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tien du Concordat.

Le premier acte, ç'avait été le rappel de | Soit à la Chambre, soit au Sénat, il déclare | président du conseil était partisan du mainl'ambassadeur. Le troisième et le dernier, ce sera, avec la dénonciation du Concordat et la suppression du budget des cultes, le vote de la loi organique nouvelle. »

Dans l'Aurore, M. Clemenceau s'écrie: «La rupture des relations diplomatiques avec le Vatican n'est qu'une indigne comédie si ce n'est la préface de la dénonciation du Concordat.» (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.)

Très bien! dites-vous? Mais alors M. le président du conseil a donc, en faisant cette rupture sans avoir voulu discuter, fait un acte qui engage la séparation de l'Eglise et de l'Etat ?

A l'extrême gauche. Espérons-le !

M. Groussau. Alors il me semble que sa situation devrait être quelque peu difficile. M. le président du conseil. J'ai défendu le Concordat jusqu'à la fin contre Rome. A gauche. C'est très vrai! .

M. Groussau. Nous allons voir, monsieur le président du conseil.

M. le président du conseil. C'était une loi de l'Etat, et je l'ai observée.

M. Groussau. Je vous démontrerai tout à l'heure le contraire; mais en attendant nul n'ignore que ses convictions antérieures je ne parle pas seulement de celles de sa jeunesse faisaient de M. Combes un adversaire de la séparation de l'Eglise et de I'Etat. (Interruptions à gauche.)

Le 2 décembre 1895, comme ministre des cultes, il disait qu'il ne fallait pas aborder la très grave question de la séparation des Eglises et de l'Etat, parce qu'« il serait té- | méraire de traiter cette question sans être bien assuré d'avoir le pays derrière soi ». (Très bien ! très bien! à droite.)

Comme on l'interrompait, il ajoutait : «Ne pensez-vous pas que la solution d'une question aussi difficile, aussi déli

que la suppression du budget des cultes et la dénonciation du Concordat non seulement troubleraient les consciences, mais jetteraient la République dans un véritable péril. (Très bien ! très bien! à droite.)

Je parle d'après le Journal officiel. M. Lucien Millevoye. Il en est bien convaincu encore aujourd'hui.

M. Groussau. Qui évaluera les trésors de persuasion dépensés par M. Jaurès et par M. Clemenceau pour déterminer M. Combes à prêcher, en 1904, la séparation qui était si dangereuse en 1903? Rires et applaudissements à droite.

Le 14 août, dans une interview avec le rédacteur d'un journal autrichien, M. le président du conseil déclare qu'il tient la séparation des Eglises et de l'Etat pour inévitable et il ajoute qu'il est bien décidé à rester au pouvoir. Les deux choses ne sont peut-être pas sans relation.

Pour justifier ce divorce, que déclare M. le président du conseil? Que les droits de l'Etat sont méconnus, que le pouvoir religieux a déchiré le Concordat.

M. Maurice Berteaux. C'est vrai.

M. Groussau. Examinons si c'est vrai. Je cite textuellement l'accusation la plus grave portée par M. le président du conseil : « Alors que le Concordat attribue au Gouvernement, de la façon la plus nette, la nomination des évêques, Rome refuse systématiquement l'investiture canonique aux prêtres promus à l'épiscopat par le Gouvernement, sous prétexte qu'elle doit être consultée préalablement à toute nomination. Elle s'arroge ainsi le droit d'écarter de l'épiscopat qui bon lui semble, en dehors de toute raison canonique de doctrine ou de moralité, sans même se croire obligée de fournir le moindre motif à l'appui de

M. Gustave Rouanet. C'est une pensée ses évictions arbitraires. C'est le bon plaisir louable.

M. Groussau. A Auxerre, le 4 septembre, dans un discours qui a été prononcé, il est vrai, à la suite d'un banquet...

remplaçant la légalité concordataire.» (Très bien! très bien! à l'extrême gauche.) Voilà l'accusation. J'en reprends tous les termes.

M. le président du conseil. Je ne bois Est-il vrai que Rome refuse systématipas de vin. (On rit.) quement l'investiture canonique aux prêtres M. Groussau. Monsieur le président du promus à l'épiscopat par le Gouverneconseil, je ne sais pas lequel de vos collè-ment? L'affirmation de M. le président du gues vous attaquez en disant cela, mais, si conseil est très nette et dans l'interview du j'ai bonne mémoire, c'est bien vous qui di- 14 août... siez naguère, en désavouant les paroles d'un ministre...

M. le président du conseil. Vous avez mieux qu'un article de journal: vous n'avez

M. le président du conseil. Je n'ai ja- qu'à vous reporter à mon discours au Sénat. mais désavoué personne.

M. Groussau. ...qu'il avait fait une déclaration « dans la chaleur communicative d'un banquet ». Ne craignez-vous pas qu'on ne puisse vous adresser le même reproche?

M. le président du conseil. J'exprimais

M. Groussau. Oui, mais comme l'interview est plus récente et qu'elle contient des faits nouveaux, sa précision est plus importante.

