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lui dans la Loire d'un intérêt majeur. Pour les reboisements relatės cidessus, à côté de la subvention de l'État, les départements ont alloué 5 fr. par hectare aux particuliers et 33 fr. aux communes. Nous pensons que la Loire pourrait encourager l'entreprise d'une manière plus utile encore, en allouant un intérêt temporaire aux capitaux engagés. Nous l'avons indiqué déjà dans la Revue du 15 février dernier.

Un capital placé à intérêts composés, au taux de 2 0/0, se trouve doublé après 35 ans. Si donc le département de la Loire allouait un intérêt de 2 0/0 pendant 35 ans aux capitaux engagés dans le reboisement, après ce laps de temps, nécessaire pour que la forêt créée donne de beaux revenus, le département aurait fourni des valeurs égales aux capitaux employés, et il aurait droit à part égale dans la propriété créée ; elle serait alors indivise par moitié.

Au cas où le département allouerait seulement 1 0/0 d'intérêt aux capitaux employés tant à l'acquisition qu'au reboisement, il est clair qu'il aurait droit après 35 ans au quart seulement de la forêt; celle-ci serait indivise pour trois quarts à la Société, pour un quart au département. Nous signalons cette combinaison, car il peut se produire les arrangements les plus variés. Et si au début les capitalistes ont quelque hésitation à engager des valeurs importantes en vue d'un revenu réalisable à longue échéance, il est très probable que les premiers pas faits, les premiers succès obtenus, les jeunes bois verdoyants et prospères attireront de nouveaux capitaux se contentant de la subvention de l'État les travaux et préférant la pleine propriété de la forêt dans l'avenir à un intérêt temporaire immédiat. Une aussi belle affaire ne comporte d'hésitation que dans la mise en train.

pour

La Loire possède, outre les landes et friches appartenant à des particuliers et qu'il est possible d'acquérir pour les reboiser, des terrains de même nature appartenant aux communes et que celles-ci ont intérêt à garder tout en les reboisant. Il en est ainsi de tous les communaux ne donnant guère qu'un revenu de 5 fr. par an, soit en nature, soit en argent, tandis qu'ils rendraient au moins 25 fr. en bois. Quelques années après la création de forêts sur divers points par une société privée, il est probable que les communes arriveront peu à peu d'abord, et plus hardiment ensuite, au reboisement. La société pourrait même l'effectuer pour elles à condition d'avoir part dans la forêt, part à moitié ou au quart, ou toute autre à déterminer avant le début de l'entreprise en raison de la valeur du sol et des dépenses estimatives des travaux ; la subvention de l'État peut d'ailleurs réduire notablement ces dépenses.

Le premier de tous les travaux doit être la clôture du terrain, clôture

défensive, comme un bon fossé, un mur grossier, ou des fils de fer avec ronce artificielle. C'est la véritable prise de possession du terrain, et à elle seule la clôture suffirait même à procurer le boisement, avec le temps pour peu qu'il y ait quelques arbres forestiers sur les lieux. Cette clôture coûte assez cher, de 1 à 2 fr. par mètre courant. Elle n'est pas moins. nécessaire autour des enclaves ou des cantons à conserver au pâturage que sur la limite extérieure de la propriété. Si donc on a de bonnes terres englobées dans les pourpris à reboiser, ou des pâtures en pente douce,capables d'un rendement satisfaisant, il peut être avantageux de les conserver en l'état, mais en les séquestrant par une clôture. Celle-ci est nécessaire en premier lieu pour soustraire les reboisements aux atteintes du bétail. Plus tard, dans la forêt constituée, quand les bois seront arrivés à l'âge de 30 ans, il est possible que le pâturage soit admissible en certains cantons. En attendant il est inadmissible dans les reboisements autant qu'il est impossible de concilier la chèvre avec le chou.

La récolte des herbes qui se produisent bien vite entre les jeunes plants, récolte faite à la faucille et avec certaines précautions, est souvent productive, plus avantageuse même que n'était le pâturage sur le terrain surmené. La chasse dans les reboisements tranquilles et bien gardés est magnifique et peut se louer à des prix élevés dans un pays riche, comme la Loire. Quelques autres produits accessoires se trouvent encore dans les forêts, divers avec les différents lieux. Tous les revenus en provenant ainsi que ceux des premières éclaircies seront portés au compte de la jeune forêt. Ils en couvriront en partie ou peut-être même avec un excédent les frais de surveillance et d'entretien.

