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Les trésoriers généraux et leurs subordonnés devraient recevoir toutes ces offrandes, et le nom des donateurs serait inscrit au Journal officiel.

Quant au fonctionnement de la caisse des offrandes nationales, plusieurs systèmes peuvent être adoptés.

Les Ministres de la guerre et de la marine pourraient liquider directement, au moyen des pièces qu'ils possèdent, la pension totale de 600 francs, payable sur le Trésor. Dans ce cas, l'État ferait couvrir ce supplément au moyen d'un versement par la caisse des offrandes nationales. Ce versement serait inscrit aux produits divers du budget par compensation à la dépense des pensions, qui figurerait également au budget par son chiffre total.

Dans un autre système, les Ministres de la marine et de la guerre ne liquideraient, à la charge du Trésor, que la pension réglementaire, et transmettraient ensuite à la caisse des offrandes nationales les renseignements nécessaires pour qu'elle =pût elle-même liquider le supplément de pension sur ses propres fonds. Dans ce cas le titulaire aurait deux titres, l'un payable au Trésor et l'autre à la caisse des dépôts et consignations, déjà chargée du payement des traitements de la Légion d'honneur et de la médaille militaire. Dans les départements, ces deux titres seraient payables sur la même caisse, puisque les receveurs des finances sont à la fois les agents du Trésor et de la caisse des dépôts et consignations. Ces deux systèmes ont leurs avantages et leurs inconvénients.

Ainsi le premier, plus simple, était employé pour le supplément de pension à la charge de la caisse de la dotation de l'armée; mais il grossit fictivement les dépenses et les recettes du budget de l'État. Son inconvénient le plus grave serait de trop effacer le rôle de la caisse des offrandes nationales, qui n'interviendrait que pour désintéresser le Trésor et, ne figurant pas sur les titres des pensions, resterait trop inconnue pour que la générosité du public fût sollicitée au même degré en faveur de l'institution.

Le second système oblige à une double liquidation et à la délivrance de deux titres, qui (excepté à Paris) seraient, il est vrai, payables sur la même caisse.

Son avantage très-sérieux serait de laisser toute son autonomie à la caisse des offrandes nationales, puisque l'un de ces titres émanerait d'elle exclusivement. Il y aurait en outre peut-être plus de clarté au point de vue de la réversibilité des pensions, puisque cette réversibilité ne s'applique pas au supplément que propose le projet de loi.

Nous avons seulement voulu, Messieurs, indiquer les moyens qui paraissent les plus propres à obtenir le résultat que nous désirons tous. La Commission croit qu'il est indispensable de mettre en relief la caisse des offrandes nationales et d'assurer son autonomie en lui donnant une forte organisation; d'un autre côté, il est désirable de simplifier, autant que possible, la liquidation des pensions militaires. Peutètre pourrait-on concilier les deux systèmes. Ainsi, ne serait-il pas avantageux d'avoir une seule liquidation, un seul brevet, et le payement de la pension sur la même caisse ? Pour laisser pourtant toute son action et toute son initiative à la caisse des offrandes nationales, il suffirait que cette caisse, administrant librement les fonds

Mode

de liquidation des pensions. Deux systèmes.

Amendement

de

M. des Rotours.

Titulaires

de pensions antérieures

au

4 septembre 1870.

dont elle est dépositaire, fit connaître, chaque année, aux ministères de la guerre et de la marine la somme qu'elle peut consacrer aux suppléments de pensions.

Les ministères alors délivreraient aux ayants droit un titre unique, mais sur lequel une annotation spéciale indiquerait que la pension est portée à 600 francs grâce aux ressources fournies par la caisse des offrandes nationales. Pour tous ces détails d'organisation et pour les moyens de trésorerie, nous croyons, Messieurs, que le mieux est de s'en rapporter à la sollicitude des Ministres de la guerre et de la marine et du Ministre des finances, qui, après s'être concertés, vous présenteront une proposition de nature à atteindre le but de la loi que nous vous soumettons. M. des Rotours nous a présenté un amendement ainsi conçu :

Les pensions des sous-officiers, caporaux, brigadiers ou soldats, dont les blessures ont causé la perte de la vue, ou l'amputation d'un ou de deux membres, ou la perte de l'usage d'un ou de deux membres, sont portées à 600 francs, conformément à la circulaire ministérielle du 13 mai 1855.

«Les compléments de pensions dus en vertu du paragraphe précédent seront servis, savoir :

1° Pour les titulaires de pensions accordées sur la liste civile antérieurement au 4 septembre 1870, à partir du jour où les arrérages ont cessé de leur être payés; « 2° Pour ceux auxquels des pensions ont été accordées postérieurement au 4 septembre 1870, à partir du jour de la blessure qui leur donne droit à la pension..

La législation actuelle donnant déjà 605 francs à tous les militaires amputės de deux membres ou frappés de cécité totale par suite de leurs blessures, l'amendement de M. des Rotours ne peut avoir pour objet que les invalides amputés ou privés de l'usage de leurs membres, et sous ce rapport notre projet de loi lui donne toute satisfaction.