M. le président du conseil. Le discours au Sénat est officiel et authentique.

M. Groussau. « La résistance aux nomi

cate, exige impérieusement, pour la tran- le regret de ne pouvoir partager une opi- nations d'évêques est maintenant à Rome

quillité même des esprits, qu'elle ait été ratifiée par l'assentiment du peuple? Aucun membre de cette Chambre, parmi ceux-là surtout qui se sentent disposés à résoudre le débat dans le sens de la liberté réciproque des Eglises et de l'Etat, ne voudrait substituer ses vues personnelles à la

volonté des électeurs. »

M. Lasies. Très bien ! très bien !

M. Groussau.«< Or, disait encore M. Combes, je ne crois pas qu'on puisse soutenir que la question ait été posée directement à l'ensemble des collèges électoraux.» (Applaudis- | sements à droite. - Interruptions à l'extrême gauche.

nion.

M. Groussau. Quoi qu'il en soit, il y a des paroles que vous n'auriez jamais dû prononcer. Relisez donc ce que vous, ministre des cultes, vous avez dit «< du Dieu de nos pères ». (Applaudissements à droite. Exclamations à gauche.)

L'injure que vous avez proférée nous est sensible, à nous qui croyons en Dieu. (Nouveaux applaudissements à droite,)

M. Maurice Allard. Il ne vient pas à votre secours.

un principe. Tous les candidats que j'ai indiqués au nonce ont été rejetés. » Voilà la formule de M. le président du conseil; et alors tous les journaux de répéter la même chose; notamment le Malin, dans une polémique de M. Harduin avec M. Brunetière.

dit:

« Le Gouvernement n'a-t-il pas raison de dénoncer le Concordat s'il est démontré que le Saint-Siège se soustrait continuellement aux engagements qu'il a pris? Là est toute la question. Or, si on s'engage dans cette voie qui est la vraie, la seule, les preuves abondent du mauvais vouloir dont le Saintsiège fait preuve en ne respectant ni l'esprit, ni la lettre du Concordat. Un seul fait mais bien tout le contraire. dispense d'en citer d'autres. Sept fois de M. Gustave Rouanet. Et après ? Qu'est-ce suite en ces derniers temps le Gouverneque cela peut nous faire?

M. Lucien Millevoye. Il me semble que la déclaration spiritualiste de M. Combes M. le président du conseil. Ce discours n'était pas précisément un acte d'athéisme, date d'il y a neuf ans!

M. Groussau. Mais la question n'a pas été davantage posée directement à l'ensemble des collèges électoraux.

Les partisans du referendum ou de l'ajournement après les élections peuvent encore aujourd'hui invoquer l'autorité de M. Combes. (Très bien! très bien! à droite.) En 1903, l'année dernière, M. le président du conseil n'a pas encore changé d'avis.

M. Groussau. Messieurs, dans ce discours d'Auxerre M. le président du conseil a affirmé la nécessité d'un divorce entre l'Eglise et l'Etat, non pas pour cause d'incompatibilité d'humeur, mais pour cause d'incompatibilité radicale qui apparemment n'existait pas l'année précédente, au moment où le

ment a proposé des nominations d'évêques et sept fois le pape a refusé d'accorder l'institution canonique.

>>

Je demande à M. le président du conseil si vraiment il maintient encore son affirmation.

M. le président du conseil. Elle n'est pas de moi. Prenez mes discours, et non les pa

roles qu'on me prête. (Exclamations au centre.)

M. Groussau. Dans votre discours, je lis : « Tous les candidats que j'ai indiqués... » Voilà ce que vous avez dit; vous avez dit aussi que le refus était systématique. Est-ce vrai? Vous n'osez pas le soutenir! Je le crois bien!

Le Saint-Siège a fait savoir qu'il acceptait les choix du Gouvernement pour l'évêché de Nevers et pour l'évêché de Bayonne.

M. le président du conseil. C'est complètement inexact.

M. Charles Benoist. Monsieur Groussau, relisez le texte du discours d'Auxerre, et vous allez peut-être convaincre M. le président du conseil; nous ne pouvons pas le suivre dans toutes ces subtilités.

SÉANCE DU 21 OCTOBRE 1904

l'évêché de Nevers a-t-il été accepté par le | clare expressément, comme agissant au
nom du Saint-Siège, qu'il n'est pas obligé
Saint-Siège ?
de donner les causes de ce refus, qu'il peut
refuser sans alléguer aucun motif.

M. le président du conseil. Vous faites
allusion à un choix qui a été ratifié à Rome...
(Exclamations à droite) laissez-moi achever...
parce qu'un archevêque très bien vu par le
Saint-Siège est allé lui-même plaider sa

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M. Jaurès. Mais, monsieur Benoist, M. qu'il ne pouvait accepter les deux nomina-
tions qui venaient d'être faites, parce
Groussau n'a pas besoin de renfort.
qu'elles n'avaient pas été concertées avec
lui et, immédiatement, il m'a dit : « Citez-
moi d'autres noms et nous causerons. › Je
m'y suis refusé. (Applaudissements à l'ex-
trême gauche et à gauche.)

M. Charles Benoist. Vous me reprochiez hier, monsieur Jaurès, de ne pas avoir une attitude très réglementaire : j'ignorais que vous fussiez encore président de la Chambre.

M. Groussau. Vous devez voir, à la manière dont je mène la discussion, que dans un débat irritant par lui-même je ne cherche qu'à m'appuyer sur des faits que je crois précis. Si je me trompe, qu'on me le démontre; mais, en attendant, j'ai dès maintenant le droit de conclure qu'il y a de la part du Gouvernement un parti pris de jeter sur autrui le blâme qu'il mérite lui-même. (Applaudissements à droite.)

