solliciter de la piété, le nécessaire qui leur manque.

Dans les premiers âges du Christianisme, le désintéressement des ministres ne pouvait être soupçonné, et la ferveur des Chrétiens était grande. On ne pouvait craindre que les ministres exigeassent trop, ou que les Chrétiens donnassent trop peu; on pouvait s'en rapporter avec confiance aux vertus de tous. L'affaiblissement de la piété et le relâchement de la discipline donnèrent lieu à des taxations, autrefois inusitées, et changèrent les rétributions volontaires en contributions forcées. De-là les droits que les ecclésiastiques ont perçus, sous le titre d'honoraires, pour l'administration des sacremens. Ces droits, dit l'abbé Fleury, qui ne se paient qu'après l'exercice des fonctions, ne présentent rien qui ne soit légitime, pourvu que l'intention des ministres qui les reçoivent soit pare, et qu'ils ne les regardent pas comme un prix des sacremens ou des fonc lons spirituelles, mais comme un moyen de sabvenir à leurs nécessités temporelles.

Les ministres du culte pourront trouver une resssource dans les droits dont nous parlons, et qui ont toujours été maintenus sous le nom de louables coutumes. Mais la fixation de ces droits est une opération purement civile et temporelle, puisqu'elle se résout en une levée de deniers sur les citoyens. Il n'appartient donc qu'au magistrat politique de faire une telle fixation, les évêques et les prêtres ne pourraient s'en arroger la faculté. Le Gouvernement seul doit demeurer arbitre entre le ministre qui reçoit et le particulier qui paye. Si les évêques statuaient autrefois. sur ces matières par forme de réglement, c'est qu'ils y avaient été autorisés par les lois de l'Etat, et nullement par la suite ou la conséquence d'un pouvoir inhérent à l'épiscopat. Cependant, comme ils peuvent éclairer sur ce point le magistrat politique, on a cru qu'ils pouvaient être invités à présenter les projets de réglemens, réglemens, en réservant au Gouvernement la sanction et l'autorisation de ces projets.

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Les fondations particulières, peuvent être fine autre source de revenus pour les ministres du culte. Mais est des précau

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tions à prendre pour arrêter la vanité des fondateurs, pour prévenir les surprises qui pourraient leur être faites, et pour empêcher que les ecclésiastiques ne deviennent les héritiers de tous ceux qui n'en ont point ou qui ne veulent point en avoir. L'édit de 1749, intervenu sur les acquisitions des gens de main-morte, portait que toute fondation, quelque favorable qu'elle fût, ne pourrait être exécutée sans l'aveu du magistrat politique ; il ne permettait d'appliquer aux fondations que des biens d'une certaine nature; il ne permettait pas que les familles fussent dépouillées de leurs immeubles, ou que l'on arrachât de la circulation des objets qui sont dans le commerce. Aujourd'hui il était d'autant plus essentiel de se conformer aux sages vues de cette loi, que la faculté de donner des immeubles joindrait à tant d'autres inconvéniens, celui de devenir un prétexte de solliciter et d'obtenir, sous les apparences d'une fondation libre, la restitution souvent forcée des biens qui ont appartenu aux ecclésiastiques, et dont l'aliénation a été ordonnée par les lois.

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Cependant il a páru raisonnable de faire une exception à la défense de donner des immeubles, dans les cas où la libéralité n'aurait pour objet qu'un édifice destiné à ménager un logement convenable à l'évêqué ou au curé. Le logement fait partie de la subsistance et du nécessaire absolu;il a toujours été rangé par les lois dans la classe des choses qu'elles sont indéfiniment désignées sous le nom d'alimens. Au reste, le produit des fondations est trop éventuel pour garantir la subsistance actuelle des ministres celui des oblations est étranger aux évêques, et il serait insuffisant pour le curé. Il faut pourtant què les uns et les autres puissent vivre avec décence et sans compromettre la dignité de leur ministère ; il faut même, jusqu'à un certain point, que ministres du culte puissent devenir des ministres de bienfaisance > et qu'ils aient quelques moyens de soulager la pauvreté et de consoler l'infortune.

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les

D'après la nouvelle circonscription des métropoles des diocèses et des paroisses, on a pensé que l'on ne pouvait assigner aux archevêques ou métropolitains un revenu au-dessous

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de quinze mille francs; et dix mille.

aux évêques, au-dessous de

Les curés peuvent être distribués en deux classes. Le revenu des curés de la première classe sera fixé à quinze cents francs, celui de la seconde, à mille francs.

Les pensions décrétées par l'assemblée constituante en faveur des anciens ecclésiastiques, seront payées en acquittement du traitement déterminé. Le produit des oblations et des fonda tions présente une autre ressource; en sorte qu'il ne s'agira jamais que de fournir le supplément nécessaire pour assurer la subsistance et l'entretien des ministres.

Les ecclésiastiques pensionnaires de l'Etat, ne doivent point avoir la liberté de refuser arbitrairement les fonctions qui pourront leur être confiées : ils seront privés de leurs pensions, si des causes légitimes, telles que leur grand âge ou leurs infirmites, ne justifient leurs refus.

En déclarant nationaux les biens du clergé catholique, on avait compris qu'il était juste d'assurer la subsistance des ministres à qui ces biens avaient été originairement donnés : on ne fera donc qu'exécuter ce principe de justice, en assignant aux ministres catholiques des secours supplémentaires jusqu'à la concurrence de la somme réglée pour le traitement de ces ministres.

TELLES sont les bases des articles organiques. Quelles espérances n'est-on pas en droit de concevoir pour le rétablissement des mœurs publiques! Les sciences ont banni pour toujours la superstition et le fanatisme, qui ont été si long-temps les fléaux des Etats. La sagesse ramène à l'esprit de la pure antiquité, des institutions qui sont, par leur nature, la source et la garantie de la morale. Désormais les ministres de la religion seront dans l'heureuse impuissance de se distinguer autrement que par leurs lumières et par leurs vertus. Tous les bons esprits bénissent, dans cette occurrence, les vues et les opérations du Gouvernement. Dans le seizième siècle, le chef de la religion catholique fut le restaurateur des lettres en Europe; dans le dix-neuvième, un héros philosophe devient le restaurateur de la religion.

CONSEIL D'ÉTAT.

RAPPORT

Du C. PORTALIS, sur les Articles organiques des Cultes protestans.

UNE

NE portion du peuple français professe la religion protestante. Cette religion se divise en diverses branches; mais nous ne connoissons guère en France que les protestans connus sous le nom de Réformés, et les Luthériens de la confession d'Augsbourg.

Toutes les communions protestantes s'accordent sur certains principes. Elles n'admettent aucune hiérarchie entre les pasteurs; elles ne reconnaissent en eux aucun pouvoir émané d'en haut elles n'ont point de chef visible. Elles enseignent que tous les droits et tous les pouvoirs sont dans la société des fidèles, et en dérivent. Si elles ont une police, une discipline, cette police et cette discipline sont reputées n'être que des établissemens de convention. Rien, dans tout cela, n'est réputé de droit divin.

Nous ne parlerons pas de la diversité de croyance sur certains points de doctrine; l'examen du dogme est étranger à notre objet.

Nous observerons seulement que les diverses communions protestantes ne se régissent pas de la même manière dans leur gouvernement extérieur.

Le gouvernement des églises de la confession d'Augsbourg est plus gradué que celui des églises réformées; il a formes plus sévères. Les églises réformées, par leur régime, sont plus constamment isolées i elles ne se sont donné aucun eentre commun auquel elles puissent se rallier, dans l'in

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