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divan, elle s'efforçait de lever encore un obstacle à la réconciliation entre les Turcs et les Grecs. Sous ces auspices, les conférences d'Akermann s'ouvrirent. Elles aboutirent à la conclusion d'une convention additionnelle au traité de Bukharest... L'envoi d'une mission permanente à Constantinople suivit de près cet accommodement, et bientôt le traité du 6 juillet 1827 vint encore consacrer, à la face du monde, les maximes de désintéressement dont fait foi le protocole du 29 avril. Les voies les plus amicales furent tentées pour faire agréer à la Porte les termes de cette transaction salutaire. Des communications franches, qui déroulaient à ses yeux les plans des trois cours, la prévinrent que, dans le cas d'un refus, leurs flottes réunies seraient obligées d'arrêter une lutte devenue incompatible avec la sûreté des mers, les besoins du commerce et la civilisation du reste de l'Europe. La porte ne tint aucun compte de ces avertissements. Un commandant des troupes ottomanes, aussitôt après avoir conclu un armistice provisoire, viola sa parole, et finit par en appeler à la force. Alors eut lieu le combat de Navarin; mais, résultat nécessaire d'un manque de foi prouvé et d'une agression flagrante, ce combat même fournit à la Russie et à ses alliés l'occasion d'exprimer au divan le désir de maintenir la paix sur de solides garanties.

« Tel est le système, tels sont les actes auxquels la Porte a répondu par son manifeste du 20 décembre, et par des mesures qui constituent autant d'infractions au traité avec la Russie, autant d'insultes à ses droits, autant de graves atteintes à sa prospérité commerciale, autant de témoignages du désir de lui susciter des embarras et des ennemis. Placée dès lors dans une position où son honneur et ses intérêts en souffrance ne lui permettent plus de rester, la Russie déclare la guerre à la Porte-Ottomane, non sans regret, mais après n'avoir rien négligé, pendant seize années consécutives, pour lui en épargner les funestes consé

quences.

Provoquée par la Turquie, cette guerre fera peser à sa charge les frais qu'elle entraîne et les pertes essuyées par les sujets de Sa Majesté Impériale; entreprise pour remettre en vigueur des traités que la Porte regarde comme non avenus, elle tendra à en assurer l'observation et l'efficacité; amenée par le besoin impérieux de garantir au commerce de la mer Noire et à la navigation du Bosphore une liberté désormais inviolable, elle sera dirigée vers ce but également utile à tous les États de l'Europe. En recourant aux armes, la Russie, loin de se livrer, comme le divan l'en accuse, à des sentiments de haine contre la puissance ottomane, ou d'en méditer la chute, croit

avoir fourni la preuve convaincante que, s'il entrait dans ses vues de la combattre à outrance ou de la renverser, elle aurait saisi toutes les occasions de guerre que ses relations avec la Porte n'ont cessé de lui offrir. »

XI.

PREMIÈRE CAMPAGNE CONTRE LES TURCS. SIÉGES DE BRAÏLOF ET DE VARNA.

CAPITULATION DE VARNA.

AVANTAGES REMPORTÉS PAR LES GÉNÉRAUX PASKEVITCH, EN ASIE, ET GEISMAR, EN VALACHIE. SECONDE CAMPAGNE. RÉSULTATS DE LA GUERRE. QUESTION POLONAISE. ÉBRANLEMENT PRODUIT EN POLOGNE PAR LA RÉVOLUTION FRANÇAIse de 1830.

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Cette déclaration de guerre fut publiée à Petersbourg, le 14 avril 1828, et le même jour, le feld-maréchal Wittgenstein passait le Pruth à la tête d'un corps d'armée. Les colonnes russes occupèrent Buckarest, puis investirent Braïlof, tandis que le troisième corps construisait sur le Danube débordé une digue d'une lieue de longueur, travail gigantesque, qui demanda plusieurs semaines pour être entièrement terminé. L'empereur avait voulu encourager ses troupes par sa présence au milieu d'elles dès le début de cette guerre. Le passage du Danube s'effectua sous ses yeux. Son plan était de pénétrer en Bul

garie et de s'emparer des places les plus importantes, afin d'en faire la base de ses opérations ultérieures Anapa fut attaquée et emportée par le prince Mentchikoff. C'était la clef d'une place beaucoup plus importante, de Varna qui, grâce à sa situation, ne pouvait être réduite que par l'action combinée de la flotte et de l'armée

russes.

Pendant ce temps, Braïlof opposait une vive résistance au grand-duc Michel qui en dirigeait le siége. Les pertes des Russes devant cette place furent très-considérables, et ce ne fut que le 3 juin, après plusieurs assauts infructueux et meurtriers, qu'elle se rendit enfin aux assaillants. Les Turcs avaient établi un camp retranché à Schoumla, et concentré sur ce point des forces considérables. Il fallait, ou les attaquer et les vaincre, ou les cerner dans une position qui commandait celle de Varna, au point de compromettre toutes les opérations du siége de cette place. Une rencontre eut lieu près de Kischla, et les Turcs, après avoir très-courageusement combattu, se renfermèrent dans le camp retranché, qui fut alors cerné du côté de l'est. Malgré cette diversion importante, le siége de Varna devait nécessairement traîner en longueur par suite de l'insuffisance des moyens d'attaque, et cette insuffisance se faisait sentir sur tous les au

tres points où les Russes, forcément disséminés, se trouvaient fréquemment en face de corps d'armée formidables par le nombre.

Le 27 août 1828, l'empereur, qui s'était rendu à Odessa pour y préparer d'avance tous les armements d'une seconde campagne dont il pressentait la nécessité, vint établir son quartier général sur un vaisseau de ligne devant Varna. Le 10 septembre, les assiégés firent une sortie, et après un engagement des plus vifs durent se retirer, en abandonnant les divers points qu'ils occupaient encore en avant de la ville. Dix jours après, le jeu des mines rendit praticable une brèche qu'un détachement escalada dans la nuit du 23 au 24 septembre, et, bien que cette nouvelle attaque eût été repoussée, Youssouf-Pacha, comprenant qu'il lui serait désormais impossible de résister à un assaut général, entama des pourparlers qui, le 2 octobre, aboutirent à une capitulation.

La prise de Varna était un fait d'une importance extrême pour les opérations ultérieures de cette guerre. Les troupes turques furent forcées de passer sur la rive gauche du Kamtchick, et, quelques jours plus tard, de franchir les Balkans; mais à Schoumla elles prirent l'offensive, et ce ne fut pas sans éprouver des pertes considérables que le général Roudzevitch parvint à les

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