Est-il vrai, en second lieu, pour en revenir àl'accusation du discours d'Auxerre, que le Saint-Siège refuse l'institution canonique par cela seul qu'il n'a pas été consulté au préalable?

M. le président du conseil, Oui! Le nonce me l'a déclaré en termes formels.

M. Paul Lerolle. Vous avez refusé de le

recevoir. (Rires à droite.) Il n'a jamais pu parler au ministre des cultes.

M. le président du conseil. Je vous demande pardon. La première conversation que j'ai eue avec lui a porté sur des promotions faites en conseil des ministres; il m'a déclaré qu'il n'accepterait aucun sujet en dehors de l'entente préalable; c'était pour lui une question de principe. Du reste, je m'expliquerai sur ce point.

M. Groussau. Monsieur le président du conseil, voulez-vous m'expliquer alors comment il se fait que le candidat que vous aviez proposé pour l'évêché de Nevers... (Interruptions à l'extrême gauche.)

M. Walter. Vous voulez aller plus vite que les violons.

M. Groussau. M. le président du conseil vient de réitérer une accusation qu'il avait lancée. Je prétends qu'il faut insister pour savoir s'il a raison ou tort. (Très bien! très bien! au centre et à droite.) Eh bien! avant d'aller plus loin, je pose une question qui tranchera nettement le débat dans un sens déterminé.

Oui ou non, monsieur le président du conseil, le prêtre que vous avez nommé pour

Je ne lui ai pas reconnu le droit de repousser les deux premiers noms, parce qu'ils avaient été choisis par le Gouvernement parmi les sujets propres à l'épiscopat. (Rires ironiques à droite.)

Il est facile de sourire; il est moins facile d'apporter des preuves contre mes affirmations.

M. Ribot. Nous demandons la publication de ces documents. De ce côté (la gauche), on n'a cessé de réclamer un Livre jaune. Je m'étonne que nous ne l'ayons pas encore. (Très bien! très bien ! au centre et à droite.)

M. Gayraud. Et nous demandons qu'on publie tout!

M. Groussau. Je m'associe absolument, pour mon compte, à la demande de publication de tous les documents officiels qui ont pu, entre le Gouvernement français et le Saint-Siège, régler des rapports que nous avons tout intérêt à connaître. (Très bien! très bien !)

J'oppose à M. le président du conseil un argument décisif dont il ne peut méconnaître la valeur.

Il prétend que le Saint-Siège fait une condition sine qua non de l'entente préalable ;` je lui nomme un prêtre qui a été agréé par le Saint-Siège sans aucune entente préalable.

Voici exactement comment les choses se sont passées. M. le président du conseil a écrit au nonce une lettre officielle pour lui déclarer que les choix du Gouvernement s'étaient portés, en ce qui concerne Nevers et Vannes, sur deux prêtres qu'il indiquait. Le Saint-Siège, après avoir pris les informations voulues, a fait répondre qu'il acceptait le candidat présenté pour le siège de M. le marquis de la Ferronnays. Cest Nevers et qu'il priait le Gouvernement d'en présenter un autre pour l'évêché de Vaninexact.

Je n'ai fait qu'imiter en cela tous les gouvernements qui ont précédé l'avènement de la République.

M. le président du conseil. Tous ont re-
fusé de converser préalablement avec le
nonce; ils ont fait leur choix, l'ont notifié à
Rome, et si je ne craignais d'allonger outre
mesure la discussion qui se prépare (Parlez!
parlez !), je pourrais vous montrer comment
à l'exception de deux ou trois candidats
dont les noms ont été cependant main-
tenus par le gouvernement de l'Empire, tous
les autres ont été acceptés sans une conver-
sation préalable. C'est en 1872 — et je m'ex-
pliquerai là-dessus que l'autre système
a prévalu.

M. Eugène Réveillaud. Il date de Jules
Simon.

M. le président du conseil. Il nous a
valu une immense majorité d'évêques hos-
tiles à la République. (Très bien! très bien!
à gauche et à l'extrême gauche. - Interrup
tions à droite.)

M. le comte de Lanjuinais. Vous n'avez pas fait grand'chose pour qu'ils aiment la République.

M. Groussau. Je vais, messieurs, si vous le permettez, répondre d'une manière très précise à M. le président du conseil.

M. le président du conseil. Voulez-vous me permettre d'ajouter une observation? M. Groussau. Si vous le désirez.

nes.

M. le président du conseil. Vous citez une exception.

M. Groussau. Ce sont tout simplement des renseignements sûrs. Laissez-moi vous dire que j'ai la prétention, même pour défendre la cause qui me tiendrait le plus au cœur, de ne jamais donner que des arguments sincères, en toute droiture et en toute loyauté. (Applaudissements au centre et à droite.)

Le Saint-Siège a toujours pensé que l'entente préalable était suggérée par la force des choses. Mais il n'en a pas fait une condition absolue, sine qua non.

