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times. L'empereur de Russie eut l'air de vouloir amener l'Angleterre à la paix : il signa même avec Napoléon une lettre pressante dans ce but. Mais l'avenir prouvera sa sincérité! Il donna ensuite son approbation entière à la guerre d'Espagne, parce qu'il y voyait une diversion fort avantageuse pour le Nord, dans la guerre contre la révolution, et de plus une occasion d'affaiblissement ou de ruine pour les deux pays dont la rivalité était la plus redoutable pour l'empire russe, la France et l'Angleterre.

Les deux souverains se séparèrent le 14 octobre, très-satisfaits l'un de l'autre; Napoléon se croyant sincèrement l'ami d'Alexandre, et ne pensant pas qu'il dùt un jour dire de lui: C'est un Grec du Bas-Empire!

Le 48 octobre, l'empereur était de retour à Saint-Cloud. Quatre jours après, il visita le Musée avec l'impératrice, et s'entretint long

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temps avec les artistes qui s'étaient empressés de venir faire les honneurs

de leur temple au glorieux protecteur des arts.

L'ouverture du corps législatif eut lieu le 23. Se croyant sûr de la Russie, l'empereur parla avec confiance de ses desseins et de ses espérances au sujet de l'Espagne. « C'est un bienfait particulier de cette Providence qui a constamment protégé nos armes, dit-il, que les passions aient aveuglé les conseils anglais pour qu'ils renoncent à la protection des mers, et présentent enfin leur armée sur le continent. Je pars dans peu de jours, pour me mettre moi-même à la tête de mon armée, et, avec l'aide de Dieu, couronner dans Madrid le roi d'Espagne, et planter mes aigles sur les forts de Lisbonne. L'empereur de Russie et moi, nous nous sommes vus à Erfurth; nous sommes d'accord et invariablement unis pour la paix comme pour la guerre. »

L'empereur partit, en effet, de Paris, le 19 octobre, et arriva, le 3 novembre, au château de Marrac. Le 5, son quartier-général était à Vittoria, et le 9, à Burgos, après une victoire du maréchal Soult sur l'armée d'Estramadure. Le même jour, le maréchal Victor battait l'armée de Galice à Espinosa de los Monteros.

Le plan de Napoléon était d'isoler ces deux armées l'une de l'autre, afin de les détruire séparément. Il avait dirigé Victor contre Blacke, et Ney et Moncey contre Castanos qui commandait toujours l'armée d'Andalousie, tandis qu'il se plaçait lui-même au centre des opérations, avec Soult, et une réserve de cavalerie confiée à Bessières.

Cette distribution de ses forces lui avait déjà pleinement réussi. L'armée de l'Estramadure était dissipée, celle de Galice anéantie. Les fuyards du combat d'Espinosa, ayant voulu se réorganiser à Reynosa, l'approche du maréchal Soult les força d'abandonner leurs approvisionnements et leur matériel, et de se jeter en désordre dans les montagnes de Léon.

La droite de l'armée française était donc entièrement dégagée : mais on avait sur la gauche Palafox, qui commandait en Aragon, et Castanos, le vainqueur de Baylen. Tandis que Soult parcourait et désarmait la province de Santander, l'empereur chargea le maréchal Lannes de se mettre à la poursuite des armées d'Aragon et d'Andalousie. Le maréchal Ney fut détaché vers Soria et Tarazon, pour se placer entre Castanos et Madrid, pour couper à ce général le chemin de la capitale, en cas de défaite, et le rejeter sur Valence. Les manœuvres de Lannes obligèrent les généraux espagnols de se

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retirer entre Tudela et Cascante. Là, appuyés sur l'Ebre, et leurs forces ne s'élevant pas à moins de quarante-cinq mille hommes, ils crurent pouvoir accepter le combat. Mais ils avaient trop présumé des avantages de leur position, du nombre et du courage de leurs soldats. Le maréchal Lannes leur fit essuyer une déroute complète, et vengea sur Castanos lui-même l'honneur français compromis à Baylen. La

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LACOSTE ET FILS AINE

bataille de Tudela coûta aux Espagnols sept mille hommes, trente canons et sept drapeaux. Palafox se retira sur Saragosse et Castanos sur Valence.

En apprenant cette nouvelle victoire, Napoléon résolut de marcher directement sur Madrid, laissant Soult, à droite, pour surveiller les mouvements des provinces occidentales, et Lannes, à gauche, pour contenir les débris de l'armée d'Aragon. Ney continua d'observer l'armée d'Andalousie.

Mais le patriotisme espagnol ne se lassait pas. De nouvelles levées en Estramadure et en Castille avaient formé, improvisé une armée nouvelle qui, forte de vingt mille hommes, vint se jeter sur le passage de

l'empereur et tenter de lui fermer le défilé de Somo-Sierra. Les premiers corps français furent, en effet, arrêtés pendant quelques instants par le feu des batteries qui défendaient ce col étroit et de difficile accès. Il fallut la présence même de Napoléon et l'impétuosité irrésistible de la cavalerie de la garde, pour vaincre la résistance vigoureuse des Espagnols. Mais à l'apparition de l'empereur, à un signal donné, les chasseurs et les lanciers polonais chargèrent au galop, et en un clin d'œil,

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LACOSTEP FILS AINE

tout obstacle fut brisé. L'armée française passa sur le ventre de l'ennemi, sabra les canonniers sur leurs pièces, et se présenta aux portes de Madrid, sans plus trouver la moindre trace de l'armée espagnole, qui avait voulu l'arrêter à Somo-Sierra. Ce brillant fait d'armes eut lieu le 29 novembre, sept jours après la bataille de Tudela. Le 1er décembre, le quartier-général de l'empereur se trouva établi à San-Augustino, dans le voisinage de la capitale, qui capitula le 4, le lende main de la prise de Ségovie par le maréchal Lefebvre.

Madrid avait d'abord songé à se défendre. Quarante mille paysans armés et huit mille hommes de troupes régulières, outre les miliciens,

y étaient renfermés, avec cent pièces de canon. Des barricades avaient

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été rapidement élevées tout annonçait donc une vive résistance, à tel point que deux sommations de l'empereur avaient été accueillies par des démonstrations de mépris et de fureur. Le feu commença alors et fut dirigé sur un palais (Buen Retiro) qui domine la ville. Dès que ce poste important eut été enlevé après de sanglants efforts, par le maréchal Victor, on menaça la ville d'une destruction immédiate, et cette menace produisit son effet. L'armée espagnole sortit de Madrid, les troupes irrégulières se débandèrent, et les autorités signèrent une capitulation..

Napoléon signala cette conquête par un grand acte, que l'irritation du peuple espagnol l'empêcha de reconnaître, comme il l'eût fait en d'autres temps. Le jour même de la capitulation de Madrid, l'inquisition fut abolie et le nombre des couvents considérablement diminué.

Napoléon adressa ensuite une nouvelle proclamation aux Espagnols. « Vous avez été égarés par des hommes perfides, leur dit-il, ils vous ont engagés dans une lutte insensée... Dans peu de mois vous avez été livrés à toutes les angoisses des factions populaires. La défaite de vos armées a été l'affaire de quelques marches. Je suis entré dans Madrid: les droits de la guerre m'autorisent à donner un grand exemple et à laver dans le sang les outrages faits à moi et à ma nation: je n'ai écouté que la clémence... Je vous avais dit dans ma proclamation du 2 juin que je voulais être votre régénérateur. Aux droits qui m'ont été

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