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sait en partie les espérances de la société du Midi, voyait éclater à Saint-Pétersbourg une insurrection sanglante fomentée par l'association du Nord.

VI.

DÉPÔT CONFIé par l'empereur ALEXANDRE AU CONSEIL RENONCIATION AU

SON CONTENU.

de l'Empire.
TRÔNE SIGNÉE PAR LE GRAND-DUC CONSTANTIN.

LA RENOUVELLE.

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INSURRECTION A SAINT-PÉTERS

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Le trône de Russie revenait de droit et tout naturellement au grand-duc Constantin; une renonciation de sa part pouvait seule modifier les effets de la Pragmatique donnée en 1797 par l'empereur Paul, et confirmée en 1807 par l'empereur Alexandre. Dès que la nouvelle de la mort de ce dernier fut parvenue à Pétersbourg, le grand-duc Nicolas se rendit au sénat pour y prêter serment de fidélité à son frère comme à l'héritier légitime de la couronne. Nicolas Pavlovitch devait savoir cependant qu'un dépôt avait été confié à la garde du conseil de l'empire par l'empereur Alexandre, et que ce dépôt mystérieux réglait irrévocablement la succession au trône des Romanoff. C'était un paquet scellé du sceau impérial, et sur lequel était écrit de la main du

tsar : « Garder au conseil de l'empire jusqu'à ce que j'en ordonne autrement, mais, dans le cas où je viendrais à mourir, ouvrir ce paquet en séance extraordinaire avant de procéder à tout

autre acte. »

Le conseil de l'empire, convoqué par son pré sident, le prince Vassilievitch Lapoukhin, pensa qu'il devait avant tout se conformer strictement à la volonté de l'empereur, et le prince Lapoukhin brisa le cachet en séance extraordinaire. Le paquet contenait trois pièces de la plus haute importance : l'une était un manifeste de l'empereur Alexandre, écrit et signé à Tsarsko-Selo, le 28 août 1823; la seconde, une lettre du grand-duc Constantin, datée de Saint-Pétersbourg, le 26 janvier 1822; la troisième enfin, une réponse de l'empereur à cette lettre de son frère dont nous croyons devoir reproduire quelques passages extrêmement curieux : « Ne reconnaissant en moi ni le génie, ni les talents, ni la force nécessaire pour être jamais élevé à la dignité souveraine à laquelle je pourrais avoir droit par ma naissance, je supplie V. M. I. de transférer ce droit à celui auquel il appartient après moi, et d'assurer ainsi pour toujours la stabilité de l'empire. Quant à moi, j'ajouterai par cette renonciation une nouvelle garantie et une nouvelle force à l'engagement que j'ai spontanément et solennellement

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contracté à l'occasion de mon divorce avec ma première épouse. Toutes les circonstances de ma situation actuelle me portent de plus en plus à cette mesure, qui prouve à l'empire et au monde entier la sincérité de mes sentiments. >>

Voici quels étaient en substance les termes du manifeste de l'empereur : « 1° l'acte spontané par lequel notre frère puîné le Césarevitch' et grandduc Constantin, renonce à ses droits sur le trône de toutes les Russies, est et demeure fixé et irrévocable. Ledit acte de renonciation sera, pour que la notoriété en soit assurée, conservé à la grande cathédrale de l'Assomption à Moscow et dans les trois hautes administrations de notre Empire, au Saint Synode, au Conseil de l'Empire et au Sénat dirigeant; 2° en conséquence de ces dispositions et conformément à la stricte teneur de l'acte sur la succession au trône, est reconnu pour notre héritier, notre second frère le grandduc Nicolas. >>

Il paraît certain, nous le répétons, que le grand-duc Nicolas était parfaitement au courant de toutes ces particularités lorsqu'il proclama son frère empereur; vainement les membres du Conseil de l'Empire insistèrent-ils auprès de lui, et c'était leur devoir, toute indécision étant inter

1. Il ne faut pas confondre le titre honorifique de césarevitch avec la dénomination de tsarevitch (fils du tsar).

dite par les termes explicites du manifeste du tsar. Mais le grand-duc répondait toujours : « Je ne veux pas devenir empereur aux dépens de mon frère aîné. Si le grand-duc Constantin maintient sa renonciation et persiste à vouloir faire le sacrifice de ses droits, alors, mais alors seulement, j'exercerai les miens en acceptant la couronne. » Cette détermination, qui pourrait d'abord sembler étrange, a été expliquée par l'empereur Nicolas lui-même dans son manifeste d'avénement. Voici, en effet, ce qu'on y lit': « Nous cherchions uniquement à garantir de la moindre atteinte la loi qui règle l'ordre de la succession au trône, à placer dans tout son jour la loyauté de nos intentions et à préserver notre chère patrie, même d'un moment d'incertitude sur la personne de son légitime souverain. Cette détermination prise dans la pureté de notre conscience devant le Dieu qui lit au fond des cœurs, fut bénie par S. M. l'impératrice Marie, notre mère bien-aimée. »>

Le Conseil de l'Empire, le Sénat et le Saint Synode, c'est-à-dire les trois plus grands corps de l'État, prêtèrent donc serment au tsar Constantin. Les régiments de la garde furent également appelés à jurer fidélité au souverain nou

1. Voir le journal de Saint-Petersbourg, 1825, no 150.

veau. La fatale nouvelle de la catastrophe de Taganrog était parvenue à Varsovie dans la soirée du 7 décembre. Le cesarevitch Constantin, qui avait alors auprès de lui son jeune frère, le grand-duc Michel, écrivait, le 8, à l'impératrice Marie, sa mère, et, lui rappelant l'acte de renonciation qu'il avait souscrit jadis, en renouvelait l'expression. Le grand-duc Michel arriva le 13 décembre à Saint-Pétersbourg, chargé de ces dépêches dont le contenu si clair, si positif, jeta de nouveau la famille impériale dans un grand trouble. Toutefois, Nicolas Pavlovitch demeura ferme dans ses résolutions premières; bien plus, il pria le grand-duc Michel de retourner immédiatement à Varsovie pour faire connaître à son frère qu'il persistait dans sa détermination, et lui demander une manifestation nouvelle et expresse de ses volontés. Le grand-duc Michel partit aussitôt; le dévouement fraternel dont il a donné tant de preuves jusque dans les derniers jours de sa carrière ne devait pas faire défaut en cette occasion solennelle. Mais il n'eut pas besoin de parcourir une seconde fois les trois cents lieues qu'il venait de franchir avec une célérité incroyable, car il rencontra à Dorpat un courrier du cesarevitch apportant sa réponse nette et catégorique à la lettre du prince Lapoukhin, président du conseil de l'empire.

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