M. le président du conseil. Je vous demande bien pardon.

M. Groussau. Voici pourquoi le SaintSiège désire l'accord préalable. C'est que cet accord préalable, obtenu moyennant des négociations, est l'unique moyen d'éviter les heurts et les difficultés qui doivent presque fatalement se produire s'il n'y a pas eu de pourparlers avant l'acte officiel du Gouvernement. C'est tout ce qu'il y a au monde de plus naturel. (Très bien! très bien! à droite.)

Si l'on attend qu'il y ait décision du Gouvernement, qu'il y ait décret signé du M. le président du conseil. Elle a son importance. Dans la lettre par laquelle il chef de l'Etat, qu'il y ait publication au prétendait justifier son refus, le nonce dé- | Journal officiel, les difficultés iront en aug

mentant, et il est à craindre qu'on n'arrive | nuire au prêtre présenté par le Gouverne- | regrette que vous ayez surtout nourri votre plus à les résoudre.

C'est précisément ce qui s'est produit, en 1868, à l'occasion de la nomination par le gouvernement impérial de M. l'abbé Gérin à l'évêché d'Agen. Ce candidat fut repoussé par le Saint-Siège. On a constaté que le meilleur moyen d'éviter des incidents aussi regrettables, c'était l'entente préalable, et le système a été ensuite pratiqué, non pas comme une concession arrachée à la faiblesse du Gouvernement, mais comme une nécessité imposée par la force des choses. M. le comte de Lanjuinais. C'est la sagesse même!

ment et constituer à cette occasion une
sorte de dossier entachant son honorabilité
ou sa moralité. (Mouvements divers.)

Il ne faut pas qu'il y ait d'équivoque. La
responsabilité de la vacance des sièges
épiscopaux n'incombe pas au Saint-Siège;
elle incombe au Gouvernement. J'en donne
deux raisons.

Voici la première: Un prêtre a été choisi par des ministères successifs et n'a pas été accepté par le Saint-Siège. Croyez-vous, monsieur le président du conseil, qu'en reprenant une candidature abandonnée en connaissance de cause par vos prédécesseurs, vous ne prenez pas la responsabilité du nouveau refus qui s'ensuit?

M. Groussau. Mais, en pratique, le SaintSiège ne refuse pas le moins du monde d'examiner une proposition par le fait seul Ensuite et surtout, pourquoi le Gouvernede l'omission de l'entente, et je répète que ment ne fait-il pas signer les décrets nomla meilleure preuve, c'est qu'il y a à l'heure mant ceux que le Saint-Siège accepte? actuelle un prêtre désigné pour un évêché En adoptant une règle arbitraire, qui n'est sans accord préalable, qui a été accepté par écrite nulle part et contre laquelle proteste Rome, et, chose bizarre! il a été accepté par le bon sens, M. Combes prétend qu'un siège le Saint-Siège, mais le Gouvernement ne devenu vacant après un autre ne doit pas veut pas le nommer! (Rires à droite et au être pourvu avant cet autre. Tant que le centre.) Saint-Siège n'accepte pas le candidat nommé M. de l'Estourbeillon. Parce qu'il ne sait | par le Gouvernement au premier siège vacant, les autres évêchés doivent rester en pas ce qu'il veut. suspens.

M. le président du conseil. Il n'y a rien là de bizarre.

Dans ces conditions, le Gouvernement ne M. Groussau. Je vais bientôt m'expli- peut pas imputer au Saint-Siège la responquer sur ce point.

M. le président du conseil a encore déclaré à Auxerre <«< que Rome s'arroge le droit d'écarter de l'épiscopat qui bon lui semble, en dehors de toute raison canonique, de doctrine ou de moralité, sans même se croire obligée de fournir le moindre motif à l'appui de ses évictions arbitraires ».

Il a même été insinué que c'était la question politique qui l'emportait.

M. le président du conseil. C'est une chose connue que la question politique prime tout.

M. Groussau. M. le président du conseil dit que la question politique prime tout. Je lui demande alors si, lorsqu'il a présenté ou nommé deux prêtres pour les évêchés de Nevers et de Vannes, il ne s'est pas préoccupé de la bonne qualité politique de ceux qu'il avait choisis. (Rires à droite.) Or, le Saint-Siège a accepté l'un et refusé l'autre.

Je ne suppose pas que ce soit pour un motif politique. (Très bien! très bien! à droite).

Le Saint-Siège ne se préoccupe que de motifs canoniques.

sabilité des sièges vacants, car c'est la né-
gation absolue du droit d'institution cano-
nique qui appartient très certainement au
Saint-Siège. (Très bien! très bien! à droite.)
Si vous voulez à tout prix que celui que
vous avez désigné le premier soit le pre-
mier accepté par le Saint-Siège, c'est donc
que vous imposez un choix là où vous
n'avez pas le droit de l'imposer.

argumentation d'articles de journaux. Franchement, vous eussiez mieux fait de recourir à d'autres arguments. Quelle est donc la parole que j'ai prononcée, qui vous fait croire que j'ai rêvé une Eglise nationale?

M. Groussau. Il ne s'agit pas de vos paroles, monsieur le président du conseil, mais de vos actes. (Applaudissements à droite.)

M. Charles Benoist. En tout cas, ce fut le rêve de M. Dumay pendant quinze ans. M. Hubbard. Personne ne peut le contester.

M. Groussau. Ce rêve a été si bien formé et si bien poursuivi que le ministère des cultes prétend imposer une soumission absolue aux évêques.

