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avait peur de trop affaiblir l'arbre en sectionnant des branches latérales, on avait tenté d'enlever les bourses en les arrachant avec la griffe. C'est ce procédé que nous avons trouvé en usage à Prades-ouest, en 1889.

Il allait, d'ailleurs, être forcément abandonné. D'une part il était d'une efficacité bien atténuée. En enlevant les bourses, en effet, beaucoup de chenilles restaient sur les branches ou tombaient sur le sol, et se réunissaient ensuite pour former une nouvelle bourse. De plus, cette opération exigeait de grands efforts musculaires, la trame de la soie offrant une résistance considérable; d'où une grande perte de temps. Enfin un défaut plus grave exigeait la cessation absolue de ce genre de travail. Les poils urticants des chenilles étaient mis en mouvement dans ces opérations violentes et tous les gardes, qui opéraient alors eux-mêmes sans l'aide d'ouvriers, étaient rapidement envahis par l'inflammation résultant du dépôt de ces poils et, par suite, hors d'état de continuer.

Dès nos premières tournées dans les reboisements de la vallée de la Tet, nous eûmes l'occasion de constater l'invasion des chenilles par places. Cette invasion ne laissait pas que de nous préoccuper; nous connaissions, en effet, les difficultés occasionnées par les chenilles dans la forêt communale de Meynes (Gard), située dans le cantonnement d'où nous venions. C'est dans ce but que le 20 décembre 1889, moins de deux mois après notre arrivée, nous prenions l'initiative d'un mode d'échenillage consistant, non plus à enlever les bourses, mais à les traiter par le pétrole, dont les propriétés insecticides nous étaient bien connues. Nous ne saurions mieux faire que de reproduire un passage de notre rapport du 20 décembre 1889 et la description portée au devis des travaux à exécuter. «< Depuis plusieurs années, les chenilles ont attaqué « les jeunes plantations et, par suite de l'absence de soins pendant. «<les exercices précédents, cette invasion a pris en 1889 un caractère des << plus dangereux pour l'avenir des jeunes peuplements. Aussi devient-il <«< très urgent d'aviser si l'on ne veut pas perdre en peu de temps le << bénéfice des travaux déjà faits, travaux qui ont duré plusieurs années « et ont généralement donné des résultats satisfaisants. Nous proposons, << en conséquence, l'échenillage au moyen du pétrole, etc. »>

Le devis portait : « La destruction des chenilles se fera de la façon « suivante: L'opérateur parcourt les plantations, et perce chaque bourse

1. Le pétrole est employé depuis longtemps avec le plus grand succès contre les punaises. Il suffit de passer un pinceau imbibé sur les bois de lit, tapisseries etc., pour les détruire instantanément. De même, il est d'une efficacité absolue contre la gale; nous devons ce dernier renseignement au docteur de Lamer.

<< au sommet. Par l'ouverture il introduit du pétrole qu'il verse jusqu'à « ce que la bourse entière soit imbibée. »>

Et nous demandions un crédit de 297 fr. pour écheniller 100 hectares environ que nous avions reconnus attaqués.

Malheureusement c'était déjà un peu tard et surtout nous manquions

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1. Bourse ou nid à la base d'un verticille de pin sylvestre.

2. Bourse entr'ouverte.

3. Bourse ancienne à l'extrémité d'un bourgeon terminal de pin maritime dont elle a provoqué l'avortement.

4. Mode d'emploi de l'échenilloir Pillot.

5. Jeune pin sylvestre dévasté par les chenilles.

totalement d'expérience. La somme était insuffisante. Ces 100 hectares. étaient bien attaqués et ils ne pouvaient être traités de suite, puisque le crédit n'était demandé que pour l'exercice 1890, mais ce chiffre allait s'ac

croître vite et en 1890 c'étaient non pas 100 mais 200 hectares qu'il fallait compter. En suivant les errements précédents et dans l'espoir de mieux atteindre l'insecte, nous avions attendu pour faire le travail que la bourse fût bien formée et les gros froids d'hiver. C'est d'ailleurs la théorie qui subsiste encore dans beaucoup d'endroits, théorie qu'il faut combattre.

