Page images
PDF
EPUB

plan de campagne était tout fait. Il avait résolu de pénétrer en Italie par la vallée qui sépare les derniers mamelons des Alpes et des Apennins, et de désunir l'armée austro-sarde, en forçant les impériaux à couvrir Milan, et les Piémontais à garantir leur capitale. Il arriva à Nice à la fin de mars. Le quartier-général, qui n'avait pas quitté cette ville depuis le commencement de la campagne, fut porté à Albenga. « Soldats! dit Napoléon en passant la première revue des troupes, vous êtes nus, mal nourris; on nous doit beaucoup, on ne peut rien nous donner. Votre patience, le courage que vous montrez au milieu de ces rochers sont admirables; mais ils ne vous procurent aucune gloire. Je viens vous conduire dans les plus fertiles plaines du monde. De riches provinces, de grandes villes seront en notre pouvoir; et là, vous aurez richesses, honneur et gloire. Soldats d'Italie! manqueriez-vous de courage? »

[graphic][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed]

seulement dénuée de tout, mais sans discipline, dans une insubordination perpétuelle. Le mécontentement était tel, que les malveillants s'en étaient emparés : l'on avait formé une compagnie du Dauphin, et l'on chantait des chansons contre-révolutionnaires... Soyez sûrs que la paix et l'ordre s'y rétabliront... Lorsque vous lirez cette lettre, nous nous serons déjà battus.» Tout se passa ainsi que Bonaparte l'avait prévu et assuré.

L'armée ennemie était commandée par Beaulieu, officier distingué, qui avait acquis de la réputation dans les campagnes du Nord. En apprenant que l'armée française, qui s'était maintenue péniblement jusque-là sur la défensive, venait de passer tout à coup à l'ordre offensif et s'apprêtait audacieusement à franchir les portes de l'Italie, il s'empressa de quitter Milan et de voler au secours de Gênes. Posté à Novi, où il établit son quartier-général, il distribua son armée en trois corps, et publia un manifeste que le général français envoya au directoire, en disant qu'il y répondrait « le lendemain de la bataille. »> Cette bataille eut lieu le 11, à Montenotte en signalant par un coup

[graphic][subsumed]

d'éclat l'ouverture de la campagne, elle procura au général républicain la première victoire dont il ait voulu dater depuis l'origine de sa noblesse.

De nouveaux combats ne furent pour lui que l'occasion de nouveaux succès; Bonaparte, vainqueur, le 14 à Millésimo et le 16 à Dégo, se trouva avoir répondu, non pas le lendemain de la bataille, mais par trois triomphes en quatre jours, au manifeste de Beaulieu; et le soir même du combat de Dégo, il rendit compte au directoire de ses rapides et glorieuses opérations, en s'appliquant à faire ressortir la part qu`avaient prise à ces brillantes journées les chefs sous ses ordres: Joubert, Masséna, Augereau, Menard, Laharpe, Rampon, Lannes, etc.

« Nous avons, dans cette journée, fait de sept à neuf mille prisonniers, parmi lesquels un lieutenant-général, vingt ou trente colonels ou lieutenants-colonels.

» L'ennemi a eu deux mille à deux mille cinq cents hommes tués. » Je vous ferai part le plus tôt qu'il me sera possible des détails de cette affaire glorieuse et des hommes qui s'y sont particulièrement distingués. »

Ce fut vers ce temps que le général Colli, commandant la droite, écrivit à Bonaparte pour lui réclamer un parlementaire nommé Moulin, émigré français, qu'on avait retenu à Murseco, et pour le menacer d'user de représailles sur la personne du chef de brigade Barthélemy, devenu prisonnier des Autrichiens. Le général français répondit : « Monsieur, un émigré est un enfant parricide qu'aucun caractère ne peut rendre sacré. L'on a manqué à l'honneur, aux égards dus au peuple français lorsque l'on a envoyé M. Moulin pour parlementaire. Vous connaissez les lois de la guerre, et je ne crois pas à la représaille dont vous menacez M. le chef de brigade Barthélemy. Si, contre toutes les lois de la guerre, vous vous permettiez un tel acte de barbarie, tous vos prisonniers m'en répondraient de suite, avec la plus cruelle vengeance; car j'ai pour les officiers de votre nation l'estime que l'on doit à de braves militaires. » Et Bonaparte ne faisait pas une vaine menace; il tenait déjà en son pouvoir un grand nombre de prisonniers; c'était le 18 avril qu'il répondait ainsi à Colli.

Le résultat des brillantes journées où les noms de Joubert, de Masséna et d'Augereau furent pour la première fois glorieusement révélés à la France, fut de couper l'arrière-garde ennemie, commandée par Provéra, et de lui faire poser les armes; de préparer la disjonction des Autrichiens et des Piémontais, et d'ouvrir aux troupes républicaines le double chemin de Milan et de Turin.

Parvenu sur les hauteurs de Montezemoto, qu'Augereau avait occupées le jour même que Serrurier avait forcé Colli d'évacuer son camp retranché de Céva, le général en chef montra de là à son armée les pics orgueilleux que la neige signalait au loin, et qui s'élevaient comme de magnifiques cascades de glace sur les riches plaines du Piémont. « Annibal a forcé les Alpes, dit-il à ses soldats en fixant ses regards sur ces montagnes; nous, nous les aurons tournées. »>

[graphic][ocr errors]

Le 22, nouvelle victoire. Le Tanaro était passé; la redoute de la Bicoque enlevée, Mondovi et ses magasins au pouvoir de l'armée républicaine. Le 25, Cherasque fut prise. Elle avait du canon, on s'occupa activement de la fortifier. Un armistice y fut signé le 28.

Quelques jours auparavant, le 24, Bonaparte avait répondu en ces termes à une lettre du général Colli : « Le directoire exécutif s'est réservé le droit de traiter de la paix : il faut donc que les plénipotentiaires du roi votre maître se rendent à Paris, ou attendent à Gênes les plénipotentiaires que le gouvernement français pourrait y envoyer.

>>> La position militaire et morale des deux armées rend toute suspension pure et simple impossible. Quoique je sois en particulier convaincu que le gouvernement accordera des conditions de paix honorables à votre roi, je ne puis, sur des présomptions vagues, arrêter ma marche; il est cependant un moyen de parvenir à votre but, conforme aux vrais intérêts de votre cour, et qui épargnerait une effusion de sang inutile et dès lors contraire à la raison et aux lois de la guerre : c'est de

mettre en mon pouvoir deux des trois forteresses de Coni, d'Alexandrie, de Tortone, à votre choix..... »

Les forteresses de Coni et de Tortone furent livrées aux républicains; on y ajouta même celle de Céva, et l'armistice fut conclu.

Que de choses accomplies en un mois! la république n'avait plus à trembler pour ses ports et ses frontières : elle faisait trembler, à son tour, dans leurs capitales, les rois qui la menaçaient naguère; et ce changement s'était opéré avec une rapidité prodigieuse, sans nouvelles ressources, avec une armée épuisée, qui manquait à la fois de subsistances, d'artillerie et de cavalerie. Ce miracle était le double produit du génie d'un grand homme, et du génie de la liberté, qui lui donnait des soldats et des lieutenants dignes de lui.

[graphic][ocr errors]

Les étrangers étaient frappés de stupeur. L'armée française, pleine d'admiration pour son jeune chef, s'inquiétait néanmoins de son avenir,

« PreviousContinue »