Que vous ayez rêvé ou non d'une Eglise nationale, vous croyez le moment venu de tenter la séparation de l'Eglise et de l'Etat; c'est entendu. Suivant l'injonction de M. Clemenceau, vous êtes, monsieur le président du conseil, aussi sincèrement séparateur aujourd'hui que vous étiez antiséparateur il y a quelques mois.

A l'extrême gauche. C'est un progrès, M. Groussau. C'est votre droit. Vous entreprenez de gaieté de cœur une nouvelle guerre aux croyances, car c'est bien le but de la séparation, comme l'a écrit si justement un député radical qui siège dans la majorité; c'est dans vos goûts, car vous vivez de la question religieuse qui met la France en péril.

Marchez donc au combat! Nous vous attendons de pied ferme (Exclamations à gauche) et j'espère que cette fois au moins les catholiques sauront comprendre leur M. Walter. Le Gouvernement a raison devoir. Mais je vous demande de faire une d'agir ainsi. guerre ouverte et loyale. (Applaudissements à droite.)

M. Groussau. Il n'en a pas le droit. Précisément, dans la circonstance actuelle, il y a deux évêques qui sont acceptés par le SaintSiége; le Gouvernement préfère que les sièges restent vacants plutôt que de reconnaître le droit du pape, incontestable pourtant, de ne donner l'institution canonique que quand il juge à propos, en conscience,

de la donner.

M. Eugène Réveillaud. C'est parce qu'on ne s'entend pas qu'il faut se séparer.

M. Bouhey-Allex. C'est la dernière fois que cela se produit.

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Je me souviens d'un mot que vous avez prononcé à la commission de l'enseignement et qui m'a profondément frappé. Critiquant une intervention de M. le ministre de l'instruction publique, vous nous avez déclaré que M. Chaumié nous avait fourni des renseignements «< avec une loyauté dépassant celle des ministres ordinaires ». (Rires à droite et au centre.)

M. le président du conseil. Où voyezvous dans ces paroles une critique à son adresse? C'est son éloge que je faisais.

M. Gustave Rouanet. L'année prochaine (Rires et applaudissements à gauche.) cela n'arrivera plus.

M. Groussau. Je m'arrête, messieurs, car

M. Groussau. C'était peut-être l'éloge de votre collègue, mais que faut-il penser de

Quant à l'absence des motifs du refus, il Je ne veux pas abuser de votre bienveillante la loyauté des ministres ordinaires? Celle

faut observer tout d'abord que, quoique le pape ne soit pas obligé de faire connaître ces motifs, cependant, en fait, habituellement le représentant du pape en informait le gouvernement dans la mesure et le

attention, et je conclus.

M. le président du conseil abandonnant le
rêve d'une Eglise nationale...
M. le président du conseil. Moi, ce

rêve?

M. Groussau. Vous aviez fait ce rève, monsieur le président du conseil.

mode où l'honneur du candidat le permet-
tait. Avec l'entente préalable, cela était
pratique, parce qu'on pouvait s'exprimer de M. le président du conseil. Je regrette,
vive voix; sans entente préalable, c'est monsieur Groussau et avec toute la dé-
beaucoup plus difficile, car s'il faut s'expri- férence que j'ai pour votre personne, je vais
mer par écrit le Saint-Siège ne voudra pas | m'expliquer d'une façon très sincère -- je

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là nous la connaissons. C'est avec cette

loyauté qu'on a pendant si longtemps dé-
claré qu'on combattait le cléricalisme, mais
qu'on respectait de la manière la plus pro-
fonde et la plus absolue le catholicisme et
la religion. Et dans la bataille contre le clé-
ricalisme, c'est le catholicisme et la religion
qui ont reçu tous les coups. (Vifs applau-
dissements à droite.)

M. le président du conseil. C'est vrai.
M. Groussau. Aujourd'hui, c'est la même

chose, monsieur le président du conseil. Vous voulez faire la guerre à l'Eglise, vous voulez dénoncer le Concordat, vous voulez séparer l'Eglise de l'Etat et vous dites, et vos amis disent: Ce n'est pas le Gouvernement qui veut la séparation, c'est le SaintSiège qui veut la rupture.

M. Eugène Réveillaud. Il l'a rendue nécessaire.

M. Groussau. C'est contre cette thèse

Je voudrais répondre brièvement à ces deux questions.

Ne craignez pas, messieurs, que je vienne soutenir ici une thèse théologique; telle n'est point ma pensée. Je voudrais en quelques mots très courts montrer à la Chambre que le pouvoir disciplinaire du pontife romain se trouve affirmé dans le Concordat lui-même, et que cette autorité souveraine, dont le pape a usé à l'égard des deux évê

odieuse et fausse que je proteste. Montrez-ques français, est inscrite en termes exprès

vous donc tels que vous êtes et n'essayez pas de déplacer les responsabilités.

La lutte religieuse que vous allez déchaîner est dangereuse à coup sûr pour l'honneur et pour la prospérité de ce pays; faites-la, du moins, face découverte; les catholiques la soutiendront au prix de tous les sacrifices; ils sont prêts à défendre leurs intérêts les plus chers en défendant l'Eglise. (Vifs applaudissements à droite.)

raud.

dans l'acte diplomatique sur lequel s'appuie
le Gouvernement pour rompre toute rela-

tion avec le Saint-Siège.