L'échenillage ne fut donc commencé que tout à fait à la fin de l'exercice 1890, c'est-à-dire dans les deux dernières semaines de janvier 1891, précisément après les grands froids de cette année-là. Avec les 297 fr. dont nous disposions, les chantiers d'ouvriers purent parcourir tout juste le quart des surfaces attaquées : 52 hectares environ.

Les 297 fr. employés furent divisés en 157 fr. de main-d'œuvre, 114 francs 60 d'acquisition de 152 litres de pétrole et 25 fr. 40 de manipulation, transport de pétrole et frais divers. On se borna à l'introduction du pétrole dans les bourses, aucune ne fut enlevée. 43.000 bourses en chiffres ronds furent pétrolées. La destruction de 100 bourses coûtait donc o fr. 69 et nécessitait l'emploi de o lit. 59 de pétrole.

Le même manque d'expérience fut cause que la génération de 18911892 put vivre tranquille. Les crédits sont demandés d'ordinaire en octobre de l'année précédant celle de l'emploi. Il aurait donc fallu demander en octobre 1890 les crédits pour l'échenillage de 1891. Or, on n'avait pas encore fait l'échenillage prévu pour l'exercice 1890; nous avons vu qu'il a été exécuté en janvier 1891. Dans ces conditions, nous devions attendre le résultat des travaux à entreprendre.

De plus, une fois l'hiver écoulé, nous escomptions le bon effet de ces échenillages et surtout la rigueur de l'hiver. Ce fut un grave tort. L'invasion se fit en 1891-1892, elle fut aussi violente que l'année précédente et, en l'absence de traitement, tout le bénéfice du travail de janvier 1891 fut perdu, et les grandes invasions de 1892 et 1893 se préparèrent.

Il est cependant inexact de dire que tout fut perdu; d'abord beaucoup de chenilles avaient été détruites et l'invasion retardée d'une année, en outre le travail exécuté avait fourni de précieuses indications. Nous avions reconnu le défaut d'opérer aussi tardivement et la nécessité de quelques modifications.

Il était évident qu'à tuer les chenilles il valait mieux le faire avant qu'elles eussent terminé leurs ravages ou plutôt avant qu'elles les eussent commencés. L'échenillage devait donc avoir lieu en septembre, dès que la présence des bourses était bien visible. De plus, nous trouvions la quantité de pétrole employée, et par suite la dépense, trop considérable. Pour la diminuer nous avions décidé de proposer la section de l'extrémité des petites branches latérales sur laquelle se trouvaient

les chenilles. Un crédit d'essai de 175 fr. fut demandé à cet effet et utilisé en septembre 1892. On employa 178 litres de pétrole, qui coûtérent 75 fr. 70, transport compris, et la main-d'œuvre fut de 99 fr. 30.

Cet échenillage permit la destruction de 93,400 bourses dont 41.000 placées aux branches terminales et, par conséquent, détruites avec le pétrole. L'économie réalisée était considérable. Mais elle était due surtout à la grande quantité de bourses accumulées dans une même région, c'est-à-dire à l'invasion même. Le taux du pétrole s'abaissait à o lit. 43 par 100 bourses et le prix de revient de destruction à o fr. 19 par 100 bourses également, tant latérales que terminales. De plus on avait détruit 93. 000 colonies de chenilles, soit près de 20 millions d'individus, avant de sérieux dégâts, et protégé 46 hectares.

Mais notre expérience était encore insuffisante; l'invasion était bien trop grande pour que l'on pût avec 175 fr. tout protéger; 2 à 300 hectares restaient sans secours. Aussi, à la suite de cet échenillage, demandions-nous un crédit de 520 fr. que nous comptions employer en 1893 dès l'apparition de la nouvelle génération.