Pour les titulaires des pensions accordées sur la liste civile antérieurement au 4 septembre 1870, votre Commission, Messieurs, malgré le très-vif intérêt qu'elle porte à tous les soldats français blessés devant l'ennemi, n'aurait peut-être pas osé demander au budget un sacrifice de 1,400,000 francs environ.

Mais, en voyant un reliquat disponible considérable sur les souscriptions faites dès 1860, nous avons pensé que les blessés de Crimée et d'Italie pouvaient avoir, en quelque sorte, un droit particulier sur des sommes offertes à l'occasion des victoires qu'ils ont remportées pour la France. Nous vous proposons donc, Messieurs, d'autoriser le Ministre des finances à compléter à 600 francs la pension des béné ficiaires de la liste civile, à partir du jour où les arrérages ont cessé de leur être payés.

Nous ne croyons pas pouvoir accepter la partie de l'amendement de M. des Rotours où il demande que pour ceux auxquels des pensions ont été accordées postérieurement au 4 septembre 1870 un complément élevant leur pension à 600 francs soit octroyé à partir du jour de leurs blessures. En effet, il est de principe que les pensions partent, non du jour des blessures, mais du jour où elles sont liquidees. En outre, un grand nombre des ayants.droit actuels ont reçu sur les divers fonds

de secours des subventions qui les ont aidés à attendre le bénéfice de la loi que

nous allons vous proposer.

Outre l'amendement de M. des Rotours, il existe une proposition de loi de M. de Rambures, relative:

1° Aux emplois à réserver aux militaires blessés et à la création de conseils départementaux des invalides des armées de terre et de mer;

2° A l'augmentation des pensions accordées aux militaires blessés sans accroissement de charges pour le Trésor.

Cette proposition nous a été renvoyée par l'Assemblée nationale; mais elle dépasse singulièrement les attributions primitives de votre Commission. M. de Rambures propose un remaniement complet de la législation actuelle sur les pensions militaires, et, sous ce rapport, votre Commission, sans se prononcer sur la valeur des moyens indiqués par M. de Rambures dans son projet de loi, vous propose de la renvoyer à la Commission de l'armée, chargée de l'organisation militaire.

Quant à la création d'un conseil supérieur des invalides des armées de terre et de mer, nous vous avons proposé quelque chose d'analogue en vous demandant de charger le Ministre de la guerre et le Ministre des finances d'organiser sur les bases les plus larges la caisse déjà existante des offrandes nationales. Nécessairement cette institution aurait un conseil supérieur chargé de veiller sur les intérêts de tous les invalides qui lui seront désignés par les Ministres de la guerre et de la marine, lesquels ont seuls des moyens de contrôle efficace pour protéger les droits de tous nos soldats blessés devant l'ennemi.

Votre Commission repousse un des moyens indiqués par M. de Rambures pour obtenir des fonds suffisants à la réalisation de son projet de loi. En effet, nous ne croyons pas qu'on puisse toucher aux traitements affectés à la décoration de la Légion d'honneur ou à la médaille militaire. Il est d'ailleurs bien difficile, et politiquement dangereux, de désigner ceux qui sont dans l'aisance. N'y aurait-il pas dans cette sélection une porte toujours arbitraire? et nous croyons que les inconvénients de ce procédé dépasseraient beaucoup les avantages que M. de Rambures en espère.

Quant à une tave proportionnelle à leur fortune, payée à l'époque de l'engagement par les parents de l'engagé volontaire d'un an, ou par son tuteur, s'il n'a plus de parents, votre Commission estime qu'il y a lieu de renvoyer ceite proposition au Ministre de la guerre, qui pourra peut-être y trouver une ressource légitime pour élever le taux des pensions militaires sans charges nouvelles pour le budget.

Après avoir cherché tous les moyens de venir en aide à de glorieuses infortunes sans imposer à l'État une dépense trop considérable, nous vous proposons, Messieurs, un projet de loi qui aura, nous l'espérons, l'assentiment unanime de l'Assemblée, car nul d'entre nous ne peut oublier qu'après tant de malheurs nos soldats blessés devant l'ennemi sont notre gloire, comme ils restent l'honneur et l'exemple de cette armée nationale derrière laquelle la France se recueille et espère !

Conventions.

Proposition

de loi

de

M. de Rambures.

Renvoi

à la Commission

de l'armée.

PROJET DE LOI.

Blessés assimilés

pour

la pension

aux aveugles et amputés

des

deux membres.

Voies et moyens financiers.

ART. 1. Les sous-officiers, caporaux et soldats des armées de terre et de mer admis à la retraite pour blessures reçues devant l'ennemi, ou pour infirmités contractées en campagne, ayant entraîné : L'amputation d'un membre;

La perte de l'usage de deux membres;
La perte de l'usage d'un membre,

Ainsi que les anciens militaires mutilés qui touchaient un supplément de pension payé par l'ancienne liste civile, recevront une allocation élevant leur pension à 600 francs, par assimilation aux aveugles et amputés des deux membres qui reçoivent déjà une pension supérieure à 600 francs.

