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demander à Louis xiv, qu'on abandonnât le siége de Philisbourg, commencé par le dauphin, et qu'on se portât en Hollande, afin d'opérer une diversion. Ce conseil, qui eût probablement fait manquer l'expédition du prince d'Orange, fut encore rejeté, parce que l'on craignit que. l'alliance avec la France, ne choquât, ou plutôt n'achevât d'aliéner le peuple anglais. Pour achever même de détruire tout soupçon à cet égard, Jacques II ordonna au marquis d'Albyville, son ambassadeur près les états-généraux, de leur présenter un mémoire pour les assurer de nouveau, de sa part, qu'il n'y avait entre la France et lui, aucun traité que ceux qui étaient publics et imprimés. Il offrait de plus aux états, de prendre avec eux, des mesures pour le maintien de la paix de Nimègue, et de la trève de vingt ans, conclue en 1684; mais les états ne firent pas même de réponse à ce mémoire.

Cependant le prince d'Orange étant débarqué en Angleterre, le 5 de novembre 1688, Jacques II, qui ne pouvait compter sur la flotte et l'armée anglaise, où la désertion s'était mise, s'embarqua le 23 de décembre pour la France, où Louis xiv le reçut avec cordialité, et lui assigna un magnifique traitement; triste consolation pour un monarque détrôné, et qui avait à se reprocher d'avoir perdu la couronne par ses imprudences et une fausse sécurité.

Louis XIV prit dès-lors hautement le parti de Jacques II, soit par attachement pour ce monarque dépouillé, et en qui il voyait la majesté du trône outragée, soit par une ancienne haine contre le prince d'Orange, qui avait toujours affecté de faire peu de cas de sa personne.

Le nouveau roi Guillaume III, se croyant assez fort pour ne pas ménager la France, publia le 17 de mai 1689, un manifeste dans lequel il disait: «Que le roi des Français n'avait pas seule» ment envahi les états de l'empereur et de

l'Empire; mais qu'il avait déclaré la guerre » aux alliés de la Grande-Bretagne, sans y être » provoqué, violant par-là les traités confirmés » par la garantie de l'Angleterre, laquelle avait » même des injures personnelles à venger, telles >> que l'abus que les Français faisaient de la pêche » de Terre-Neuve, l'invasion des îles Caraïbes, >> l'usurpation de plusieurs terres et forts dans » la nouvelle Yorck et la baie d'Hudson, et des pillages, des incendies, des massacres et des >> traitemens barbares commis dans les colonies >> anglaises;

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» Que le roi de France ruinait le commerce >> britannique par les commissions qu'il donnait » à ses armateurs pour saisir les vaisseaux an» glais; non moins que par la défense d'impor>> ter dans son royaume, la plupart des manu>>> factures et denrées d'Angleterre, et par les

>> droits exorbitans dont il chargeait les autres ; » Qu'il avait fait contester par ses sujets le >> droit de pavillon attaché à la couronne d'An» gleterre (1), et violé par-là la souveraineté qu'elle a sur les mers britanniques, etc. »

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Louis XIV déclara de son côté, la guerre au prince d'Orange, ainsi qu'aux Anglais et Ecossais fauteurs de son usurpation, par un manifeste du 25 de juin 1689.

La ville de Genève avait joui depuis la retraite de son évêque en 1534, de plusieurs dîmes situées dans le pays de Gex, et qui appartenaient originairement à la mense épiscopale (2). Le parlement de Dijon avait ordonné en 1682, que les dîmes seraient séquestrées, mais cet arrêt fut ensuite révoqué sur les instances des cantons de Zurich et de Berne.

L'évêque titulaire de Genève et son chapitre établis à Annecy, renouvelèrent leurs prétentions sur ces dîmes en 1687, et portèrent de nouveau leurs plaintes devant le parlement de Dijon.

La république de Genève en ayant informé Zurich et Berne, ses co-alliés, ces deux Cantons et ceux de Bâle et de Schaffouse, s'assemblèrent à Arau, au mois d'août 1687, et arrêtèrent d'envoyer deux ambassadeurs au roi, pour faire va

(1) Mercure hist. et polit. de 1689, t. II. (2) Hist. milit. des Suisses.

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loir les droits de Genève. Henri Escher, bourgmestre de Zurich, et Nicolas Dachselhofer, banneret de Berne, qui furent choisis, se rendirent à Fontainebleau où se trouvait la cour. Leur audience avait été fixée au 9 d'octobre, lorsque la prétention qu'ils annoncèrent de se couvrir devant le roi, la fit ajourner. Pour justifier cette prétention, ils remirent au ministre des affaires étrangères, Croissi, un mémoire fondé sur ce qui avait été pratiqué en 1634, à l'égard des ambassadeurs des Cantons réformés, ainsi que l'attestaient les registres de cette année, et la relation des ambassadeurs mêmes; et ils ajoutèrent qu'en réclamant le droit de se couvrir devant le roi, ils croyaient n'en être pas moins dignes que les Provinces-Unies et plusieurs petits princes d'Italie, qui jouissaient de cet honneur. Ils déclarèrent en même temps, qu'ils se flattaient de recevoir cette marque de considé-. ration, non moins due à la souveraineté des Cantons, qu'aux services constans qu'ils avaient rendus à la France depuis Charles VII.

Croissi répondit aux ambassadeurs, « qu'il » était fâché de ne pouvoir leur accorder les » honneurs qu'ils désiraient; qu'il ne contestait >> ni n'approuvait les registres qu'ils alléguaient; >> mais que, par ceux du dépôt des affaires étrangères, il paraissait que, dans le cérémonial de

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» l'année 1634, ils n'avaient pas été traités de la » manière qu'ils réclamaient. »

Quant à la demande des ambassadeurs, que la ville de Genève ne fût pas troublée dans la propriété des biens réclamés par le chapitre d'Annecy, et possédés par la république depuis plus de cent cinquante ans, demande qui se trouvait appuyée sur les anciens traités subsistans encore entre la France et la ville de Genève, Croissi répliqua « que les Cantons réfor» més ne devaient point, sans des raisons pres» santes, se mêler de cette affaire, d'autant plus » que le roi ne se mêlait pas des différends des » Cantons. » Les ambassadeurs insistèrent, en développant au ministre, tous les actes dont Genève se prévalait contre le chapitre d'Annecy, surtout l'accord de 1564, et les alliances et lettres annexes des rois de France avec les Cantons réformés, qui décidaient d'avance cette contestation en faveur des Génevois.

Les ambassadeurs des Cantons étaient appuyés par Spanheim, envoyé extraordinaire de l'électeur de Brandebourg; mais ces diverses representations n'ayant pu persuader Croissi, les ambassadeurs prirent congé de ce ministre le: 23 de décembre, en insinuant que dans la contestation présenté, leurs souverains ne reconnaissaient pas le parlement de Dijon pour juge compétent, et qu'ils dissuaderaient même

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