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pas demander d'imposer au Trésor une charge nouvelle, il ne s'agit point de crédits à ouvrir, toute difficulté de trouver les voies et moyens nécessaires est écartée.

Une partie des crédits destinés au payement des 3 milliards d'indemnité de guerre fait double emploi avec les souscriptions volontaires, qui auraient été plus considérables si le sacrifice public n'avait point rendu en quelque sorte superflus les sacrifices privés.

:

Les sommes versées ne sauraient être distraites de la destination précise qui leur a été assignée par les donateurs. Mais le Trésor a moins à payer une portion des crédits votés devient libre, elle peut recevoir une autre application. Nous demandons de faire affecter cet excédant à nos malheureux frères d'Alsace et de Lorraine qui conservent la nationalité française.

En présence de grandes souffrances à soulager et d'un grand devoir à remplir, une position exceptionnelle nous permet, sans imposer un nouveau sacrifice au pays et sans obérer le budget, de donner aux fonds devenus libres une affectation généreuse.

Nous avons l'honneur de vous présenter la proposition suivante :

ARTICLE UNIQUE. Sur les crédits votés pour le payement de l'indemnité de guerre, une somme égale à celle des versements volontaires affectés à la même destination sera employée pour venir en aide aux Alsaciens et Lorrains qui conservent la qualité de Français.

Application aux AlsaciensLorrains d'une portion

du crédit voté pour l'indemnité de 5 millions

égale

aux versements

des souscriptions volontaires.

N° 101.

RAPPORT

FAIT, AU NOM DE LA COMMISSION CHARGÉE D'EXAMINER LA PROPOSITION EN FAVEUR DES ALSACIENS
ET LORRAINS QUI CONSERVENT LA QUALITÉ DE FRANÇAIS (urgence déclarée),

par M. WOLOWSKI, membre de l'Assemblée nationale, à la séance du 9

décembre 1872.

Votre Commission chargée d'examiner la proposition de loi en faveur des émigrés alsaciens et lorrains s'est prononcée d'une manière unanime pour l'adoption du projet.

Elle s'associe pleinement à la résolution d'allouer sur les crédits votés pour le payement de l'indemnité de guerre une somme égale à celle des versements volontaires, qui resteront acquis au Trésor, et d'employer cette somme à venir en aide aux Alsaciens et Lorrains qui conservent la qualité de Français.

Ceux qui ont obéi à la généreuse pensée de contribuer à la libération du territoire se féliciteront doublement du sacrifice consenti, puisqu'en facilitant le payement de la dette contractée vis-à-vis de l'étranger ils rendent disponible une ressource équivalente pour alléger, dans une certaine mesure, la douloureuse situation de nos compatriotes d'Alsace et de Lorraine.

Les souscripteurs à l'œuvre de la libération du territoire auront ainsi procuré en partie la libération morale du pays vis-à-vis d'une grande et noble infortune.

Souscriptions volontaires.

Comité

des femmes de France. Versement au Trésor

de

7,050,000 fr. Restitutions.

Somme

disponible.

Au mois de septembre dernier, ainsi que le constate une note insérée au Journal officiel du 21 septembre 1872,

Le comité central de la souscription patriotique, agissant en vertu du caractère privé et d'initiative individuelle que le Gouvernement a toujours entendu lui conserver, a versé au Trésor les sommes recueillies par ses soins, à la condition que ces sommes seraient comprises dans le plus prochain versement à faire au Gouvernement allemand.

Votre souscription, dit une circulaire envoyée par le ministère des finances à ceux qui réclamaient le retrait des sommes versées par eux, a donc ainsi reçu une destination conforme à vos intentions primitives, et, à ce titre, votre demande ne serait pas fondée en droit. Toutefois, comme le Trésor n'entend affecter à la libération du territoire que les sommes qui lui seront abandonnées librement et sans restriction par les donateurs, je suis disposé à rembourser les sommes versées.▸

La circulaire indiquait les conditions à remplir pour justifier d'une part personnelle prise à la souscription.

Le comité des femmes de France avait fixé au mois de juillet dernier le délai au delà duquel aucune des réclamations ne pourrait plus être admise. C'est longtemps après l'expiration de ce terme, au 20 septembre 1872, que M. Dalloz, président, fit au Trésor le versement des sommes disponibles, qui s'élevaient à 7,050,000 francs.

Les restitutions opérées par le ministère des finances s'élevaient, au 4 décembre, à 1,205,000 fr. 76 cent., et les demandes en instance étaient de 1,892,350 francs. En admettant que ces dernières fussent toutes accueillies, bien qu'une partie d'entre elles concerne le produit de concerts, représentations, quêtes et autres dons, qui ne portent aucun caractère individuel, la somme restant disponible dans les caisses du Trésor serait de 5,656,375 fr. 98 cent.

En effet, au versement fait par le comité central de l'œuvre des femmes de France (7,500,000 francs) sont venues s'ajouter les souscriptions de la France et de l'étranger reçues directement et s'élevant à 905,045 fr. 26 cent. Le total réuni était de 7,955,055 fr. 26 cent.

