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à des expériences nombreuses; nous avons badigeonné des pontes recueillies, avec des solutions d'acides chlorhydrique,sulfurique, azotique, phénique, de sublimé corrosif et d'ammoniaque. Nous espérions que dans les années de grandes invasions on pourrait arriver avec un appareil de vaporisation à projeter sur les peuplements attaqués une fine pluie de ces solutions très peu coûteuses. Mais pour que celles-ci fussent peu coûteuses il fallait de toute évidence que la solution ne fût pas à un titre trop fort et que la quantité de liquide à projeter ne fût pas trop considérable, sans quoi la main-d'œuvre eût atteint des prix élevés. Il fallait enfin que les arbres ne pussent en souffrir, ce qui, encore plus, nécessitait un titre de solution très faible.

Or nous avons eu le regret de constater qu'une simple aspersion était insuffisante. Pour que notre étude fût concluante, nous partagions une ponte en trois portions égales. La 1te était laissée intacte, la 2o aspergée sommairement, la 3a immergée pendant 5 minutes environ dans le liquide. L'acide chlorhydrique a donné peu de résultats, de même que les acides sulfurique et azotique. L'acide phénique, l'ammoniaque et le bichlorure de mercure nous avaient laissé entrevoir quelques espérances. L'éclosion de la section aspergée n'eut pas lieu lors de l'éclosion de la section non essayée; nous pensions le germe détruit, quand, au bout d'un laps de temps variable, l'éclosion eut lieu. Le retard avait varié, suivant les liquides, de 4 à 8 jours. Quant aux pontes immergées, le germe avait été détruit définitivement. Malgré cela il fallait renoncer à ce procédé puisque une simple aspersion était insuffisante.

Nous avons alors essayé la récolte directe des œufs sur les arbres en enlevant les aiguilles à pontes. Cet enlèvement serait évidemment le meilleur de tous les procédés, puisqu'il détruirait sans dommages l'ennemi, et avant que celui-ci ait commencé ses ravages. Malheureusement, d'une part il n'est praticable que dans des conditions tout à fait spéciales, c'est-à-dire sur les tout jeunes arbres à la portée de la main, et d'autre part surtout, pour si attentif que soit le chercheur, il laisse en place une quantité de pontes considérable, généralement bien supérieure à celle qu'il enlève. Néanmoins ce procédé peut rendre des services lors des années de grandes invasions, lorsque les pontes sont très nombreuses. L'ouvrier alors gagnera facilement sa journée et ce sera autant de fait.

Nous avons procédé à ce travail en 1893, année où l'invasion a été le plus considérable. Cet enlèvement a été effectué du 1er au 9 septembre. Il a nécessité 78 journées de femmes et d'enfants payés à raison de 1 fr. 30 par jour, répartis en trois chantiers surveillés chacun par un garde. On a pu récolter 44.000 pontes, ce qui représente une moyenne

de 569 pontes par journée d'ouvrier. En ajoutant aux 101 fr. 40 de maind'œuvre une somme de gà 10 fr. pour indemniser les gardes surveillants, on arrive à 111 fr. environ de dépense totale. On voit que le cent de pontes n'est revenu qu'à o fr. 25. C'était là un échenillage très économique, mais qu'il n'a plus été possible de renouveler dans ces conditions.

En 1893, il n'était pas rare de trouver 10, 15, 20 pontes et souvent da vantage sur un seul sujet. Les années suivantes, grâce aux échenillages intensifs exécutés à dater de 1893, ces proportions ne se sont plus renouvelées et les ouvriers n'ont pas retrouvé ce bon marché. De plus, bien que toute l'étendue des peuplements eût été parcourue, il était resté un nombre considérable de bourses. En effet, dans les échenillages successifs exécutés contre la génération de 1893-1894, 44.400 pontes seulement ont été recueillies contre 558.000 bourses détruites; il faut ajouter qu'un nombre appréciable de celles-ci ont dû être laissées sur les arbres, faute de crédits suffisants pour terminer complètement le travail. On voit que c'est à peine un douzième de la totalité des colonies détruites que représentaient les pontes enlevées. Et cependant on avait parcouru tous les terrains qu'on croyait attaqués.

