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HISTOIRE DE NAPOLÉON.

aux Italiens; il leur donna un vice-roi, et porta son choix sur Eugène Beauharnais. Il institua ensuite l'ordre de la Couronne-de-Fer, et organisa l'université de Turin.

Napoléon et Joséphine ayant repris le chemin de la France, arrivèrent, le 14 juillet, à Fontainebleau, et se rendirent de là à Paris et à SaintCloud. Mais les circonstances ne permettaient pas à l'empereur de jouir en paix de sa gloire, et il était dans sa destinée que sa grandeur s'accrût aux dépens de son repos.

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Départ de Napoléon pour le camp de Boulogne. Rassemblement des troupes françaises sur les frontières de l'Autriche. Retour de l'empereur à Paris. Rétablissement du calendrier grégorien. La guerre imminente avec l'Autriche, dénoncée an sénat, qui ordonne une levée de quatre-vingt mille

hommes. L'empereur part pour l'armée.
Campagne d'Austerlitz.

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E moment prévu par Napoléon approchait; les hostilités occultes allaient se changer en guerre ouverte l'empereur quitta de nouveau sa capitale, au commencement du mois d'août, pour se rendre au camp de Boulogne et inspecter l'armée échelonnée sur les côtes.

Ce voyage ne dura qu'un mois, pendant lequel l'ordre de réunir quatre-vingt mille hommes sur la frontière d'Autriche fut donné par l'empereur.

De retour à Paris, Napoléon songea, au milieu de ses préoccupations guerrières, à rétablir le calendrier grégorien. C'était une conséquence du système gouvernemental qu'il avait adopté, du titre qu'il avait pris ;

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l'ère républicaine était incompatible avec l'ensemble des institutions monarchiques dont Napoléon s'entourait désormais partout où pénétrait sa puissance. Cependant la division de l'année arrêtée par la convention nationale avait été basée sur des calculs scientifiques : n'importe, ce sera encore la science qui démontrera la nécessité de revenir au vieux calendrier, et La Place se chargera de restaurer l'œuvre de Rome. Il est juste de dire toutefois que ce savant sénateur fit valoir avant tout, en faveur du calendrier grégorien, son universalité, et qu'il jugea nécessaire de dissiper les craintes que le changement proposé pouvait inspirer sur le rétablissement des anciennes mesures. Mais ce qu'il faut surtout retenir, ce sont les paroles de l'orateur du gouvernement, Regnault de Saint-Jean-d'Angely, cherchant à ne faire considérer que comme transitoire le projet soumis au sénat. « Un jour viendra sans doute, dit-il, où l'Europe, calmée, rendue à la paix, à ses conceptions utiles, à ses études savantes, sentira le besoin de perfectionner les institutions sociales, de rapprocher les peuples en leur rendant ces institutions communes, où elle voudra marquer une ère mémorable par une manière générale et plus parfaite de mesurer le temps.

>> Alors un nouveau calendrier pourra se composer pour l'Europe entière, pour l'univers politique et commerçant, des débris perfectionnés de celui auquel la France renonce en ce moment afin de ne pas s'isoler au milieu de l'Europe. »

L'Europe s'obstinait pourtant à tenir la France dans l'isolement, en dépit du rétablissement de tant d'institutions surannées et communes aux anciens états, parce qu'elle voyait très-bien que l'espèce de contre-révolution opérée à la surface de la société française ne constituait qu'un déguisement politique et passager qui laissait à la révolution sociale toute sa puissance intime, toute sa virtualité démocratique. Aussi, dix jours après le sénatus-consulte qui substituait le calendrier de l'ancien régime à celui de la république, Napoléon fut-il obligé d'exposer au sénat la conduite hostile de l'Autriche et de la Russie, et d'annoncer son départ prochain pour l'armée. « Sénateurs, dit-il, dans les circonstances présentes de l'Europe, j'éprouve le besoin de me trouver au milieu de vous et de vous faire connaître mes sentiments.

>> Je vais quitter ma capitale pour me mettre à la tête de l'armée, porter un prompt secours à mes alliés, et défendre les intérêts les plus chers de mes peuples.

» Les vœux des éternels ennemis du continent sont accomplis : la guerre a commencé au milieu de l'Allemagne. L'Autriche et la Russie se sont réunies à l'Angleterre, et notre génération est entraînée de nouveau dans toutes les calamités de la guerre. Il y a peu de jours, j'espérais encore que la paix ne serait point troublée; mais l'armée autrichienne a passé l'Inn, Munich est envahie, l'électeur de Bavière est chassé de sa capitale. Toutes mes espérances se sont évanouies.

» C'est dans cet instant que s'est dévoilée la méchanceté des ennemis du continent. Ils craignaient encore la manifestation de mon violent amour pour la paix ; ils craignaient que l'Autriche, à l'aspect du gouffre qu'ils avaient creusé sous ses pas, ne revint à des sentiments de justice et de modération. Ils l'ont précipitée dans la guerre. Je gémis du sang qu'il va en coûter à l'Europe; mais le nom français en obtiendra un nouveau lustre.

» Sénateurs, quand, de votre aveu, à la voix du peuple français tout entier, j'ai placé sur ma tête la couronne impériale, j'ai reçu de vous, de tous les citoyens, l'engagement de la maintenir pure et sans tache. Mon peuple m'a donné dans toutes les circonstances des preuves de sa confiance et de son amour. Il volera sous les drapeaux de son empereur et de son armée, qui dans peu de jours auront dépassé les frontières.

>> Magistrats, soldats, citoyens, tous veulent maintenir la patrie hors de l'influence de l'Angleterre, qui, si elle prévalait, ne nous accorderait qu'une paix environnée d'ignominie et de honte, et dont les principales conditions seraient l'incendie de nos flottes, le comblement de nos ports et l'anéantissement de notre industrie.

>> Toutes les promesses que j'ai faites au peuple français, je les ai tenues. Le peuple français, à son tour, n'a pris aucun engagement avec moi qu'il n'ait surpassé. Dans cette circonstance, si importante pour sa gloire et la mienne, il continuera de mériter ce nom de grand peuple dont je le saluai au milieu des champs de bataille.

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Français, votre empereur fera son devoir, mes soldats feront le leur, vous ferez le vôtre. »

Le sénat répondit à l'appel de l'empereur en votant une levée de quatre-vingt mille hommes et la réorganisation de la garde nationale. Le tribunat voulut aussi faire acte de zèle et de dévouement. Il s'empressa de porter au pied du trône l'expression des sentiments d'indignation

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