Permettez-moi de remonter à la négociation même du Concordat.

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Pourquoi le gouvernement français s'adressa-t-il au pape Pie VII lorsqu'il voulut donner la paix religieuse à notre pays au lendemain de la Révolution? Uniquement parce que le gouvernement français savait très bien que pour régler les conditions de M. le président. La parole est à M. Gay- l'Eglise catholique dans un pays, quel qu'il soit, le seul moyen je ne dis pas seuleconsiste ment le meilleur, mais le seul en une entente avec le Saint-Siège. La raison en est facile à saisir. Le pape, en vertu même de la constitution de l'Eglise, jouit d'une autorité souveraine dans les choses religieuses. Vous le voyez donc, le fait même par le gouvernement français de s'adresser à Rome afin de conclure avec

M. Gayraud. Messieurs, je n'ajouterai que très peu de mots à la démonstration si claire et si documentée de mon honorable collègue et ami M. Groussau.

Deux faits se sont produits depuis la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican, qui méritent, je crois, un instant d'attention de la Chambre.

catholique en France, contient expressé-
ment la reconnaissance officielle de l'auto-
rité souveraine du pape dans l'Eglise.

Le premier, c'est la soumission absolueelle un concordat, pour reconstituer l'Eglise des deux évêques au sujet desquels le Gouvernement est entré en lutte ouverte contre le Saint-Siège. Le Gouvernement avait pensé que le Saint-Siège, en écrivant à ces deux évêques, méconnaissait les droits concordataires de l'Etat et violait la convention de 1801. Or, ces deux évêques s'en sont allés à Rome faire acte de soumission au pape et par là même démontrer à tout l'univers... M. Gabriel Deville. L'inanité du Concor

dat.

Si vous voulez me permettre de vous rappeler quelques articles du Concordat, vous allez voir quelle étendue cette convention diplomatique reconnaît à la puissance souveraine du Saint-Siège.

On a quelquefois parlé, dans cette enceinte, de l'Eglise gallicane, des libertés de l'Eglise gallicane et du gallicanisme. Mais sachez bien que le coup le plus fort qui ait M. Gayraud. ...que les droits du SaintSiège sont fondés et que l'usage fait par le jamais été porté à ces libertés et à cette doctrine, c'est précisément le Concordat de 1801.

pape de son pouvoir disciplinaire n'a rien que de légitime.

Le second fait, qui n'aura pas manqué d'être remarqué de quelques-uns d'entre vous, c'est l'unanimité des catholiques de France, et particulièrement de l'épiscopat, à soutenir le Saint-Siège dans cette affaire. Tous les catholiques français ont été pleinement d'accord pour reconnaître que le Saint-Siège n'a fait qu'une juste application de son pouvoir disciplinaire, tandis que le Gouvernement français, au contraire, violait sans scrupule les engagements pris avec le pape Pie VII lors de la conclusion du

Concordat.

cèses. Ce droit de déposition, que l'on prétendait être limité par le droit canonique, ce droit de déposition, que dans l'ancienne église gallicane on refusait au Saint-Siège, le Concordat le lui attribue, le lui reconnaît avec une plénitude si absolue, on pourrait dire si exorbitante, que des évêques qui s'étaient condamnés eux-mêmes à l'exil, qui avaient souffert la prison pour rester fidèles à leurs engagements épiscopaux; que des évêques contre lesquels on ne trouvait à relever aucun crime, aucun délit canonique, se sont vus, sans jugement, sans aucun procès, du jour au lendemain, sur une signature du pape, pour le seul fait qu'ils ne voulaient pas accepter cette nouvelle circonscription diocésaine, privés de leur siège et de leur juridiction épiscopale. Voilà le pouvoir que le Concordat a reconnu au pape par son article 3.

Si nous lisons l'article 13 de cette convention, nous y voyons que le Gouvernement français reconnaît au Saint-Siège le droit de disposer des biens de l'Eglise de France.

Vous connaissez le texte de l'article 13. Il y est dit : « Sa Sainteté déclare que ni elle, ni ses successeurs ne troubleront en aucune manière les acquéreurs des biens ecclésiastiques aliénés. »>>

M. Hubbard. On renonce à faire un mauvais procès.

M. Gayraud. Attendez! En conséquence, la propriété de ces mêmes biens, les droits et revenus y attachés demeureront incommutables entre leurs mains et celles de leurs ayants cause.

Il y a là une question juridique, je le sais; je ne veux pas la soulever ici, car j'attire l'attention de la Chambre sur ce seul point que, dans la convention concordataire, le gouvernement français a jugé indispensable de rassurer et de couvrir, au point de vue de la conscience, les droits des acquéreurs de biens ecclésiastiques, en faisant intervenir le pape comme s'il en était le véritable propriétaire, comme s'il pou

M. Pierre Poisson. Il y a eu d'autres vait disposer à son gré des biens de l'ancienne Eglise gallicane.

concordats.

