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INDEMNITÉS GÉNÉRALES

POUR LES DOMMAGES DE LA GUERRE.

I

LOI DU 6 SEPTEMBRE 1871 (1)

QUI ACCORDE UN DÉDOMMAGEMENT : 1 DE 100 MILLIONS À TOUS CEUX QUI ONT EU À supporter PENDANT LA GUERRE DES CONTRIBUTIONS ET DES DOMMAGES MATÉRIELS; 2° DE 6 MILLIONS À CEUX QUI ONT souffert des opérations du second siége de PARIS.

N° 8.

PROJET DE LA COMMISSION.

ART. 1. Les contributions de guerre, les réquisitions soit en argent, soit en nature, les amendes et les dommages

rédaction votée par l'assEMBLÉE NATIONALE.

Considérant que, dans la dernière guerre, la partie du territoire envahie par l'ennemi a supporté des charges et subi des dévastations sans nombre; que les sentiments de nationalité qui sont dans le cœur de tous les Français imposent à l'État l'obligation de dédommager ceux qu'ont frappés dans la lutte commune ces pertes exceptionnelles.

L'Assemblée nationale, sans entendre déroger aux principes posés dans la loi du 10 juillet 1791 et le décret du 10 août 1853, décrète :

Art. 1. Un dédommagement sera accordé à tous ceux qui ont subi, pendant l'invasion, des contributions de

La loi du 6 septembre 1871 est intervenue à la suite de la proposition faite par MM. Claude (de la Meurthe), Laflize, Berlet, Ancelon et Viox. Voir le texte de la proposition et le rapport de la commission de l'Assemblée, tome II du Recueil, p. 393 et suiv., et les documents relatifs à l'exécution de la loi, jusqu'au mois d'août 1872, même tome, p. 403 à 421. — Pour plus de clarté, on fait précéder le compte rendu de la discussion des textes comparés du projet de loi de la Commission et de la loi votée par l'Assemblée.

matériels directs que la guerre et l'in

vasion ont fait subir aux habitants, aux communes et aux départements d'une partie du territoire français seront supportés par toute la nation.

ART. 2. Ces contributions, réquisitions, amendes et dommages seront constatés par la double enquête à laquelle il est, en ce moment, procédé sous la direction, d'une part, de la commission des départements envahis, d'autre part, de M. le Ministre de l'intérieur.

ART. 3. Une loi postérieure, rendue sur un second rapport de la commission saisie de l'examen de la proposition de MM. Claude (de la Meurthe), Laflize, Berlet, Ancelon, Viox, fixera le mon„ant des indemnités à payer par l'État, ainsi que la répartition aux ayants droit et le mode de payement.

guerre, des réquisitions soit en argent, soit en nature, des amendes et des dommages matériels.

ART. 2. Ces contributions, réquisitions, amendes et dommages seront constatés et évalués par les commissions cantonales qui fonctionnent en ce moment sous la direction du Ministre de l'intérieur.

Une commission départementale revisera le travail des commissions cantonales et fixera le chiffre définitif des pertes justifiées. Cette commission sera composée du préfet, président, de quatre conseillers généraux désignés par le conseil général et de quatre représentants des Ministres de l'intérieur et des finances.

ART. 3. Lorsque l'étendue des pertes aura été ainsi constaté, une loi fixera la somme que l'état du Trésor public permettra de consacrer à leur dédommagement et en déterminera la répartition.

Une somme de cent millions de francs (100,000,000') sera mise immédiatement à la disposition du Ministre de l'intérieur et du Ministre des finances et répartie entre les départements au prorata des pertes qu'ils ont éprouvées, pour être distribuée par le préfet, assisté d'une commission nommée par le conseil général et prise dans son sein, entre les victimes les plus nécessiteuses de la guerre et les communes les plus obérées. Cette première allocation fera partie de la somme totale attribuée à chaque département pour être répartie entre tous les ayants droit.

ART. 4. Une somme de six millions de francs (6,000,000') est également mise à la disposition des Ministres des finances et de l'intérieur pour être, sauf règlement ultérieur, répartie entre ceux qui ont le plus souffert des opérations d'attaque dirigées par l'armée française pour rentrer dans Paris.

ART. 5. Indépendamment des dispositions qui précèdent, les contributions en argent perçues à titre d'impôts par les autorités allemandes seront réglées ainsi qu'il suit :

S 1. Les communes qui ont versé des sommes à titre d'impôts seront remboursées de leurs avances par le Trésor.

§ 2. Les contribuables qui justifie

ront du versement de sommes au même titre, soit entre les mains des Allemands, soit aux autorités municipales françaises, seront admis à en appliquer le montant en déduction de leurs contributions de 1870 et 1871.

Ils seront tenus de produire, dans le délai d'un mois, leurs pièces justificatives.

$ 3. Le règlement ci-dessus spécifié comprendra : 1° le montant de l'impôt direct français; 2° le double de cet impôt, comme représentation des impôts. indirects réclamés par les Prussiens. Tout ce qui, dans les versements, excédera l'impôt direct doublé sera considéré comme simple contribution de guerre et régi par les principes posés dans les articles précédents.

M. Lambrecht.

M. Thiers.

N° 9.

DISCUSSION À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

DE LA LOI DU 6 SEPTEMBRE 1871.

