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poids plus lourd que le respect dû aux droits de l'homme ou des groupements d'hommes. Toutes ces combinaisons diplomatiques, tous ces efforts faits pour assurer l'équilibre. des forces antagonistes, au lieu d'accroître la sécurité des esprits, ne parviennent, chose saisissante, qu'à augmenter leur inquiétude. Après la réussite de chacune des entreprises de la diplomatie de la force, on s'écrie la paix est assurée! Et l'on se félicite, comme aujourd'hui après la liquidation de l'affaire des Balkans, d'avoir, sans tirer l'épée, assuré la tranquillité du monde.

Mais qui ne voit qu'un pareil état de choses est essentiellement précaire, qu'il ne peut durer sans accroître indéfiniment le danger d'une guerre qui serait d'autant plus formidable qu'elle entraînerait, le moment venu, l'ensemble des États?

On se rend compte, en effet, que dans une Europe où se mêlent des combinaisons aussi multiples, un conflit ne pourrait être localisé

et que, par le jeu des alliances, des ententes, des traités publics ou secrets, l'incendie allumé sur un point du continent risquerait d'aboutir à une conflagration générale compromettant la civilisation tout entière. La preuve de ce danger permanent n'est-elle pas dans la lutte incessante pour l'accroissement des armements sur terre et sur mer, lutte que chaque année révèle plus aiguë? Chacun des États ne manifeste-t-il pas, en s'imposant chaque jour des sacrifices plus considérables, qu'il n'a aucune confiance dans la solidité de cette diplomatie de l'équilibre?

L'opinion ne voit-elle pas qu'il y a là comme un vaste échafaudage sans fondations profondes et que, si l'un seulement des étais dont on soutient artificiellement sa faiblesse, venait à manquer, ce serait tout l'édifice de la civilisation qui risquerait de s'écrouler?

En face de la diplomatie de la force s'affirme, d'autre part, et s'affirmera de plus en plus la diplomatie du droit. C'est là une autre

méthode qui, parallèlement à la précédente, ne cesse de produire ses effets. Ses principes peuvent se résumer dans une formule simple, que j'ai déjà employée ailleurs, en définissant les conditions de la paix intérieure des États, les conditions de la paix sociale. Cette formule s'applique aussi exactement à l'ordre international Pas d'harmonie sans l'ordre, pas d'ordre sans la paix, pas de paix sans la liberté, pas de liberté sans la justice. »

C'est la fragilité même des combinaisons de la force qui a donné naissance à la diplomatic nouvelle; c'est elle qui a pour ainsi dire imposé aux esprits clairvoyants la méthode qui tend à donner une base de droit aux conditions d'existence de chacune des nations et par conséquent aux conditions de la paix internationale.

En multipliant les institutions juridiques, en définissant les droits et les devoirs des peuples dans un état de civilisation véritable, en précisant au besoin ces droits et ces devoirs

sur certaines questions comme celle de la guerre sur mer, ces autres diplomates, qui sont les jurisconsultes internationaux, se sont, en effet, proposé de donner à l'équilibre du monde la seule base durable que connaisse la conscience et que puisse respecter l'humanité : le Droit.

C'est cette diplomatie du droit qui s'est fait connaître au monde dans les deux Conférences de la Paix, auxquelles je m'honore d'avoir passionnément collaboré et qui m'ont laissé les souvenirs les meilleurs de ma vie.

Ah! les débuts furent difficiles, tous les scepticismes s'unissaient pour nous accabler. Le paysan sème dans le vent, et la neige recouvre son sillon, mais il est sûr que le printemps viendra.

En se servant des instruments juridiques. forgés par la Conférence de La Haye, la diplomatie du droit nous a donné cette année même deux réalités précieuses qui forment une heureuse compensation à l'affaire des Balkans.

Ce fut un événement d'une haute portée que la réunion à Londres de la Conférence sur les prises maritimes et il n'est pas besoin de signaler toute l'importance de la sentence arbitrale rendue à La Haye au sujet de l'incident des déserteurs de Casablanca.

La Conférence navale

de Londres.

Voici d'abord la Conférence de Londres, réunie du 4 décembre 1908 au 26 février 1909: elle a rendu possible le fonctionnement de la Cour internationale des Prises, créée en 1907 par la seconde Conférence de La Haye.

Qu'on ne s'y trompe pas, la création d'une telle Cour, juridiction supérieure aux juridictions nationales, armée du pouvoir souverain de réformer les décisions des tribunaux d'État en matière de prises, c'est là un fait aussi considérable pour l'Europe que pût l'être pour la Grèce l'établissement des Amphyctionies.

S'il y avait une notion qui semblat intan

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