M. Gayraud. Permettez! Le Concordat de 1801, dans son article 2, reconnaît au souverain pontife le droit de supprimer les sièges épiscopaux, de créer des circonscriptions épiscopales nouvelles, c'est-à-dire de rayer d'un trait de plume la vieille Eglise de France pour en constituer de toutes pièces

une nouvelle. C'est dans ce fait de la création, au point de vue canonique, d'une noution, au point de vue canonique, d'une nouvelle Eglise en France, entièrement distincte, quant à son institution, de la vieille Pourquoi les deux évêques qui ont été Eglise d'avant le Concordat, c'est dans ce l'origine de cette affaire se sont-ils enfin fait que tous les canonistes et les théolosoumis à l'autorité du pape et ont-ils donnégiens, depuis un siècle, ont signalé le coup la démission que Rome leur demandait? | le plus terrible porté à la doctrine gallicane. D'où vient cette unanimité des catholiques L'article 3 du Concordat va plus loin ende France à reconnaître le pouvoir disciplinaire du Saint-Siège dans une circonstance aussi grave et aussi délicate que celle qui a été exploitée par le Gouvernement français?

Voilà le pouvoir pontifical tel qu'il nous apparaît dans le Concordat. Or je vous ferai remarquer que le Concordat ne crée pas cette souveraine puissance; il la suppose, parce que ce n'est évidemment pas de l'Etat que le pape la tient, ce n'est pas en vertu de la convention conclue avec le Gouvernement français que le Saint-Siège possède l'autorité suprême dans l'Eglise; ce pouvoir préexiste au Concordat, et c'est parce que le pape en est revêtu antérieurement, de par le droit constitutionnel de l'Eglise, que le Gouvernement français traite avec lui.

Donc, vous le voyez, messieurs, la convention de messidor est la preuve que le pape exerce légitimement une autorité souveraine dans l'Eglise, et conséquemment un pouvoir disciplinaire sur les évêques qui demeurent toujours des justiciables du

core: il reconnaît au Saint-Siège ce droit,
jadis si contesté par les gallicans, de dépo-
ser les évêques qui ne voudront pas recon-
naître la nouvelle circonscription des dio- | Saint-Siège.

Est-ce que le Concordat a limité en quelque façon ce pouvoir disciplinaire? Est-ce qu'il y a porté aucune atteinte? Le Concordat a limité l'autorité souveraine du pape dans l'Eglise sur un point: il a concédé au Gou-| vernement français le droit de nomination aux évêchés. En vertu de la convention de messidor, ce n'est plus à l'Eglise de France elle-même, ce n'est plus au Saint-Siège qu'il appartient de nommer les évêques, c'est au Gouvernement français.

Personne ne l'a contesté, le Saint-Siège l'a toujours reconnu. Il s'ensuit que le pape ne peut pas, aujourd'hui, si ce n'est d'accord avec le Gouvernement, transférer un évêque d'un évêché à un autre ou le déposer de son siège. Sur, ces deux points, droit de nomination et droit de déposition, la convention concordataire limite la suprème juridiction du Saint-Siège; mais, en dehors de cette limitation, le pouvoir disciplinaire et l'autorité hiérarchique du pape demeurent intacts sous le régime du Concordat. Voilà pourquoi il est impossible de contester au pape le droit de mander des évêques à Rome pour y rendre compte de leur administration, non plus que le droit de procéder contre eux, s'ils manquent à leur devoir épiscopal, et de les punir canoniquemment, sauf bien entendu cette pénalité qui s'appelle la déposition, pénalité dont le Saint-Siège ne peut frapper un évêque et l'atteindre que si, au préalable, il se met d'accord avec le Gouvernement français.

Nul ne le conteste, messieurs; le droit de nomination, concédé par le Concordat au Gouvernement français, interdit au SaintSiège d'user de son droit de déposition. Sur ce point donc nous sommes d'accord; mais il me semble que, d'après les notes diplomatiques que j'ai eues sous les yeux et que j'ai lues avec beaucoup de soin, il existe une confusion dans l'esprit du Gouvernement français entre la déposition canonique et la peine dont les deux évêques de Laval et de Dijon ont été menacés par le Saint-Siège; cette peine, c'est la suspense de l'exercice du ministère épiscopal.

Je viens de dire, messieurs, que le droit de nomination du Gouvernement français oblige le Saint-Siège à respecter dans les évêques institués par lui après la nomination faite par le Gouvernement cette désignation du siège pour lequel l'évêque est nommé et institué. Si donc une pénalité ecclésiastique avait pour effet d'enlever à l'évêque son évêché, de produire pour employer une expression canonique — la vacance du siège, il est évident qu'elle serait en contradiction avec le droit que le Gouvernement français tient du Concordat; et telle est en réalité la déposition canonique. Mais la suspense de l'exercice du ministère épiscopal n'emporte pas précisément cet effet. L'évêque qui est frappé de cette peine conserve son siège; il n'a plus la faculté d'exercer ses pouvoirs, parce que la discipline ecclésiastique l'en empèche; mais le siège n'est point vacant et par suite la nomination faite par l'Etat français produit

toujours et garde tout son effet concorda- | des pouvoirs épiscopaux qu'il tient uniquetaire. (Mouvements divers.) ment de cette institution. (Très bien! très

M. Mulac. Ce n'est pas là une solution que nous puissions accepter. (Très bien! très bien! à gauche.)

|

bien! à droite.) Ce n'est donc plus une subtilité ni de droit, ni de fait, et cela devient très facile à comprendre. Comme ces fonc

