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la signature des préliminaires de paix jusqu'aux troubles de Paris, que le seul obstacle à la reprise du travail était dans le désordre de la rue. Dans ces conditions, votre commission estime que les trois termes d'octobre 1870, janvier et avril 1871, devront être seuls considérés comme en dehors du droit commun. Le terme de juillet appartient à l'avenir, et nous ne devons pas avoir une méfiance exagérée de cet avenir.

La commission a été saisie d'un amendement de M. Barthe, relatif à la résiliation des baux au profit des locataires.

Le contre-projet de M. Ducuing autorisait également la résiliation des baux au profit des locataires dans le cas où les propriétaires ne consentiraient pas à une réduction de 25 p. o/o sur le montant du loyer annuel.

La commission n'a pas cru pouvoir suivre sur ce terrain nos honorables col- Pas de résiliation lègues.

L'avenir seul dira quelle est la valeur prochaine des baux; et vouloir étendre à des années inconnues l'influence des événements que nous avons à apprécier, c'est risquer de se tromper en fait.

Est-il besoin d'ajouter que c'est se tromper à coup sûr en droit que donner aux locataires la faculté de résilier les baux, c'est porter au droit de propriété l'atteinte la plus irréparable?

Si la jouissance des années à venir est troublée, si un intérêt quelconque, politique ou autre, commande d'aviser, il sera possible de faire ce qui sera commandé par les circonstances; mais il faut attendre, avant de prendre un parti, que le trouble en question se soit produit.

On a pu résoudre par un expédient la difficulté des neuf mois qui ont été si pénibles à traverser pour le commerce et l'industrie, à cause du siége. Lorsqu'une nouvelle difficulté viendra à surgir, on pourra chercher quelque nouvel expédient pour la résoudre.

Tant qu'il n'était question que de liquider une insolvabilité actuelle, on pouvait choisir les moyens les plus propres à faire une liquidation prompte et équitable. On pouvait délier par une sorte de concordat amiable un débiteur insolvable, parce que son insolvabilité était un fait; mais on ne peut pas délier de la même façon un débiteur parce qu'il peut, dans un avenir qu'on ne connaît pas, devenir insolvable à son tour. Cette insolvabilité n'est pas un fait, ce n'est qu'une supposition gratuite. Ce n'est pas que la commission prétende porter un jugement sur la question de savoir s'il s'est produit ou non, pendant le siége de Paris, des cas de force majeure qui pourraient amener la résiliation des baux. Les tribunaux ordinaires et le droit commun sont suffisants pour l'apprécier, et la commission a introduit un article dans la loi pour bien indiquer que la loi actuelle ne modifie en rien la législation générale sur ce point; mais elle n'a pas cru devoir aller au delà et elle pense que l'Assemblée n'ira pas plus loin qu'elle.

Bien d'autres questions auraient pu être traitées par la commission, questions soulevées d'ailleurs par quelques-uns de nos collègues, par les membres de la commission ou par les pétitions nombreuses que l'Assemblée a renvoyées à la commis

des baux. Ce point rése, vé aux tribunaux.

Locataires principaux et locataires particuliers.

Maitres d'hôtels garnis.

Conclusion,

sion; mais pour faire une loi pratique il fallait la restreindre et ne pas entrer dans
une voie de réglementation dont on n'aurait pas pu sortir. La situation de certains
propriétaires par rapport à certains locataires principaux et de ces principaux loca-
taires par rapport aux locataires particuliers a spécialement attiré l'attention de
quelques personnes qui auraient voulu que la loi déterminât la part des locataires
principaux et, par suite, la part des propriétaires dans la perte que les sentences des
jurys pourront faire subir sur les loyers. Il a semblé à la commission qu'il fallait.
s'en rapporter à l'équité des jurys. Les contestations entre locataires principaux et
locataires particuliers et entre locataires principaux et propriétaires viendront sé-
parément devant les jurys et donneront lieu à des sentences que nous devons
poser équitables.

sup

Une autre classe fort intéressante de personnes qui se rapproche de celle des localaires principaux est celle des maîtres d'hôtels garnis. L'industrie des maîtres d'hôtels a eu à souffrir autant et peut-être plus que toute autre, cela est vrai; mais il n'a pas semblé à la commission que cette industrie dût faire néanmoins l'objet de dispositions spéciales. Les jurys apprécieront si la jouissance commerciale des immeubles loués par des maitres d'hôtels garnis a été altérée ou diminuée par l'investissement, et ils décideront en conséquence. Quant à la situation déplorable qui leur a été faite par les réquisitions qu'ils ont eu à subir du fait des maires d'arrondissements ou de la mairie centrale, c'est à l'autorité qu'il appartient de décider si elle leur doit, dans certains cas, une indemnité; c'est aux maîtres d'hôtels à considérer si le droit commun ne leur donne pas une action pour recouvrer ce qui leur semblerait dû; la loi actuelle n'a pas à s'en préoccuper.

En résumé, la loi, telle que la commission en propose l'admission, accepte l'idée des commissions arbitrales, mais les transforme en jurys véritables ayant à leur tête un magistrat directeur et composés par un tirage au sort sur une liste offrant des garanties à toutes les parties.

Elle limite la compétence de ces jurys aux trois termes d'octobre 1870, janvier et avril 1871.

Elle étend le pouvoir que le projet du Gouvernement leur donnait en ce qui concerne les réductions sur le montant des termes de loyer, et ne fait aucune distinction à cet égard entre les locations personnelles, professionnelles, commerciales et industrielles.