ART. 2. Il sera pourvu au payement de cette allocation supplémentaire au moyen:

1° Des fonds aujourd'hui administrés par la caisse des offrandes nationales, en faveur des armées de terre ou de mer, en y comprenant ceux qui deviendront disponibles;

2° Du restant libre sur les sommes déposées au Trésor à titre d'offrandes nationales les victimes de la guerre;

pour

3° De ce qui reste disponible sur le crédit de 50 millions votés par les lois des 24 juillet et 10 août 1870 pour secours aux militaires, marins, gardes mobiles, gardes nationaux, etc., et, en cas d'insuffisance, par un crédit inscrit au budget.

ART. 3. Le Ministre des finances est autorisé à prélever sur les reliquats disponibles des fonds de secours la somme suffisante pour payer, à partir du 4 septembre 1870, les arrérages des allocations complémentaires payées par l'ancienne liste civile, à partir de 1854 jusqu'au 4 septembre 1870, aux militaires amputés ou ayant perdu l'usage de leurs membres.

ART. 4. Le Ministre de la guerre, le Ministre de la marine et le Ministre des finances sont chargés d'organiser la caisse des offrandes nationales de façon à ce que l'exécution de la présente loi puisse lui être confiée.

N° 105.

RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISsion chargée D'EXAMINER LES PROPOSITIONS RELATIVES AUX PENSIONS
À ACCORDER AUX MILITAIRES BLESSÉS ET AMPUTÉS. PROPOSITION DE M. DE SAISY (urgence
déclarée),

par M. le marquis de LA ROCHETULON, membre de l'Assemblée nationale.
(Séance du 23 novembre 1872.)

Messieurs, la pensée d'adoucir la situation de nos soldats blessés rencontrera toujours dans l'Assemblée nationale un assentiment unanime, et, en principe,

votre Commission ne peut que s'associer à M. de Saisy, dont la proposition de loi nous a été renvoyée. Nous avons donc examiné chacun des articles de son projet de loi, et, après cette étude, nous allons indiquer à la fois les difficultés qu'il soulève et ce qu'il nous paraît utile et possible de demander à l'Assemblée et au Gouverne

ment.

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1. En ce qui concerne l'augmentation de l'indemnité journalière actuellement payée aux sous-officiers, soldats ou autres assimilés qui se trouvent en expectative d'une pension de retraite pour blessures et infirmités équivalentes contractées au service de l'État, nous ne croyons pouvoir adopter qu'en partie l'augmentation proposée par M. de Saisy. Il ne faut pas oublier, en effet, que l'allocation journalière dont M. de Saisy voudrait voir doubler le chiffre est une de ces mesures exceptionnelles et transitoires rendues nécessaires par nos malheurs.

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La règle veut que l'homme reste au corps jusqu'à la concession de sa pension de retraite; mais nos blessés étaient si nombreux qu'ils encombraient les régiments. Il a donc paru préférable de les renvoyer dans leurs foyers avec une allocation de 80 centimes par jour pour les soldats et de 1 franc pour les sous-officiers. Le nombre des ayants droit s'élevant à 6,370, cette indemnité journalière coûte mensuellement à l'État environ 155,000 francs. Comme cette allocation est, dans la plupart des cas, déduite de la pension, il ne nous parait pas possible de la doubler, car elle deviendrait alors le plus souvent supérieure à la somme allouée par le tarif des pensions.

Toutefois, d'accord avec le Ministre des finances, nous proposons d'élever de 50 p. o/o l'indemnité journalière actuellement accordée. Il faut remarquer que cette charge mensuelle d'environ 80,000 francs décroitra tous les jours, pour prendre fin à l'époque heureusement prochaine où les droits des blessés de la dernière guerre actuellement dans leurs foyers seront définitivement réglés.

II. L'article second de la loi proposée par M. de Saisy demande la fixation d'un délai de trois mois pour la liquidation et la notification aux intéressés des pensions militaires, quelle qu'en soit l'origine.

Votre Commission désirerait vivement que la demande de M. de Saisy fût réalisable, mais elle croit qu'on ne peut assigner un terme si précis, ni surtout aussi rapproché, à la liquidation de toutes les pensions militaires. Elle doit dire aussi qu'on ne peut rendre le Ministré de la guerre responsable de retards douloureux sans doute, mais trop inévitables quand il s'agit, après l'invasion et après la Commune, d'examiner et de contrôler des milliers de dossiers.

L'examen de la liquidation et la notification des pensions, ainsi que la délivrance du certificat d'inscription, sont loin, comme plusieurs le croient peut-être, d'être exclusivement dans les attributions des bureaux de la guerre; le conseil de santé des armées, le conseil d'État et le Ministre des finances (ce dernier à plusieurs reprises) prennent part à la liquidation des pensions militaires.

Aussi nous savons que, depuis le mois de juillet 1872, de nombreux projets de décrets de pensions, communiqués au Ministre des finances, n'ont pu encore être

Indemnité journalière

aux

militaires blessés

en expectative

d'une pension.

Fixation d'un délai de trois mois pour

la liquidation des pensions militaires.

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