C'est précisément en 1893 que nous avons essayé plusieurs procédés, tels que la destruction des papillons la nuit, la récolte des pontes, l'arrêt de la migration par le goudron, l'emploi de divers insecticides, etc.; tous sans un succès bien marqué, comme nous le verrons.

Cette année l'éclosion fut assez avancée. Dès le 9 septembre, nous devions cesser la récolte des pontes qui commençaient partout à éclore. Déjà ce travail nous avait pris 111 fr. environ. Il ne restait guère que 409 fr. disponibles. Le nombre des chenilles était si considérable qu'en une seule quinzaine d'octobre toute la somme fut dépensée. Avec cette somme nous avions pu parcourir 104 hectares et détruire 122.000 bourses, dont 48.000 au pétrole. Le coût des 100 bourses était de o litre 55 en pétrole et o fr. 34 en dépense totale. Mais il restait encore 400 hectares attaqués. Un crédit supplémentaire fut demandé d'urgence. Nous voulions tenter un grand effort avant d'abandonner tout espoir. Le crédit rapidement accordé était aussitôt employé et, en décembre 1893 et janvier 1894, nous détruisions, dans 250 hectares, 436.000 bourses, dont 238.000 avec 1675 litres de pétrole. Dans ce troisième échenillage, les bourses étant plus grandes, le taux s'élevait légèrement et devenait de o lit. 58 de pétrole et o fr. 42 de dépense totale. 150 hectares avaient dû être négligés faute de crédits. D'ailleurs, sur la majeure partie de ceux-ci, les chenilles avaient tout dévoré dès la fin de novembre. Elles avaient en conséquence émigré en d'autres cantons.

(A suivre.).

Julien CALAS.

BIBLIOGRAPHIE

Le traité que vient de faire paraître M. Prillieux, Maladies des plantes agricoles et des arbres fruitiers et forestiers, causées par des parasites végétaux 1, vient très heureusement combler une lacune dans la littérature scientifique française.

Mieux que personne, M. Prillieux était désigné par ses nombreux travaux de pathologie végétale pour remplir cette mission qui présentait de grandes difficultés. Il a su rester à la portée des divers groupes de lecteurs auxquels son ouvrage est destiné, tout en étudiant d'une façon très scientifique et complète les parasites végétaux qui s'attaquent aux cultures et aux arbres forestiers.

Après une courte introduction dans laquelle l'auteur expose le but de son ouvrage et certaines méthodes techniques utiles à l'intelligence du texte, il est question, dans la Ire partie, des maladies causées par les organismes les plus inférieurs, par les Bactéries, qui, par exemple, produisent sur le Pin d'Alep et sur l'Olivier des tumeurs parfois très préjudiciables.

La II partie comprend l'étude des champignons parasites. L'auteur prend les différents groupes en suivant la classification botanique. Nous trouvons d'abord les Péronosporées avec le Peronospora viticola, le Mildiou bien connu dans les régions viticoles, et très longuement étudié; puis les Ustilaginées qui sont la cause des Charbons, et les Urédinées qui produisent les Rouilles. C'est dans ce dernier groupe que se trouvent décrites la « Rouille courbeuse du Pin » produite par le parasitisme du Caoma pinitorquum, la « Rouille de l'écorce du Pin » due au Peridermium Pini, et beaucoup d'autres.

Pour les Basidiomycètes il fallait, afin de rester dans le cadre tracé, se limiter encore dans le groupe des grands champignons arboricoles et n'insister que sur les espèces les plus notoirement nocives du groupe des Polyporées. L'auteur nous fournit pour chaque espèce étudiée des renseignements très complets sur le mode de développement et sur la nature des dégâts causés par la pénétration du mycélium dans le bois.

Parmi les Ascomycètes nous trouvons un grand nombre de parasites dont quelques-uns sont encore incomplètement connus: ce sont les Nectria produisant les Chancres sur les Pommiers et les Hêtres, les Lophodermium, auteurs de la maladie des Épicéas et des Pins connue sous le

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