Votre Commission croit faire une appréciation modérée en estimant à 6 millions environ la somme disponible qui doit rendre libre au Trésor pareille valeur sur les crédits votés pour la libération du territoire.

Il reste à réaliser de nombreux dons en objets divers et un certain nombre de souscriptions en argent faites soit à l'œuvre des femmes de France, soit dans d'autres comités.

Elle approuve le scrupule dont l'Administration des finances s'est rendue l'interprète vis-à-vis des souscripteurs qui ont réclamé le montant de leurs versements: Ceux qui ont voulu prendre ce parti ont sans doute presque tous déjà formulé leur demande; d'ailleurs beaucoup d'entre eux ne l'ont fait que pour consacrer les sommes retirées à des versements directs en faveur des comités chargés de secourir les Alsaciens et Lorrains.

Du moment où une destination analogue est donnée aux fonds de l'État, devenus

libres par suite de la souscription patriotique pour la libération du territoire, il est permis de croire que la pensée généreuse des donateurs admettra sans hésitation un pareil résultat.

Des exemples nombreux viennent à l'appui de cette espérance. Déjà le comité de Constantine, qui avait réuni plus de 100,000 francs pour la libération du territoire, ayant déclaré qu'il emploierait au secours des Alsaciens et Lorrains les souscriptions qui n'auraient pas été réclamées dans un délai déterminé, n'a vu effectuer qu'un chiffre insignifiant de retraits; la somme primitive a pu, presque en entier, servir à la destination nouvelle qu'il lui attribuait.

Le comité de New-York a consacré aussi à l'œuvre d'Alsace-Lorraine une somme de plus de 200,000 francs, réunie pour la libération du territoire français.

Afin de ne laisser subsister aucun sujet de plainte, votre Commission pense que le Ministre des finances devra fixer, à partir de la promulgation du décret qu'elle présente à votre sanction, un délai après l'expiration duquel aucune demande de retrait ne serait plus admise.

Si quelques réclamations s'ajoutaient à celles formulées jusqu'ici, elles seraient sans doute plus que compensées par les excédants probables et par un appel que feraient les comités aux souscriptions conditionnelles, qui viendraient se réaliser en partie, afin d'accroitre les sommes disponibles en faveur des émigrés alsacienslorrains.

Votre Commission a cru pouvoir admettre un total d'environ 6 millions de francs. Néanmoins, pour conserver au projet la portée que lui ont donnée les signataires de la proposition, et pour éviter tout risque de mettre à la charge de nos finances, déjà si obérées, aucune nouvelle contribution, votre Commission vous demande d'ouvrir, sur l'exercice 1873, un premier crédit de 3 millions, sauf à compléter cette allocation par un crédit complémentaire après l'expiration du délai qui aura été fixé pour les retraits (art. 2).

L'urgence des besoins auxquels il importe de satisfaire justifie ce mode de procéder.

Votre Commission, se renfermant dans la mission que vous lui avez confiée, n'a pas cru pouvoir s'occuper de l'attribution et de la répartition des fonds que vous aurez votés. Elle pense que ce soin devra être délégué à une commission instituée par M. le Ministre de l'intérieur; elle sera chargée de régler et de surveiller l'emploi des ressources destinées à venir en aide aux réfugiés alsaciens et lorrains qui conservent la qualité de Français.

Les études et enquêtes qu'elle devra entreprendre seront grandement facilitées par les travaux des comités spontanément établis à Paris et dans nombre de villes des départements (").

L'œuvre ne laissera pas que d'être aussi laborieuse qu'importante. Il ne s'agit pas

(1) Il en a été fondé à Saint-Dié, Épinal, Gray, Lyon, Charleville, Troyes, Nantes, Fontainebleau, Bar-le-Duc, Genève, Toulouse, Roubaix, Nevers, Pont-à-Mousson, Nîmes, Bruxelles, Nice, etc.

Comite

de Constantine.

Comité de New-York.

Ouverture d'un premier

crédit

de 3 millions.

Commission

pour

la distribution

des fonds.

Comités des

départements.

Application

d'une partie des fonds aux frais d'éducation.

Projets de colonisation.

Comités d'Alsace

Lorraine.

uniquement de pourvoir, au moyen de secours temporaires, à des misères désolantes: ce sera une partie fort utile de l'œuvre de la commission nommée par le Gouvernement et aidée par les travaux déjà poursuivis dans ce but. Mais elle voudra, sans doute, porter ses vues plus loin : à côté d'une assistance éphémère, elle s'occupera aussi d'une assistance plus durable et plus féconde; elle recherchera les moyens d'aider à l'emploi des forces productives dans l'industrie et dans l'agriculture, en facilitant l'accès de la propriété, soit en France, soit en Algérie.