Elle limite néanmoins leur pouvoir de réduction sur le montant des termes dus aux cas d'altération, de diminution ou de suppression de jouissance, leur laissant d'ailleurs pleine liberté pour apprécier comme ils l'entendront ce qui peut constituer une altération, une diminution ou une suppression de jouissance. Cette disposition rendra, il est vrai, très-difficile aux locataires qui n'exercent pas d'industrie d'obtenir une réduction sur le montant de leurs termes de loyer; cependant, comme il y a eu en fait, même pour les locations personnelles, des suppressions ou des altérations de jouissance, la commission a pensé qu'elle ne pouvait pas priver du bénéfice des réductions les locataires qui se seraient trouvés dans ce cas. Elle accorde enfin une indemnité de moitié aux propriétaires qui abandonneraient le

montant de ce qui leur reste dû en ce qui regarde les petites locations; elle fait supporter la dépense de cette indemnité au département de la Seine.

Elle laisse aux tribunaux ordinaires le soin de juger les contestations relatives aux prétentions de résiliation de baux, et d'ailleurs toutes les contestations qui ont un autre objet que le payement des trois termes en question.

Le paragraphe VII contient l'énumération des quinze amendements. qui ont été présentés à la commission par divers membres de l'Assemblée. (On les trouvera dans le compte rendu de la discussion ci-après.) Puis vient le texte du projet de la commission ainsi conçu :

PROJET DE LA COMMISSION (1).

ART. 1. Dans les huit jours qui suivront la promulgation de la présente loi, il sera institué dans chacun des quartiers municipaux de Paris et dans les cantons du département de la Seine un ou plusieurs jurys spéciaux, sous la présidence du juge de paix, ou de l'un de ses suppléants, ou d'une autre personne désignée par le président du tribunal civil.

Si, pour l'expédition des affaires, la subdivision du quartier ou du canton paraît nécessaire, il y sera pourvu par un décret du chef du pouvoir exécutif, qui déterminera les limites de chacune des sections.

Les jurys spéciaux seront composés, outre le président, de quatre membres, savoir :

1° De deux propriétaires de maisons, boutiques, bâtiments, jardins, emplacements et dépendances immobilières;

2° De deux locataires de mêmes ob

RÉDACTION VOTÉE

PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE.

ART. 1. Comme ci-contre pour les

trois premiers alinéa.

Deux propriétaires d'immeubles et deux locataires.

Amendements.

jets.

Pour mieux faire comprendre le compte rendu de la discussion compliquée d'où est sortie la loi du 21 avril 1871, on place en regard du projet de la commission le texte des articles votés par l'Assemblée nationale. Le tome I" du recueil, pages 357 et 361, contient, outre le texte promulgué de la loi du 21 avril 1871, celui de la loi du 6 janvier 1872, qui a limité au 31 mars de la même année le fonctionnement des jurys spéciaux.

ART. 2. Immédiatement après la promulgation de la loi, il sera dressé, sur la présentation des juges de paix des vingt arrondissements de Paris et des cantons du département de la Seine, par les soins du président du tribunal civil et du président du tribunal de commerce conjointement, pour chaque arrondissement municipal et pour chaque canton, deux listes contenant l'une les noms de cent propriétaires, l'autre les noms de cent locataires.

Sur ces listes, le juge de paix, en audience publique, tirera au sort les noms des propriétaires et locataires appelés à former avec lui, ses suppléants ou les personnes désignées par le président du tribunal civil, les jurys spéciaux.

Lesdits membres seront désignés pour une session de trois jours au plus; néanmoins, toute affaire commencée devra être jugée par le jury devant lequel elle aura été portée.

En cas de refus non justifié, le juré non comparant sera condamné par le président du jury à une amende de 500 francs. Tout juré qui aura fait le service pour une session sera dispensé, sur sa demande, pour la session sui

vante.

ART. 3 (nouveau). Les séances seront publiques. Les parties auront la faculté de comparaître en personne ou par mandataires; elles ne pourront, en tous cas, présenter que de simples observations ou conclusions, sans procédure ni plaidoirie.

ART. 4. Chacun des jurys spéciaux, dans la circonscription pour laquelle il aura été institué, aura seul compétence, à l'exclusion de toute autre juridiction, à l'effet de statuer, conformément aux

ART. 2. Comme ci-contre.

ART. 3. Comme ci-contre.

ART. 4. 1 alinéa, comme ci-contre, moins les mots sans frais et les mots : loyers restant dus au lieu de loyer exigible.

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2o alinéa, comme ci-contre, avec l'adjonction suivante :

Le délai sera de quinze jours, à partir de la notification de la décision, pour ce recours, qui sera formé, notifié, jugé conformément aux prescriptions de l'article 20 de la loi du 3 mai 1841 sur l'expropriation et dispensé d'amende.

Lorsqu'une décision aura été cassée, l'affaire sera renvoyée devant un nouveau jury des mêmes quartier, canton ou subdivision. Ce jury sera composé d'autres membres.

L'opposition contre les décisions des jurys spéciaux rendues par défaut sera formée et admise conformément aux articles 20, 21 et 22 du Code de procédure civile.

ART. 5. Les jurys spéciaux auront la faculté d'accorder sur le prix des trois termes de loyers ci-dessus, quelle que soit la nature des locations, des réductions proportionnelles au temps pendant lequel les locataires auront été privés matériellement de la jouissance de tout ou partie des lieux loués.

Si les locations ont un caractère industriel ou commercial, ils pourront accorder des réductions proportionnelles au temps pendant lequel les locataires auront subi, par suite des événements du siége, une privation ou une diminution dans la jouissance industrielle ou commerciale prévue par les parties.

Lorsqu'il n'y aura eu ni diminution ni

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