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d'art demandés par Bonaparte, tels que l'Apollon du Belvédère, la Transfiguration de Raphaël, etc.; 4o il rétablit l'école française à Rome, et paie à titre de contribution militaire 13 millions en argent ou en effets précieux. A ce traité, Pie VI ajouta, le 22 février, un bref remarquable dans lequel il donne à Bonaparte le titre de son cher fils.

Cependant les revers si multipliés des armées autrichiennes avaient humilié et consterné le conseil aulique, sans vaincre sa haine opiniâtre contre la révolution française, et sans lui inspirer des idées pacifiques. Épuisé par la guerre, il s'entêta à braver la fortune et à lutter, avec les débris de ses formidables armées, contre la puissance victorieuse qui les avait si facilement dispersées et détruites quand elles étaient à l'apogée de leur confiance et de leur force. L'archiduc Charles fut envoyé en Italie pour y prendre le commandement en chef des troupes impériales, et pour essayer de réparer les désastres de ses prédécesseurs. Croyant d'abord que Bonaparte, alors occupé à punir le pape de la violation du traité de Bologne, avait emmené avec lui une bonne partie de son armée, il voulut profiter de cette absence pour presser son attaque, et fit repasser la Brenta au général Guyeux. Mais il s'aperçut bientôt de son erreur. Napoléon, qui n'avait conduit à Rome que quatre ou cinq mille hommes, reparut sur la Brenta, et porta, au commencement de mars, son quartier-général à Bassano, où il publia la proclamation suivante :

<< Soldats!

>> La prise de Mantoue vient de finir une campagne qui vous a donné des titres éternels à la reconnaissance de la patrie.

» Vous avez remporté la victoire dans quatorze batailles rangées et soixante-dix combats; vous avez fait plus de cent mille prisonniers, pris à l'ennemi cinq cents pièces de campagne, deux mille de gros calibre, quatre équipages de ponts.

>> Les contributions mises sur les pays que vous avez conquis ont nourri, entretenu, soldé l'armée pendant toute la campagne; vous avez en outre envoyé trente millions au ministère des finances pour le soulagement du trésor public.

>> Vous avez enrichi le Muséum de Paris de plus de trois cents objets, chefs-d'œuvre de l'ancienne et nouvelle Italie, et qu'il a fallu trente siècles pour produire.

» Vous avez conquis à la république les plus belles contrées de l'Eu

rope. Les républiques Lombarde et Transpadane vous doivent leur liberté ; les couleurs françaises flottent pour la première fois sur les bords de l'Adriatique, en face et à vingt-quatre heures de navigation de l'ancienne Macédoine; les rois de Sardaigne, de Naples, le pape, le duc de Parme, se sont détachés de la coalition de nos ennemis, et ont brigué notre amitié; vous avez chassé les Anglais de Livourne, de Gênes, de la Corse... Mais vous n'avez pas encore tout achevé; une grande destinée vous est réservée : c'est en vous que la patrie met ses plus chères espérances; vous continuerez à en être dignes.

>> De tant d'ennemis qui se coalisèrent pour étouffer la république à sa naissance, l'empereur seul reste devant nous. Se dégradant lui-même du rang d'une grande puissance, ce prince s'est mis à la solde des marchands de Londres; il n'a plus de volonté, de politique, que celle de ces insulaires perfides qui, étrangers aux malheurs de la guerre, sourient avec plaisir aux maux du continent.

» Le directoire exécutif n'a rien épargné pour donner la paix à l'Europe; la modération de ses propositions ne se ressentait pas de la force de ses armées; il n'avait pas consulté votre courage, mais l'humanité et l'envie de vous faire rentrer dans vos familles : il n'a pas été écouté à Vienne. Il n'est donc plus d'espérance pour la paix qu'en allant la chercher dans le cœur des états béréditaires de la maison d'Autriche. Vous y trouverez un brave peuple, accablé par la guerre qu'il a eue contre les Turcs, et par la guerre actuelle. Les habitants de Vienne et des états d'Autriche gémissent par l'aveuglement et l'arbitraire de leur gouvernement. Il n'en est pas un qui ne soit convaincu que l'or de l'Angleterre a corrompu les ministres de l'empereur. Vous respecterez leur religion et leurs mœurs; vous protégerez leurs propriétés; c'est la liberté que vous apporterez à la brave nation hongroise.

» La maison d'Autriche, qui, depuis trois siècles, va perdant, à chaque guerre, une partie de sa puissance, qui mécontente ses peuples en les dépouillant de leurs priviléges, se trouvera réduite, à la fin de cette sixième campagne (puisqu'elle nous contraint à le faire), à accepter la હૈ paix que nous lui accorderons, et à descendre, dans la réalité, au rang des puissances secondaires, où elle s'est déjà placée en se mettant aux gages et à la disposition de l'Angleterre. »

Napoléon, fatigué de vaincre l'empereur en Italie, sans pouvoir l'amener à négocier, avait en effet résolu de porter la guerre en Autriche

même, afin que la vue du drapeau tricolore sous les murs de Vienne produisit sur la chancellerie autrichienne une impression plus vive el plus profonde que n'avaient pu le faire les revers lointains de Beaulieu, de Provéra, d'Alvinzi et de Wurmser. Son projet était de pénétrer en Allemagne par la chaussée de la Carinthie, et d'aller prendre position sur le Simmering. Il fit occuper les gorges d'Osopo et de la Pontéba par

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Masséna, qui, après avoir passé la Piave et le Tagliamento dans les montagnes, battit le prince Charles (10 mars 1797), le poursuivit l'épée dans les reins, s'empara de Feltre, de Cadore et de Bellune, et fit un grand nombre de prisonniers, parmi lesquels un émigré français, le général de Lusignan, qui avait insulté ses compatriotes malades dans les hôpitaux de Brescia, à l'époque de la retraite simulée de l'armée républicaine. Le 46, la bataille du Tagliamento acheva de faire perdre à l'archiduc les belles espérances qu'il avait apportées en Italie, et que son commandement avait pu inspirer à sa cour.