Chenille. C'est surtout la chenille qui, jusqu'à présent, a été com battue; c'est d'ailleurs tout naturel et tout indiqué. Les chenilles sont facilement visibles et c'est sous cet état que l'insecte commet ses ravages. De plus, elles vivent en colonies rassemblées à l'intérieur d'un abri commun dont elles ne sortent que la nuit, circonstance favorable puisque les travaux d'échenillage ne sont praticables que de jour. Grâce à ce rassemblement en un point la destruction, peut avoir lieu par masses et non par sujets isolés. Enfin, comme pour les œufs, en détruisant la chenille au début de son existence on protège les plantations envahies. Les anciens procédés employés consistaient uniquement à enlever la bourse. Au début même, précisément en vertu de la théorie qui admettait une grande sensibilité de la chenille aux intempéries atmosphériques, quelques personnes pensaient qu'il suffisait d'ouvrir la bourse et de mettre les chenilles à l'air pour que celles-ci fussent détruites par le froid ou les pluies. On employait pour ouvrir la bourse une griffe servant à marquer les arbres dans les comptages. Il n'est pas besoin de dire combien vite les chenilles réparaient la brèche ouverte ou reconstruisaient un autre nid. A la suite des insuccès reconnus de ce mode d'opérer, on avait pensé à enlever la bourse entière et à la transporter à l'écart pour la brûler. L'idée était excellente, mais comme on ne pouvait couper les branches terminales sur lesquelles étaient des nids, et qu'également on

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avait peur de trop affaiblir l'arbre en sectionnant des branches latérales, on avait tenté d'enlever les bourses en les arrachant avec la griffe. C'est ce procédé que nous avons trouvé en usage à Prades-ouest, en 1889.

Il allait, d'ailleurs, être forcément abandonné. D'une part il était d'une efficacité bien atténuée. En enlevant les bourses, en effet, beaucoup de chenilles restaient sur les branches ou tombaient sur le sol, et se réunissaient ensuite pour former une nouvelle bourse. De plus, cette opération exigeait de grands efforts musculaires, la trame de la soie offrant une résistance considérable; d'où une grande perte de temps. Enfin un défaut plus grave exigeait la cessation absolue de ce genre de travail. Les poils urticants des chenilles étaient mis en mouvement dans ces opérations violentes et tous les gardes, qui opéraient alors eux-mêmes sans l'aide d'ouvriers, étaient rapidement envahis par l'inflammation résultant du dépôt de ces poils et, par suite, hors d'état de continuer.

Dès nos premières tournées dans les reboisements de la vallée de la Tet, nous eûmes l'occasion de constater l'invasion des chenilles par places. Cette invasion ne laissait pas que de nous préoccuper; nous connaissions, en effet, les difficultés occasionnées par les chenilles dans la forêt communale de Meynes (Gard), située dans le cantonnement d'où nous venions. C'est dans ce but que le 20 décembre 1889, moins de deux mois après notre arrivée, nous prenions l'initiative d'un mode d'échenillage consistant, non plus à enlever les bourses, mais à les traiter par le pétrole, dont les propriétés insecticides nous étaient bien connues. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire un passage de notre rapport du 20 décembre 1889 et la description portée au devis des travaux à exécuter. « Depuis plusieurs années, les chenilles ont attaqué <«<les jeunes plantations et, par suite de l'absence de soins pendant << les exercices précédents, cette invasion a pris en 1889 un caractère des << plus dangereux pour l'avenir des jeunes peuplements. Aussi devient-il « très urgent d'aviser si l'on ne veut pas perdre en peu de temps le << bénéfice des travaux déjà faits, travaux qui ont duré plusieurs années « et ont généralement donné des résultats satisfaisants. Nous proposons, << en conséquence, l'échenillage au moyen du pétrole, etc. >>

Le devis portait : « La destruction des chenilles se fera de la façon << suivante: L'opérateur parcourt les plantations, et perce chaque bourse

1.