On lisait dans l'Économiste français du 5 février dernier sous ce titre : Une entreprise coloniale sous l'Équateur:

Après la rapide extension de nos colonies rien n'est plus nécessaire que de chercher à en tirer tout le parti possible et rien n'est plus intéressant que de suivre les efforts faits dans cette direction. C'est à ce titre que la Société du Bas-Ogoué mérite d'être signalée. Continuation et développement d'une entre – prise due à l'initiative de M. Dybowski, l'explorateur, aujourd'hui directeur de l'agriculture en Tunisie, elle a pour but la mise en valeur et l'exploitation d'une concession de deux mille hectares au Congo français, sur les bords du fleuve Ogoué, à peu près sous la Ligne de l'Equateur; elle y consacre un capital d'environ un demi-million formé sans émission publique par un groupe de négociants, d'armateurs, d'industriels et d'ingénieurs. C'est une œuvre de patience et de longue haleine, méthodiquement et économiquement conduite en vue de résultats assurés mais lointains.

La terre est d'une grande fertilité, les communications par vapeur avec la côte et la France sont régulières. Le lieu était bien choisi, mais tout était à faire, car il fallait commencer par débarrasser de sa végétation spontanée un

sol qui n'avait jamais été soumis à la culture. Les nègres seuls, sous cette latitude, pouvaient fournir la main-d'œuvre; un très petit nombre d'Européens est chargé de la direction, de la surveillance et de la comptabilité. Diverses cultures ont été essayées et continuent à l'être avec prudence, mais le café et le cacao ont déjà donné des produits appréciables et croissants. La baisse des cafés conseille la circonspection, 10,000 pieds de caféïers étaient plantés à la fin de 1896, cette quantité pourrait être portée à 30.000 pieds. Le cacao inspire une sécurité plus grande et la surproduction ne semble pas à redouter : la consommation se développe en France, de 1850 à 1895 elle a passé de 2.000 à 32.000 tonnes et, sur ces 32.000 tonnes, 800 seulement proviennent des colonies françaises: la détaxe de 50 o/o sur un droit de 104 francs promet un prix rémunérateur. La plantation des cacaoyers se poursuit régulièrement, 32.000 étaient plantés à la fin de 1896, on en plante plus de 10.000 chaque année, on arrivera vite au nombre de 60.000 prévu dans le programme de 'entreprise. Le produit de ces plantations augmente d'année en année et quand elles auront toutes atteint l'âge de dix ans, ce produit promet aux capitaux engagés une rémunération considérable.

Ainsi se crée un vaste domaine dont le sol aura passé de l'état de nature au plus riche état de culture. Que de semblables entreprises se multiplient et la contrée, devenue riche et peuplée, appellera naturellement le développement du commerce et de l'industrie. C'est une œuvre de civilisation et d'avenir, bien différente de celle de factoreries qui, poursuivant des bénéfices immédiats, achètent aux indigènes l'ivoire, l'ébène et le caoutchouc. Ces factoreries ont déjà été obligées de se déplacer et de s'avancer dans l'intérieur des terres, car les éléphants sont détruits, les forêts ravagées pour toujours et le pays appauvri. La Société du Bas-Ogoué crée, au contraire, la prospérité future et durable de ces régions. Il est à souhaiter qu'elle y trouve en même temps de larges bénéfices bien mérités. Dans tous les cas ces bénéfices ne seront pas rapides et elle le sait bien, car, dans sa dernière assemblée, le conseil a déclaré qu'il ne fallait attendre aucune répartition avant 1903 et, après cette déclaration, les actionnaires lui ont voté des remerciements à l'unanimité.

Voilà un concours de capitaux analogue à celui que réclament les reboisements de la Loire. Il a le mérite de l'éloignement qui permet d'imaginer des merveilles ; mais la création de forêts sur la haute Loire offre infiniment plus de sécurité que les entreprises faites sur le bas Ogoué. Quant à l'ampleur des bénéfices, dans l'un et l'autre cas elle dépend en premier lieu de la richesse et du peuplement de la contrée, facteurs éventuels au Congo, tandis qu'ils sont acquis au Forez.

En ce qui concerne une entreprise de reboisement limitée à volonté, le succès est à vrai dire certain dans le département de la Loire. Mais voici que la question s'élargit et tend à prendre un caractère d'ensemble et un développement pour ainsi dire forcé.

En même temps que les départements de la Loire supérieure, qui

voient le bassin récepteur des eaux déboisé, ceux de la basse Loire, qui la voient obstruée par les sables, déplorent la situation. L'idée de rendre la Loire à nouveau navigable fait son chemin de Nantes à Orléans, en sens inverse du mouvemement des sables. Une pétition couverte de plus de 50.000 signatures a été remise à la Chambre des députés; d'autres pétitions circulent dans le bassin de la Loire, le pétitionnement se généralise et tend à prendre des proportions considérables.