PREMIÈRE DÉLIBÉRATION.

Séance du 3 juillet 1871.

M. LAMBRECHT, Ministre de l'intérieur. Messieurs, l'ordre du jour appelle la première délibération sur la proposition tendant à faire supporter par toute la France les dommages causés par la guerre.

Le Gouvernement ne fait pas d'opposition à ce que l'Assemblée passe à la deuxième délibération; seulement, il croit convenable de déclarer qu'il ne compte pas discuter aujourd'hui la très-grave question que soulève la proposition.

Vous savez, Messieurs, qu'il ne s'agit de rien moins, dans cette proposition, que de prendre des engagements pour une somme probablement très-considérable. Je dis probablement », parce que nous n'avons pas encore de chiffre que nous puissions vous fournir avec quelque exactitude.

Il y a ici, d'ailleurs, des questions de principe et des questions de fait sur lesquelles, je le répète, le Gouvernement ne compte pas engager dès aujourd'hui une discussion qu'il réserve pour la seconde délibération. (Très-bien! très-bien!) L'Assemblée décide qu'elle passera à la seconde délibération.

deuxième dÉLIBÉRATION.

Séance du 27 juillet 1871.

M. THIERS, Chef du Pouvoir exécutif. Je demande la parole.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. le Chef du Pouvoir exécutif.

M. THIERS, Chef du Pouvoir exécutif. Messieurs, je viens, d'accord avec le président et le secrétaire de la Commission, vous prier de remettre à demain en huit la discussion qui allait s'engager aujourd'hui.

Je n'ai été averti que ce matin de la fixation de l'ordre du jour. Il est impossible, dans une question si grave, de pouvoir, sans avoir recueilli tous les documents, vous donner tous les éclaircissements nécessaires, pour vous mettre à même d'émettre un vote vrai et juste.

J'espère d'ailleurs que, dans l'intervalle qui va s'écouler, nous pourrons arriver à un rapprochement avec la Commission et vous apporter une transaction qui satisfera les intérêts de ceux qui, je le reconnais, ont souffert, mais aussi les intérêts de l'État, qui a, lui aussi, beaucoup souffert et qui mérite de grands ménagements. (Très-bien! très-bien!)

Si donc vous voulez nous accorder cette remise, nous pourrons soutenir plus utilement la discussion et la rendre plus lumineuse; peut-être même, si nous sommes parvenus à nous mettre d'accord, n'aurons-nous pas besoin de discussion, sauf celle qui sera nécessaire pour que l'accord qui sera intervenu ait la sanction de votre volonté souveraine. (Très bien! très-bien!)

Le renvoi à huitaine est prononcé après quelques observations de divers membres de l'Assemblée.

Séance du 4 août 1871.

rapporteur.

M. ALBERT GRÉVY, Rapporteur. Messieurs, en venant le premier prendre la pa- M. Albert Grévy, role dans cette discussion, le rapporteur de votre Commission se conforme aux désirs exprimés par M. le Chef du Pouvoir exécutif. L'accord entre le Gouvernement et la Commission, que M. le Président du conseil vous faisait pressentir la semaine dernière, nous paraît être aujourd'hui, au moins sur les points principaux, un fait à peu près accompli. (Très-bien!)

Cependant, Messieurs, M. le Président du conseil a désiré que, dans une affaire aussi grave, la Commission vînt d'abord exposer devant l'Assemblée son projet, l'expliquer, le justifier, se proposant de venir ensuite lui-même dire les points sur lesquels nous sommes absolument d'accord et ceux sur lesquels il croirait devoir faire quelques réserves. Nous espérons, et très-sincèrement, qu'après l'exposé auquel on nous convie l'adhésion du Gouvernement sera complète, et que nous ne serons plus alors qu'en face de ceux de nos honorables collègues qui, jeudi dernier, ont manifesté l'intention de combattre le projet; - ou plutôt, qu'eux-mêmes aussi me permettent d'espérer que les explications que je vais donner dissiperont l'erreur de fait, l'erreur de chiffres, qui m'a paru être la cause principale de leurs préoccupations et de leur opposition; et que dans une question si éminemment nationale cette grande Assemblée, qui représente la France, voudra rester unie, comme la France elle-même fut unie pendant la guerre. (Très-bien! très-bien! - Applaudissements.)

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Messieurs, le projet de la Commission et la proposition déposée par M. Claude et ses amis soulèvent une double question, - l'une de principe, l'autre de fait, d'application, de possibilité financière.

de réparer

les dommages

de la guerre ?

Les pertes exceptionnelles causées par la guerre dans les départements envahis L'État est-il tenu doivent-elles rester à la charge, et à la charge exclusive, de ceux qui les ont subies? ou bien, au contraire, ces pertes n'ont-elles point un caractère national, et dès lors la responsabilité de l'État n'est-elle point engagée? Telle est la question de principe; son importance, à tous les points de vue, ne saurait échapper à personne, - et je dois ajouter immédiatement qu'au milieu de leurs souffrances et de leurs. misères, par une pensée de patriotique prévoyance qui domine toutes les considérations personnelles, c'est surtout et avant tout la consécration de ce principe que sollicitent de vous les populations des départements envahis, le considérant comme un principe essentiel de la solidarité nationale. (Marques nombreuses d'assentiment.)

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