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sait pour lui, tu serais bien affreuse, bien injuste; mais je suis sûr que tu seras toujours mon amante, comme je serai toujours ton tendre ami. La mort, elle seule, pourra rompre l'union que la sympathie, l'amour et le sentiment ont formée. Donne-moi des nouvelles du petit ventre; mille et mille baisers tendres et amoureux. »

Le même jour, 29 brumaire (19 novembre), c'est-à-dire le surlendemain de la bataille d'Arcole, le général victorieux rendait compte au directoire de cette mémorable journée.

« On avait jugé à propos, écrivait-il, d'évacuer le village d'Arcole, et nous nous attendions à la pointe du jour à être attaqués par toute l'armée ennemie, qui se trouvait avoir eu le temps de faire filer ses bagages et ses parcs d'artillerie, et de se porter en arrière pour nous recevoir.

>> A la petite pointe du jour, le combat s'engagea partout avec la plus grande vivacité. Masséna, qui était sur la gauche, mit en déroute l'ennemi et le poursuivit jusqu'aux portes de Caldéro. Le général Robert, qui était sur la chaussée du centre, avec la 65°, culbuta l'ennemi à la

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baïonnette et couvrit le champ de bataille de cadavres. J'ordonnai à l'adjudant Vial de longer l'Adige avec une demi-brigade, pour tourner

toute la gauche de l'ennemi; mais ce pays offre des obstacles invincibles; c'est en vain que ce brave adjudant-général se précipite dans l'eau jusqu'au cou, il ne peut pas faire une diversion suffisante. Je fis, pendant la nuit du 26 au 27, jeter des ponts sur les canaux et les marais : le général Augereau y passa avec sa division. A dix heures du matin, nous fûmes en présence: le général Masséna à la gauche, le général Robert au centre, le général Augereau à la droite. L'ennemi attaqua vigoureusement le centre, qu'il fit plier. Je retirai alors la 32o de la

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gauche, je la plaçai en embuscade dans les bois, et au moment où l'ennemi, poussant vigoureusement le centre, était sur le point de tourner notre droite, le général Gardanne sortit de son embuscade, prit l'ennemi en flanc et en fit un carnage horrible. La gauche de l'ennemi, étant appuyée à des marais, et par la supériorité du nombre, imposait à notre droite j'ordonnai au citoyen Hercule, officier de mes guides, de choisir vingt-cinq hommes dans sa compagnie, de longer l'Adige d'une demi-lieue, de tourner tous les marais qui appuyaient la gauche

des ennemis, et de tomber ensuite au grand galop sur le dos de l'ennemi en faisant sonner plusieurs trompettes. Cette manoeuvre réussit complétement l'infanterie se trouva ébranlée; le général Augereau sut profiter du moment. Cependant elle résiste encore, quoique battant en retraite, lorsqu'une petite colonne de huit à neuf cents hommes, avec quatre pièces de canon que j'avais fait filer de Porto-Legnago pour prendre une position en arrière de l'ennemi, acheva de le mettre en déroute. Le général Masséna, qui s'était reporté au centre, marcha droit au village d'Arcole, dont il s'empara, et poursuivit l'ennemi jusqu'au village de San - Bonifacio; mais la nuit nous empêcha d'aller plus a vant...

» Les généraux et officiers de l'état-major ont montré une activité et une bravoure sans exemple; douze ou quinze ont été tués ; c'était véritablement un combat à mort : pas un d'eux qui n'ait ses habits criblés de balles. »

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D'Alvinzi essaya néanmoins de se relever de sa défaite; il revint, avec Provéra, par les gorges du Tyrol, et cette nouvelle agression ne fut qu'une occasion de nouveaux triomphes pour l'armée française et pour son chef. La bataille de Rivoli, les combats de Saint-Georges et de la Favorite, où la victoire resta constamment fidèle au drapeau républicain, réduisirent Provéra à se rendre avec son corps d'armée, et presque sous les yeux de Wurmser, qui capitula lui-même bientôt après dans Mantoue.

On lit dans les bulletins dictés par Bonaparte à son quartier-général de Roverbello, les 28 et 29 nivôse an v (47 et 48 janvier 1797), et renfermant les détails de ces nouvelles victoires :

« Le 24, l'ennemi jeta brusquement un pont à Anghiari, et y fit passer son avant-garde, à une lieue de Porto-Legnago; en même temps le général Joubert m'instruisit qu'une colonne assez considérable filait par Montagna, et menaçait de tourner son avant-garde à la Corona. Différents indices me firent connaître le véritable projet de l'ennemi, et je ne doutai plus qu'il n'eût envie d'attaquer, avec ses principales forces, ma ligne de Rivoli, et par là arriver à Mantoue. Je fis partir dans la nuit la plus grande partie de la division du général Masséna, et je me rendis moi-même à Rivoli, où j'arrivai à deux heures après minuit.

» Je fis aussitôt reprendre au général Joubert la position intéressante

de San-Marco; je fis garnir le plateau de Rivoli d'artillerie, et je disposai tout afin de prendre, à la pointe du jour, une offensive redoutable et de marcher moi-même à l'ennemi.

» A la pointe du jour, notre aile droite et l'aile gauche de l'ennemi se

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rencontrèrent sur les hauteurs de San-Marco le combat fut terrible et opiniâtre...

» Cependant il y avait déjà trois heures que l'on se battait, et l'ennemi ne nous avait pas encore présenté toutes ses forces; une de ses colonnes qui avait longé l'Adige, sous la protection d'un grand nombre de pièces, marche droit au plateau de Rivoli pour l'enlever, et par là menace de tourner la droite et le centre. J'ordonnai au général de cavalerie Leclerc de se porter pour charger l'ennemi s'il parvenait à s'empa

rer du plateau de Rivoli, et j'envoyai le chef d'escadron Lasalle, avec cinquante dragons, prendre en flanc l'infanterie qui attaquait le centre, et la charger vigoureusement. Au même instant le général Joubert avait fait descendre des hauteurs de San-Marco quelques bataillons qui plongeaient le plateau de Rivoli. L'ennemi, qui avait déjà pénétré sur le plateau, attaqué vivement et de tous côtés, laisse un grand nombre de morts, une partie de son artillerie, et rentre dans la vallée de l'Adige. A peu près au même moment, la colonne qui était déjà depuis longtemps en marche pour nous tourner et nous couper toute retraite se rangea en bataille sur des pitons derrière nous. J'avais laissé la 75o en réserve, qui non-seulement tint cette colonne en respect, mais encore en attaqua la gauche, qui s'était avancée, et la mit sur-le-champ en déroute. La 48° demi-brigade arriva sur ces entrefaites, dans le temps que le général Rey avait pris position derrière la colonne qui nous tournait je fis aussitôt canonner l'ennemi avec quelques pièces de 12; j'ordonnai

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l'attaque, et, en moins d'un quart d'heure, toute cette colonne, composée de plus de quatre mille hommes, fut faite prisonnière.

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