Au nom de la 28 Commission de la chambre, M. Roch, député, a déposé le 21 décembre dernier un rapport très intéressant sur la demande de mise à l'étude et d'établissement d'un projet de voie navigable entre Nantes et Orléans et prolongements. Ce rapport se trouve inséré à la page 321 des annexes du Journal officiel du 13 mars. Il constate que pendant des siècles la Loire a été une voie fluviale de premier ordre ayant une navigation fort active.

«En 1855, il y avait quatre lignes de vapeurs faisant les transports d'Orléans à Nantes. Plus de dix mille bateaux de toutes sortes circulaient sur la Loire entre ces deux villes. Le tonnage kilométrique était évalué à près de 100 millions de tonnes. Suivant un rapport adressé au conseil général du Loiret par l'ingénieur Comois, le mouvement commercial de la Loire entre Orléans et Nantes atteignait à peu près celui de la Seine entre Paris et Rouen; il était beaucoup plus considérable que celui du Rhône à son embouchure, et vingt fois plus fort que celui du Rhin. Aujourd'hui, le tonnage kilométrique de la navigation entre Orléans et Nantes est tombé à 32 millions.

« La navigation rencontre dans l'état du fleuve les plus grandes difficultés. Celles-ci tiennent au régime capricieux de la Loire et surtout aux sables qui encombrent son lit. Le volume de ses eaux, très faible dans la saison sèche, atteint dès proportions énormes quand se manifestent des crues. En hiver, elle coule parfois comme un torrent; elle est une menace et un danger pour la riche vallée qu'elle traverse et si, par malheur, elle vient à rompre ses digues, elle cause des désastres comme celui qu'a eu à subir naguère la vallée de Saint-Florent en Maine-et-Loire. En été, la Loire ne donne plus que de minces filets d'eau serpentant dans un lit sablonneux qui est presque entièrement à sec, surtout dans la partie comprise entre le bec d'Allier et Tours. Elle offre alors le triste aspect d'un désert.

«Les sables qui obstruent ainsi le lit de la Loire et qu'elle roule aux époques de crues proviennent de son cours supérieur et surtout du cours supérieur de l'Allier. Ils sont amenés par les pluies des versants des montagnes ou entraînés dans le fleuve par suite des érosions que pro

duit le courant sur les rives et des effondrements et glissements qu'il détermine dans les berges. Aucune précaution n'a été prise pour empêcher le déboisement des montagnes, dont rien désormais ne retient les terres, pour protéger les berges et remédier à un mal qui va toujours en s'aggravant.

« Aussi, chaque année, de nouveaux apports viennent-ils former des dépôts dans tout le parcours du fleuve, diminuer la profondeur et rendre la navigation à peu près impossible pendant la saison d'été.

« Ce n'est pas seulement la Loire, dans les 825 kilom. classés comme navigables, qui est devenue ainsi impraticable pour la batellerie. Ce sont encore les dix rivières, dont sept canalisées, qu'elle reçoit; ce sont les huit canaux y aboutissant, qui sont privés de débouchés et de communications les uns avec les autres, faute d'une artère qui les relie; ce sont les 1.800 kilomètres formant l'ensemble des voies navigables du bassin, qui n'ont pas de lien avec le surplus du réseau des voies fluviales de la France et où la navigation, réduite à des proportions dérisoires, est presque frappée de stérilité. »

En l'état on continue donc à discuter soit sur l'établissement d'un canal latéral à la Loire, soit sur l'utilisation du lit de la Loire rendue navigable, et les riverains tendent naturellement à cette dernière solution, seule complète, seule protectrice. Les dépenses nécessaires sont évaluées dans l'un ou l'autre cas à une centaine de millions de francs. Mais de Nantes, d'Angers, de Tours et d'Orléans, on ne voit que les résultats du régime affolé du fleuve, on n'en touche pas la cause, la montagne est trop loin. Et c'est à elle que sont dues les inondations, après les sécheresses, et les apports ainsi que le mouvement désordonné des sables. Le régime du fleuve était relativement calme, l'approvisionnement d'eau suffisant, les alluvions tranquilles et le chenal libre quand la montagne était boisée, même encore dans une certaine mesure quand elle n'était pas incessamment déchirée. Peut-on douter que si les pentes étaient reboisées et les versants tranquillisés, les apports se réduiraient, les sables se fixeraient, les sécheresses et les inondations se modéreraient et le chenal navigable se fixerait? Dans l'état actuel de nos connaissances, après les expériences faites et les résultats obtenus tout récemment encore dans les Pyrénées où les pluies du 3 juillet 1897, qui descendaient en boues, en laves, des versants dégradés, coulaient en eau claire et inoffensive des terrains soumis au reboisement, aucun doute n'est plus possible.

Et sur la Loire supérieure et l'Allier, les forêts à créer seraient des forêts productives, et le reboisement y offre la meilleure des spéculations. Que l'activité privée des riverains de la basse Loire, des armateurs de

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