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III

LE DEVOIR INTERNATIONAL

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EN 1899

C'est sur la proposition de la Délégation française (1) qu'a été introduite, dans la Convention de 1899, la notion d'un « devoir » imposé aux États. Quand un conflit s'élève entre deux d'entre eux, l'ensemble des autres ne doit pas se borner à observer une neutralité indifférente. Ils doivent »>, pour

(1) Voir le discours de M. Léon Bourgeois du 9 juin 1899. pages 87 à 94. C'est M. d'Estournelles de Constant qui prit, dans la Délégation française, l'initiative de cette proposition.

tâcher d'éviter le recours aux armes, rappeler aux Parties en cause qu'il existe un autre moyen de vider leur querelle. C'est dans cet esprit que fut rédigé par M. d'Estournelles de Constant l'article suivant :

Les Puissances signataires considèrent comme un devoir, dans le cas où un conflit aigu menacerait d'éclater entre deux ou plusieurs d'entre Elles, de rappeler à celles-ci que la Cour permanente leur est ouverte.

En conséquence, Elles déclarent que le fait de rappeler aux Parties en conflit les dispositions de la présente Convention, et le conseil donné, dans l'intérêt supérieur de la paix, de s'adresser à la Cour permanente, ne peuvent être considérés que comme actes de bons offices.

M. Léon Bourgeois intervint en sa qualité de Président du Comité d'Examen de l'arbitrage et obtint une déclaration favorable au « devoir des Puissances ». Voici ces deux interventions d'après le procès-verbal officiel :

Le PRÉSIDENT remercie le Comité des disposi tions générales qu'il vient de manifester concernant les propositions de la Délégation française. Il résume ensuite la discussion. L'idée person

nelle de M. d'Estournelles a toute sa sympathie: elle consiste à proposer un mécanisme pour mettre d'une façon automatique les Puissances intéressées en face de l'arbitrage.

La difficulté est de savoir si le Secrétaire Général est en mesure d'assumer la responsabilité politique qu'on lui imposerait.

Pourquoi l'a-t-on choisi? C'est qu'il représente non pas la volonté de telle ou telle Puissance, mais une volonté collective, et qu'il est vraiment qualifié pour personnifier l'union commune des Puissances dont il est le mandataire et symboliser le devoir qu'elles se sont

reconnu.

Il s'agit de prouver que l'acte de La Haye aura été signé sérieusement; s'il en est ainsi, si l'on considère comme un devoir de recourir à l'arbitrage, alors le détail du mécanisme se précisera de lui-même.

L'essentiel est de bien dégager un état d'esprit général, de créer une atmosphère morale nouvelle et, pour cela, de bien mettre en relief

l'idée de devoir: cela fait, les moyens d'application pratique seront faciles à trouver. Mais, encore une fois, ce qu'il faut surtout sauvegarder, c'est l'idée que les Puissances considèrent comme un devoir commun de suggérer l'arbitrage.

Pour tenir compte de l'ensemble des opinions émises par chacun des membres du comité, on pourrait formuler dans ce sens la proposition qui lui est soumise et il semble que le meilleur de la pensée de M. d'Estournelles recevrait ainsi satisfaction.·

(Le premier paragraphe de la proposition de M. d'Estournelles, constatant le « devoir » des Puissances, est adopté à l'unanimité.)

Le PRÉSIDENT, après avoir constaté l'assentiment unanime du Comité, le remercie d'avoir décidé d'inscrire dans l'acte de La Haye le mot devoir, et il fait valoir toute la portée morale et pratique de cette décision: Désormais, les États ne se considéreront pas comme indifférents les

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