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unes de nos îles de la Polynésie ou de l'Océan Indien contre l'absolue liberté que vous nous laisseriez au Maroc. Enfin, nous pourrions troquer contre l'accès de la Bénoué et le Bec de Canard des portions de territoires situées à l'Est du Cameroun, mais non pas une part de la côte du Congo."

Nous commençâmes alors à discuter. M. de Kiderlen finit par ne plus insister que pour avoir accès à la mer entre le Rio Mouni et Libreville. Je lui dis que nous ne pourrions lui donner de ce côté qu'un mince ruban de terre. Il ajouta alors que l'Allemagne désirait avoir un accès territorial au fleuve Congo et que cette question était le point essentiel de la transaction. „Voilà donc, lui dis-je, ce que vous voulez. Je pourrai enfin le faire connaître à Paris, car cette discussion a eu une trop longue durée pour que nous la laissions continuer sur des malentendus." „Sur ce point répéta M. de Kiderlen, la résolution du Gouvernement allemand est formelle."

Nous avons ensuite parlé du Maroc. Le Secrétaire d'État des Affaires étrangères me dit de nouveau qu'il ne ferait aucune restriction aux droits politiques qu'il nous y reconnaîtrait. Qui, lui répondis-je, vous avez prononcé le mot de protectorat." Il reprit: „Je vous ai dis que vous alliez compléter votre Empire de L'Afrique du Nord, y asseoir définitivement votre domination. Quant au mot de protectorat, nous pouvons l'employer entre nous, mais il me paraîtrait difficile d'employer ce terme dans un document diplomatique pour lequel nous aurons à demander aux autres Puissances leur assentiment."

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C'est donc, lui dis-je, une question de rédaction."

Oui, reprit M. de Kiderlen, et vous rédigerez l'accord."

Il ajouta: „Enfin, voici une base de discussion trouvée. J'espère que j'aurai avec vous un nouvel entretien dans deux ou trois jours"

17) Derselbe an denselben.

Berlin, le 17 août 1911.

J'ai vu M. de Kiderlen aujourd'hui même.

M. de Schoen avait adressé au Secrétaire d'État le compte rendu de la conversation qu'il a eue hier avec Votre Excellence. M. de Kiderlen m'a dit que la conversation en question lui paraissait être très grave et qu'elle était de nature à rendre inutile la continuation des pourparlers que nous avions commencés. J'ai répondu à M. de Kiderlen que le langage de Votre Excellence était nécessaire, attendu que le Gouvernement Français s'était vu obligé de considérer la situation qui lui était créée par le fait du refus du Togo.

Ensuite, j'ai demandé à M. de Kiderlen quel était le résultat de la Conférence technique qu'il avait eue hier. Il m'a répondu que sa manière de voir n'avait pas varié et qu'il demandait, à l'Ouest de la Sangha, la frontière de l'Alima. Alors je lui ai fait observer que, depuis que je l'avais vu, ses demandes avaient augmenté et qu'il savait bien qu'en aucun cas il ne nous serait possible de descendre au-dessous de la Sangha. J'ai ajouté

que, puisque le Gouvernement Allemand réduisait ses concessions, nous nous trouvions obligés de réduire également les nôtres.

Die Togofrage.

über den Wert der deutschen Abtretungen.

Le Secrétaire d'État pour les Affaires étrangères m'a répondu en me déclarant qu'actuellement le Togo était aux yeux de l'opinion allemande devenu incessible et que, dès le 4 de ce mois, il m'avait annoncé qu'il ne maintenait pas ses vues à ce sujet; que, en ce qui le concernait, il ne lui était pas possible de se contenter des parcelles que, sous une forme de rectification de frontière, nous venions lui offrir; il a ajouté que nous avions tort d'affecter de ne tenir aucun compte de l'abandon que nous faisait v. Kiderlen l'Allemagne du Bec de Canard, région plus riche que nous ne disons et qui en nous donnant l'accès de la Nigeria nous assure par là même une voie directe sur la mer. M. de Kiderlen a renoncé à toute idée sur l'OubanghiChari du côté du Soudan mais, par contre, il persiste toujours à demander que nous lui cédions l'Hinterland du Cameroun. Je lui ai répondu en disant que je rendrais compte à Votre Excellence des déclarations qu'il me faisait en ce moment; m'inspirant des instructions que vous avez bien voulu m'adresser et d'après lesquelles l'élément qui domine les négociations actuelles est la situation qui nous sera faite au Maroc, j'ai ajouté que l'issue finale des pourparlers que nous poursuivons en ce moment dépendait de l'attitude que l'Allemagne aurait vis-à-vis de la France en ce qui concerne la question marocaine.

Begriff „Marokko"

zösischen

J'ai ajouté qu'il était bien convenu que par l'expression géographique le Maroc nous entendions désigner toute l'étendue de pays comprise entre in der franle Rio de Oro d'une part et l'Algérie de l'autre, et qu'il était également entendu que le Berlin lèverait l'ancre aussitôt que notre accord serait conclu. M. de Kiderlen me répondit affirmativement.