Le prince Charles, ainsi battu et humilié, se décida alors à la retraite, et ne parvint à l'effectuer, depuis le Tagliamento jusqu'à la Muer, qu'après avoir essuyé des défaites journalières, dans les combats de Lavis, Tramins, Clausen, Tarvis, Gradisca, Villach, Palma-Nova, etc., etc.

Le 34, Napoléon était à Clagenfurt, capitale de la Carinthie. En entrant dans cette province il avait adressé une proclamation à ses habitants, pour les engager à regarder les Français comme des libérateurs et non point comme des ennemis. « La nation française, disait-il, est l'amie de toutes les nations, et particulièrement des braves peuples de la Germanie... Vous détestez autant que nous, je le sais, et les Anglais, qui seuls gagnent à la guerre actuelle, et votre ministère, qui leur est vendu. »

Au milieu de ses triomphes, Napoléon guettait un ennemi secret, qui depuis longtemps n'attendait qu'une occasion favorable pour éclater : c'était le sénat de Venise. Ce corps, essentiellement aristocratique et dévoué à la coalition des rois contre la révolution française, fomentait l'insurrection et poussait à l'assassinat, dans la haute Italie et le territoire vénitien, contre l'armée républicaine. L'heure de son châti ment ne pouvait être retardée.

Bonaparte écrivit au doge :

« Toute la terre ferme de la sérénissime république de Venise est en

armes.

» De tous côtés le cri de ralliement des paysans que vous avez armés est : « Mort aux Français ! » Plusieurs centaines de soldats de l'armée d'Italie en ont déjà été les victimes. Vous désavouez vainement des rassemblements que vous avez organisés. Croiriez-vous que dans un moment où je suis au cœur de l'Allemagne, je sois impuissant pour faire respecter le premier peuple de l'univers? croyez-vous que les légions d'Italie souffriront le massacre que vous excitez? Le sang de mes frères d'armes sera vengé, et il n'est aucun des bataillons français qui, chargé d'un si noble ministère, ne sente redoubler son courage et tripler ses moyens. Le sénat de Venise a répondu par la perfidie la plus noire aux procédés généreux que nous avons toujours eus avec lui. Je vous envoie mon premier aide de camp, pour être porteur de la présente lettre. La guerre ou la paix. Si vous ne prenez pas sur-le-champ les moyens de dissiper les rassemblements; si vous ne faites pas arrêter et livrer en mes mains les auteurs des assassinats qui viennent de se commettre, la guerre est déclarée. Le Turc n'est pas sur vos frontières, aucun ennemi ne vous menace; vous avez fait à dessein naître des prétextes, pour avoir l'air de justifier un rassemblement dirigé contre l'armée : il sera dissout dans vingt-quatre heures. Nous ne sommes plus au temps de Charles VIII. Si, contre le

vœu bien manifesté du gouvernement français, vous me réduisez au parti de faire la guerre, ne pensez pas cependant qu'à l'exemple des soldats que vous avez armés, les soldats français ravagent les campagnes du peuple innocent et infortuné de la terre ferme; je le protégerai, et il bénira un jour jusqu'aux crimes qui auront obligé l'armée française à le soustraire à votre gouvernement tyrannique.

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Le 7 avril, un armistice fut conclu à Judenburg. Quand le prince Charles se vit tout à fait hors d'état de tenir la campagne, les défilés de Neuwmark et la position d'Hundsmark occupés par Masséna, il commença à comprendre que l'inflexibilité monarchique du cabinet autrichien n'était plus de saison. De son côté, Napoléon, qui avait compté sur le concours de l'armée de Sambre-et-Meuse, et qui venait d'apprendre que cette armée n'avait pas bougé et ne bougerait pas, n'osait dépasser le Simmering, de peur de s'engager isolément, saus appui sur ses flancs, dans l'intérieur de l'Allemagne. Aussi, dès qu'il eut reçu le message du directoire qui lui annonçait officiellement que les armées du Rhin et de Sambre-et-Meuse n'opéreraient pas la diversion dont il avait fait sentir l'importance et la nécessité, il s'empressa d'écrire à l'archiduc pour lui offrir de partager la gloire de pacifier l'Europe, et de faire cesser les sacrifices immenses que la guerre coûtait à l'Autriche et à la France. « Les braves militaires, lui dit-il, font la guerre et désirent la paix. Avons-nous assez tué de monde et assez causé de maux à la triste humanité?... Vous, qui par votre naissance approchez si près du trône, et êtes au-dessus de toutes les petites passions qui animent souvent les ministres et les gouvernements, êtes-vous décidé à mériter le titre de bienfaiteur de l'humanité entière et du vrai sauveur de l'Allemagne?... Quant à moi, monsieur le général en chef, si l'ouverture que je viens de vous faire peut sauver la vie à un seul homme, je me trouverai plus fier de la couronne civique que je me trouverais avoir méritée, que de la triste gloire qui peut revenir des succès militaires. >>

Les dispositions pacifiques que cette lettre renfermait furent bientôt connues à Vienne, où elles calmèrent un peu la consternation que l'approche du drapeau républicain y avait répandue. L'empereur s'empressa d'envoyer l'ambassadeur napolitain Gallo auprès de Bonaparte, et l'armistice de Judenburg fut le résultat de cette démarche.

Napoléon profita des loisirs que lui laissait la suspension d'armes pour se plaindre au directoire de l'espèce d'arme-au-bras dans lequel les ar

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