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Le pétrole est employé depuis longtemps avec le plus grand succès contre les punaises. Il suffit de passer un pinceau imbibé sur les bois de lit, tapisseries etc., pour les détruire instantanément. De même, il est d'une efficacité absolue contre la gale; nous devons ce dernier renseignement au docteur de Lamer.

<< au sommet. Par l'ouverture il introduit du pétrole qu'il verse jusqu'à « ce que la bourse entière soit imbibée. »>

Et nous demandions un crédit de 297 fr. pour écheniller 100 hectares environ que nous avions reconnus attaqués.

Malheureusement c'était déjà un peu tard et surtout nous manquions

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1. Bourse ou nid à la base d'un verticille de pin sylvestre.

2. Bourse entr'ouverte.

3. Bourse ancienne à l'extrémité d'un bourgeon terminal de pin maritime dont elle a provoqué l'avortement.

4. Mode d'emploi de l'échenilloir Pillot.

5. Jeune pin sylvestre dévasté par les chenilles.

totalement d'expérience. La somme était insuffisante. Ces 100 hectares étaient bien attaqués et ils ne pouvaient être traités de suite, puisque le crédit n'était demandé que pour l'exercice 1890, mais ce chiffre allait s'ac

croître vite et en 1890 c'étaient non pas 100 mais 200 hectares qu'il fallait compter. En suivant les errements précédents et dans l'espoir de mieux atteindre l'insecte, nous avions attendu pour faire le travail que la bourse fût bien formée et les gros froids d'hiver. C'est d'ailleurs la théorie qui subsiste encore dans beaucoup d'endroits, théorie qu'il faut combattre.

L'échenillage ne fut donc commencé que tout à fait à la fin de l'exercice 1890, c'est-à-dire dans les deux dernières semaines de janvier 1891, précisément après les grands froids de cette année-là. Avec les 297 fr. dont nous disposions, les chantiers d'ouvriers purent parcourir tout juste le quart des surfaces attaquées : 52 hectares environ.

Les 297 fr. employés furent divisés en 157 fr. de main-d'œuvre, 114 francs 60 d'acquisition de 152 litres de pétrole et 25 fr. 40 de manipulation, transport de pétrole et frais divers. On se borna à l'introduction du pétrole dans les bourses, aucune ne fut enlevée. 43.000 bourses en chiffres ronds furent pétrolées. La destruction de 100 bourses coûtait donc o fr. 69 et nécessitait l'emploi de o lit. 59 de pétrole.

Le même manque d'expérience fut cause que la génération de 18911892 put vivre tranquille. Les crédits sont demandés d'ordinaire en octobre de l'année précédant celle de l'emploi. Il aurait donc fallu demander en octobre 1890 les crédits pour l'échenillage de 1891. Or, on n'avait pas encore fait l'échenillage prévu pour l'exerciee 1890; nous avons vu qu'il a été exécuté en janvier 1891. Dans ces conditions, nous devions attendre le résultat des travaux à entreprendre.

De plus, une fois l'hiver écoulé, nous escomptions le bon effet de ces échenillages et surtout la rigueur de l'hiver. Ce fut un grave tort. L'invasion se fit en 1891-1892, elle fut aussi violente que l'année précédente et, en l'absence de traitement, tout le bénéfice du travail de janvier 1891 fut perdu, et les grandes invasions de 1892 et 1893 se préparèrent.

Il est cependant inexact de dire que tout fut perdu; d'abord beaucoup de chenilles avaient été détruites et l'invasion retardée d'une année, en outre le travail exécuté avait fourni de précieuses indications. Nous avions reconnu le défaut d'opérer aussi tardivement et la nécessité de quelques modifications.

Il était évident qu'à tuer les chenilles il valait mieux le faire avant qu'elles eussent terminé leurs ravages ou plutôt avant qu'elles les eussent commencés. L'échenillage devait donc avoir lieu en septembre, dès que la présence des bourses était bien visible. De plus, nous trouvions la quantité de pétrole employée, et par suite la dépense, trop considérable. Pour la diminuer nous avions décidé de proposer la section de l'extrémité des petites branches latérales sur laquelle se trouvaient

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