Enfin j'abordai la question économique. Je lui rappelai nos arrangements de 1904 avec l'Angleterre qui limitent à 30 ans nos obligations au point de vue économique, et lui dis qu'en conformité de ce précédent nous limiterions de façon analogue nos engagements avec l'Allemagne. La discussion fut vive, mais M. de Kiderlen finit par me déclarer qu'en tout cas une pareille limitation dans le temps ne pourrait pas s'appliquer à l'exploitation ni à l'exportation des minerais de fer. Je lui répondis que mon Gouvernement ne ferais pas de difficulté sur ce point s'il recevait satisfaction pour le reste. En dernier lieu, j'exprimai l'espoir que, en dépit des difficultés sans cesse renouvelées de la négociation actuelle, il nous serait possible de finir par trouver une issue vers un arrangement. J'en revins alors à la question du Togo.

,D'après vous, lui dis-je, le Gouvernement Allemand considérait comme impossible de faire accepter par l'opinion publique en Allemagne la cession du Togo à la France. Vous devez de même admettre que, de son côté, le Gouvernement de la République ne pourrait pas présenter à l'opinion publique en France un arrangement où les avantages des deux parties ne sembleraient pas être suffisamment balancés: Est-ce qu'il ne vous serait pas possible de

Auffassung.

Die öffentliche

trouver quelque part quelque autre concession à nous faire ?" M. de Kiderlen m'ayant répondu négativement, je lui indiquai que, sans abandonner le Togo tout entier, il pourrait cependent nous en céder des parties sous forme de rectification de frontière et donner ainsi à l'opinion publique française la satisfaction d'une solution transactionnelle. J'ajoutai que je n'étais pas autorisé à tenir ce langage, et que je ne me permettrais de soumettre à mon Gouvernement une pareille suggestion que suivant la réponse qu'il allait me faire, Eh bien, me dit-il, je ne vous dis pas oui; mais je ne vous dis pas non."

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Les partis politiques et les socialistes même, aiguillonnés par l'approche Meinung in Deutschland. des élections, commencent à entonner le chant Deutschland über alles". Cela est grave et un homme politique allemand de beaucoup de talent disait avant-hier que le danger de l'heure présente n'était pas dans les choses, mais dans l'opinion que les deux pays en avaient, et que l'esprit public en Allemagne lui semblait plus exaspéré qu'en France.

Die Lage.

Der

Il y a là un élément qui rend des deux côtés les transactions difficiles. Nous devons donc voir les choses comme elles sont et envisager les conséquences des décisions à prendre.

Dans l'espèce, nous poursuivons le couronnement de l'oeuvre commencée par nous en 1830 dans l'Afrique du Nord. L'Afrique équatoriale a sans nul doute une grande valeur économique: son importance politique ne saurait cependant balancer un instant celle que l'Afrique du Nord a pour nous. Nous devons donc poursuivre les négociations, si harsadées qu'elles soient, que nous avons commencées pour libérer notre action au Maroc de l'ingérence allemande.

Mais si ces négociations échouent, et je me demande si l'opinion en Allemagne permettra qu'elles aboutissent, il importe d'être prêt. En effet, dans cette hypothèse, le Gouvernement allemand fera sans doute un second pas dans la voie qu'il a prise en envoyant le Panther devant Agadir. Il refusera d'aller à une Conference, mais, aux applaudissements de l'Allemagne, il prendra pied au Sous, et il attendra les événements. C'est l'évidence même. L'opinion tend à s'exalter. La situation intérieure pèse aussi sur la politique extérieure; les élections approchent, les partis font concurrence de patriotisme. Tout ceci doit être pour nous un avertissement. J'espère que nos préoccupations seront vaines, mais ce serait faire preuve de légèreté que de ne pas voir la possibilité d'un conflit.

19) De Selves an J. Cambon.

Paris, le 30 août 1911.

Après de mûres délibérations le Gouvernement Français a arrêté les I. Marokko- stipulations auxquelles devraient se rallier le Gouvernement allemand pour

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mettre fin à l'état de crise amené entre les deux pays par la question marocaine. Vous trouverez ci-joint le texte de ces stipulations.

Celles d'entre elles qui ont trait au régime futur du Maroc doivent être les premières, séparément présentées à l'examen du Gouvernement Impérial. De l'acceptation, en effet, de ces stipulations dépendent les cessions territoriales que le Gouvernement Français s'est décidé à consentir; vous n'aurez à parler de ces dernières que lorsque le Gouvernement Allemand se sera prononcé sur le régime marocain. Pour vous faciliter la procédure à suivre, j'ai fait préparer un texte spécial, ne spécifiant pas les rectifications de frontière et cessions territoriales qui seront traitées dans la seconde phase de la négociation.