:

L'Alsace et la Lorraine ont toujours été au nombre des régions qui ont le plus développé l'enseignement, sous toutes les formes c'est l'éducation, largement repandue, qui en faisait la richesse et la force. Sans vouloir diriger les vocations, sans attirer artificiellement la jeunesse dans certaines carrières, il serait utile d'affecter une partie des fonds disponibles à venir en aide aux directions déjà données. Il s'agit de mettre les jeunes Alsaciens et Lorrains à même de poursuivre les carrièrès auxquelles ils se destinaient avant la guerre, et de continuer une éducation interrompue par de lamentables événements.

Ceux qui souffrent le plus de la perte de leur modeste position, ce sont les hommes qui consacraient une partie notable de leur revenu à l'instruction de leurs enfants. On est naturellement amené à s'inspirer de ce que commande une position aussi intéressante, en acquittant les droits d'inscription des élèves inscrits dans les facultés, en aidant à l'admission dans les établissements d'instruction, et surtout en facilitant l'entrée des enfants dans les écoles professionnelles ou dans les établissements agricoles.

De cette manière, au lieu de voir disparaître des sommes considérables, on les utilisera d'une manière féconde pour l'avenir de ceux qui profiteront d'une assistance morale efficace et prévoyante.

De nombreux projets ont été communiqués à votre Commission, notamment en faveur des orphelinats agricoles, ou d'une colonisation des émigrés alsaciens et lorrains qui voudraient s'établir, soit en France", soit en Algérie. Nous n'avions peint la mission de statuer en cette grave matière; les simples indications que nous venons de fournir suffisent pour montrer que le principe fondamental, à nos yeux, a été de profiter de tous les modes d'occupation et d'instruction pour les émigrés alsaciens-lorrains, mais sans peser en rien sur leurs déterminations, et en conser vant autant que possible les directions déjà suivies. Nous devons, au lieu de faire servir les Alsaciens et Lorrains à des projets préconçus, nous occuper de remédier aux conséquences d'un changement terrible en les plaçant dans des conditions qui s'éloignent le moins possible de celles où ils se trouvaient dans leur pays.

La commission qu'instituera le Gouvernement pour régler et surveiller l'emploi des fonds rencontrera le concours dévoué des comités d'Alsace-Lorraine, qui se sont mis à notre disposition pour aider aux enquêtes à faire et pour recueillir les renseignements à fournir. L'œuvre qu'il s'agit d'accomplir est aussi difficile qu'elle est

(0) La Commission a reçu notamment, à ce sujet, une communication des députés de la Dordogne et du préfet de ce département.

grande par le but; mais elle peut compter sur une active coopération de la part des esprits généreux qui s'y sont voués dès le premier moment, en acquittant une partie de la dette contractée par la France vis-à-vis de nos malheureux et fidèles compatriotes.

Nous n'avions ni à justifier le principe de la proposition qui vous est soumise, ni à développer, pour l'appuyer, des considérations que vous faites mieux que de comprendre, car vos cœurs s'y associent d'une manière unanime. L'adhésion généreuse qu'a rencontrée la déclaration d'urgence rendait ce soin superflu. Nous espérons voir accueillir avec une faveur pareille le mode d'exécution formulé dans les deux articles ajoutés à l'article unique du projet primitif, et nous recommandons avec d'autant plus de confiance à votre patriotisme l'ensemble du projet amendé par votre Commission, que le Gouvernement s'y est pleinement associé.

Suit le texte du projet de la Commission, conforme à celui de la loi votée le 18 décembre 1872 voir ci-dessous, n° 102.

:

N° 102.

LOI (1)

EN FAVEUR DES ALSACIENS ET LORRAINS QUI CONSERVENT LA QUALITÉ DE FRANÇAIS.

18 décembre 1872.

L'Assemblée nationale a adopté, etc.

ART. 1. Sur les crédits votés pour le payement de l'indemnité de guerre, une somme égale à celle des versements volontaires qui resteront acquis au Trésor sera employée pour venir en aide aux Alsaciens et Lorrains qui conservent la qualité de Français.

ART. 2. Un premier crédit de 3 millions de francs, pour l'exercice 1873, est ouvert sur cette allocation au Ministre de l'intérieur.

ART. 3. Une commission, nommée par le Ministre de l'intérieur (2), sera chargée de régler et de surveiller l'emploi des fonds.

Délibéré en séance publique, à Versailles, le 18 décembre 1872.

(1) Journal officiel du 22 décembre 1872; Bull. des lois, n° 112-1512.

(*) Cette commission, nommée par arrêtés de M. de Goulard des 20 et 21 décembre 1872, était ainsi composée :

Président : M. WOLOWSKI, député. Membres : MM. BUFFET, Keller, marquis de Gouvello, Scheurer-Kestner, Lefébure, Lucet, Aubry, Bompard, Brice, ClaUDE (des Vosges), VARROY, députés; comte D'HAUSSONVILLE (de l'Institut), SAGLIO, conseiller d'État, LAUTH, DURANGEL et FOURNIER, directeurs au ministère de l'intérieur, l'abbé LEHARDY DU MARAIS. Secrétaire M. REBOUL, Sous-chef du cabinet du Ministre de l'intérieur.

Commission

de répartition.

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