M. Bepmale. Cet évêque continue à tou- tionnaires de l'Eglise - je ne puis dire ces cher ses émoluments! fonctionnaires de l'Etat, car je n'admets pas M. Gayraud. Il est possible que cela vous qu'ils le soient que sont les évêques (Inparaisse étrange; et j'avoue que, s'il s'agis-terruptions à gauche) sont institués par l'Etat sait d'un fonctionnaire de l'ordre civil, il se- et par l'Eglise, ils ne peuvent perdre leur siège rait très difficile de comprendre qu'il pût, que par un accord entre l'Etat et l'Eglise. par exemple, rester juge dans tel tribunal Mais, comme ils reçoivent de l'Eglise seule et en même temps être privé de tout droit leurs pouvoirs épiscopaux, l'Eglise peut, de rendre la justice. (Mouvements divers.) toute seule, pour des raisons de discipline, Mais remarquez, messieurs, que, d'après le leur enlever l'usage de ces droits. Concordat, deux autorités concourent à faire un évêque le Gouvernement par la nomination et le Saint-Siège par l'institution canonique. Si le Gouvernement fait seul la nomination, le Saint-Siège donne seul l'institution canonique. Si le Gouvernement, en tant qu'il fait la nomination, indique seul le siège de l'évêque, il est évident que le Saint-Siège, parce que, seul, il donne l'institution canonique, confère seul les pouvoirs épiscopaux.

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Je crois que personne ici n'osera prétendre que c'est la nomination du Gouvernement qui confère à un prêtre les pouvoirs épiscopaux dans un diocèse déterminé. Tout le monde reconnaît que les pouvoirs épiscopaux sont donnés uniquement par le Saint-Siège.

M. Chaussier. Mais vous démontrez là d'une façon évidente l'absurdité du Concordat! Demandez-en donc l'abrogation avec nous. (Très bien! très bien! à gauche.)

M. Gayraud. Nous nous expliquerons sur ce point, monsieur Chaussier, quand cette discussion viendra; ne craignez rien. En ce moment, j'expose la question au point de vue concordataire. Quand vous voudrez dénoncer le Concordat et bientôt peutêtre la discussion s'ouvrira à ce sujet dans cette enceinte nous tâcherons d'être là pour répondre à vos arguments et exposer nos idées. Permettez-moi de suivre mon raisonnement.

J'accepte le principe énoncé dans l'un des documents diplomatiques qui ont paru au Journal officiel; je reconnais que ce que l'Etat et l'Eglise, dans la question de la nomination des évêques, ne peuvent faire qu'ensemble, ils ne peuvent aussi le défaire que par un accord mutuel. Pour créer un évêque en France il faut le concours de l'Etat et de l'Eglise; pour déposer un évêque, il faut aussi le concours de l'Etat et de l'Eglise; j'admets la conséquence.

Mais pour donner à un évêque l'institution canonique, il faut simplement un acte du Saint-Siège; seul, le Saint-Siège donne et peut donner cette institution c'est le droit concordataire.

Je me reporte done au principe posé tout à l'heure et je dis ce que le Saint-Siège seul peut faire, seul il suffit à le défaire. Or la suspense n'a précisément pour effet que d'enlever en partie le bénéfice de l'institution canonique, en ôtant à l'évêque l'usage

Telle est la vraie doctrine concordataire. Il me paraît fort inutile, messieurs, d'insister sur la distinction entre le Concordat et les articles organiques. On l'a rappelé maintes fois à cette tribune, le Saint-Siège n'a jamais admis la valeur diplomatique des articles organiques. Il est possible que les articles organiques soient une loi française...

M. le président du conseil. Comment! il est possible?

M. Gayraud. Voulez-vous, monsieur le président du conseil, que je vous lise le passage du discours de Portalis où, précisément, ce jurisconsulte dénie ce caractère aux articles organiques?

M. le président du conseil. On les appelle la loi du 18 germinal an X. (Très bien! très bien! à gauche.)

M. Gayraud. Si vous le désirez, je vous lirai ce passage; il se trouve dans le discours de Portalis du 5 avril 1801 au Corps législatif.

Mais je ne veux pas traiter ici cette question. J'admets, si vous le voulez, pour le moment, que les articles organiques soient une loi française. Il est bien certain que le Gouvernement français ne peut jamais avoir la prétention d'imposer une loi française au Saint-Siège qui n'est pas sujet français.

M. Léopold Fabre. Il peut l'imposer aux évêques qui, eux, sont des citoyens français. (Applaudissements à l'extrême gauche et à gauche.)

M. Gayraud. Mais il ne s'agit pas ici des évêques, monsieur Fabre! il s'agit du SaintSiège. (Mouvements divers.) Voilà pourquoi je disais tout à l'heure: Je ne veux pas discuter la question de savoir si les articles organiques sont une loi française. Moi, je ne l'admets pas.......

M. Léopold Fabre. Elle a été promulguée! M. Hubbard. Et elle n'a jamais été abrogée!

M. Gayraud. ...et je ne l'admets pas pour la raison donnée par Portalis lui-même dans son discours de 1801 au Corps législatif, à savoir que ces matières ne sont pas de la compétence du législateur civil. (Bruit à l'extrême gauche.)

Je vous renvoie, messieurs, au discours de Portalis. (Interruptions à l'extrême gauche et à gauche.)

Mais enfin, soit! je passe sur ce point.
M. Jaurès. Votre discours est l'exposé des

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