Seine Annahme Voraussetzung für Gebietsabtretungen.

schnabel.

Le projet vous indique le summum des cessions territoriales acceptées Der Entenpar le Conseil des Ministres, étant donné que nous recevons le Bec de Canard. Vous n'aurez pas à faire de réticenses sur l'étendue de ces cessions; mais si le Gouvernement Allemand manifestait des prétentions allant au délà Vous vous déclareriez dans l'impossibilité absolue de rien accorder de plus, et vous vous borneriez à dire que vous m'en référez, afin que je saisisse le Conseil des Ministres.

En ce qui concerne les rectifications de frontière que nous demandons au Togoland, elles sont de minime importance; elles sont, d'ailleurs, conformes aux vues que nous avons constamment manifestées durant les Conférences de l'hiver dernier.

En résumé, dès que vous aurez pu faire valoir à M. de Kiderlen nos conditions relatives au Maroc, vous me ferez part de ses objections et de ses désirs, afin que je puisse voir sur l'heure s'il peut en être tenu compte au moyen de quelques amendements. Mais je le répète, quand vous en viendrez à la question territoriale, vous resterez, en cas de prétentions supérieures à notre offre, sur une défensive catégorique, une extension en pareille matière ne pouvant être décidée qu'en Conseil de Gouvernement.

Annexe.

Projet de Convention Franco-Allemande.

A la suite des troubles qui se sont produits au Maroc et qui ont démontré la nécessité d'y poursuivre, dans l'intérêt général, l'oeuvre de pacification et de progrès prévue par l'Acte d'Algésiras, le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement Impérial Allemand ont jugé nécessaire de préciser et de compléter l'Accord franco-allemande du 9 février 1909. Ils sont convenus à cet effet des dispositions ci-après:

Art. 1. Le Gouvernement Impérial Allemand, dont les intérêts au Maroc ont un caractère exclusivement économique, déclare qu'il n'entravera pas l'action directrice de la France en vue de prêter son assistance au Sultan pour l'introduction de toutes les réformes administratives économiques, financières et militaires dont il a besoin pour le bon gouvernement de son empire, comme aussi pour tout les règlements que ces réformes comportent.

Togo.

En conséquence, il donne son adhésion aux mesures de réorganisation, de contrôle et de garantie financière que, de concert avec le Gouvernement Marocain, le Gouvernement Français croira devoir prendre à cet effet, sous la réserve que l'action directrice de la France sauvegardera au Maroc l'égalité économique entre les nations.

Au cas ou la France serait amenée à préciser et à étendre ces droits de contrôle et de protection, le Gouvernement Impérial Allemand, reconnaissant au Maroc pleine liberté d'action à la France, sous la réserve que la liberté commerciale prévue par les traités antérieurs sera maintenue, n'y apportera aucun obstacle.

Art. 2. Dans cet ordre d'idées, il est entendu que le Gouverne ment Impérial ne fera pas obstacle à ce que la France, d'accord avec le Gouvernement Marocain, procède aux occupations militaires du territoire marocain qu'elle jugerait nécessaires au maintien de l'ordre et de la sécurité des transactions commerciales, et à ce qu'elle exerce toute action de police sur terre et dans les eaux marocaines.

Art. 3. Le Gouvernement Français declare que, fermement attaché au principe de la liberté commerciale au Maroc, il ne se prêtera à aucune inégalité pas plus dans l'établissement des droits de douane, impôts et autres taxes que dans l'établissement des tarifs de transports par chemin de fer. Cet engagement est valable pour une période de trente ans. Faute de dénonciation expresse faite au moins une année à l'avance, cette période sera renouvelée de cinq en cinq ans.

Art. 4. Le Gouvernement Français veillera à ce qu'il ne soit perçu au Maroc aucun droit d'exportation sur le minerai de fer. Les exploitations de minerai de fer ne subiront aucun impôt spécial. Elles ne seront assujetties qu'aux impôts généraux et aux redevances domaniales qui atteindront toutes les entreprises minières.

Art. 5. Dès à présent, si S. M. le Sultan du Maroc venait à confier aux Agents diplomatiques et consulaires de la France la représentation et la protection des sujets et des intérêts marocains à l'étranger, le Gouvernement Impérial déclare qu'il n'y fera pas d'objection.

Le Gouvernement Impérial déclare autre part qu'il ne contractera aucun accord quelconque avec le Gouvernement Marocain sans être entendu au préalable avec le Gouvernement de la République Française.

Art. 6. Lorsque des organisations judiciaires marocaines régulières auront été créées au Maroc et que la France aura décidé de leur transférer la juridiction des tribunaux consulaires français, le Gouvernement Impérial Allemand transférera également à ces mêmes tribunaux la juridiction des tribunaux consulaires allemands, étant entendu que les ressortissants allemands jouiront des mêmes garanties légales et réglementaires que les ressortissants français.

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