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1689.

Traité

Genève de soumettre des traités aussi solennels au jugement de ce tribunal. Trois jours après, le roi fit offrir à chacun des ambassadeurs, une chaîne d'or avec un médaillon sur lequel était son portrait; mais les ambassadeurs refusèrent ce présent, parce qu'ils n'avaient pas été admis à l'audience du roi, et ils reprirent le chemin de la Suisse avec la réponse de la cour adressée à leurs Cantons. Ils firent le rapport de leur mission à la diète des Cantons réformés, tenue à Arau, en février 1688, et leur conduite fut approuvée par leurs souverains. Cependant Lefort, syndic de Genève, qui était resté à Paris, ayant fait depuis de nouvelles représentations, elles obtinrent du succès, et le roi ordonna au parlement de Dijon de cesser toutes les procédures commencées contre Genève.

Amelot de Gournai, ambassadeur du roi en de neutralité Suisse, informé que les Cantons s'étaient assemavec la Suisse. blés à Bade en Argaw, pour délibérer sur la neu

tralité des villes frontières et de celle de Constance, se présenta le 29 de janvier 1689, à la diète. 259 3 BE.

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Le baron de Landsée, ambassadeur de l'empereur, avait refusé de consentir à la neutralité de ces villes, et avait demandé aux Cantons, des levées de troupes pour le service de la maison d'Autriche. Amelot accepta la neutralité, et fit sentir à la diète que la demande de

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l'empereur était contraire à l'esprit de l'alliance des Cantous avec la France, puisque, suivant la teneur du traité, les Suisses ne pouvaient donner de secours aux ennemis du roi; et que, d'ailleurs la ligue héréditaire des Cantons avec la maison d'Autriche, n'obligeait pas le corps helvétique à un secours actuel, mais seulement à des égards de pure bienveillance.

La cour de Vienne ne se déconcerta pas, et elle porta la diète de Ratisbonne à écrire au corps helvétique, que les Cantons devaient abandonner la France et assister l'Empire, et qu'ils devaient principalement rappeler leurs troupes du service de France, puisqu'elles se laissaient employer contre l'Empire, malgré la teneur des traités. La diète se plaignait aussi que la France eût fait élever de nouvelles fortifications dans le voisinage de la Suisse, particulièrement à Creutznach près Bâle.

Les Cantons assemblés à Zug, dans une diète extraordinaire, crurent devoir faire des remontrances sur ces ouvrages, et Amelot ayant écrit au marquis de Puysieux, gouverneur de Huningue, pour la démolition des fortifications de Creutznach, celui-ci y consentit. Dès-lors les plaintes des Cantons cessèrent, et ils conclurent, le 7 de mai 1689, un traité de neutralité avec la France, d'après lequel ils s'engageaient à n'accorder le passage sur leur territoire à au

1690. Envoi de

cune puissance. La France prit à l'égard des Cantons le même engagement.

Amelot de Gournai, qui négocia ce traité avait succédé, au mois de janvier 1689, dans l'ambassade de Suisse, au président de Tambonneau. Il avait déjà été ambassadeur extraordinaire à Venise, en 1682, et ambassadeur en Portugal, à la fin de 1684. Il se fit considérer de tous les partis, non moins par ses graces naturelles, que par ses talens et l'heureux don de la persuasion. Il évita de ressembler à des ambassadeurs qui s'étaient prononcés soit pour les Cantons catholiques, soit pour les protestans, et n'avaient opéré que des divisions. Il réussit dans une ambassade qui est d'un genre absolument différent, parce qu'on y a à traiter isolément avec chacun des Cantons qui sont souverains chez eux, et ensuite avec la diète en qui réside la souveraineté ; ce qui jette dans des négociations raisonnées, où il faut beaucoup de logique, de sang-froid et d'impartialité.

Castagnère, marquis de Châteauneuf, conChâteauneuf seiller au parlement de Paris, et. nommé en près la Porte. 1689, ambassadeur près la Porte ottomane,

était chargé par ses instructions, de quatre points principaux ; 1°. de prolonger la guerre entre l'empereur et la Porte; 2°. de ménager la paix entre la Porte et la Pologne; 3°. d'engager les Turcs à ne pas reconnaître le prince d'O

range pour roi d'Angleterre, et à confisquer les bâtimens des Anglais qui se diraient sujets de cet usurpateur; 4°. d'obtenir la restitution des lieux saints de la Palestine, en faveur des catholiques romains.

Le premier point fut rempli au moyen des sommes considérables que Châteauneuf versa dans le divan, et des rapports adroits qu'il faisait faire aux ministres ottomans, à qui il représentait la situation de l'empereur comme désespérée.

Le second point ne put être obtenu, parce que le grand-visir, enflé des succès qu'il avait eus sur les Polonais, exigeait comme condition de paix, la démolition des fortifications de Kaminieck, ce que le roi et la république de Pologne rejetaient; en sorte que la guerre de la Porte et de la Pologne ne finit qu'avec celle de l'Autriche et de la Porte.

A l'égard de la saisie des navires anglais, le grand-visir répondit constamment aux sollicitations de Châteauneuf, que celui-là était véritablement roi d'Angleterre qui était reconnu tel par les Anglais; et qu'il ne convenait pas que la nation turque, qui avait plusieurs fois déposé ses souverains, refusât aux autres nations le droit de changer de maître. Quant aux lieux saints, Châteauneuf obtint que des ordres seraient donnés au Sangiao de Jérusalem, pour

roc.

1693. Ambassade

ôter aux moines grecs la jouissance du saintsépulcre; mais ces ordres furent mal exécutés, les Turcs ne pouvant se résoudre à perdre l'argent qu'ils tiraient des moines grecs, lesquels à leur tour en tiraient beaucoup des pèlerins.

Le souverain de Maroc (1) ayant manifesté le au roi de Ma- désir de conclure un traité de paix et d'alliance avec la France, la cour lui envoya Pidou de SaintOlon, lequel obtint son audience à Méquinez, le 11 de juin 1693. Jusqu'alors il ne lui avait pas été permis, ni aux personnes de sa suite, de sortir de leur demeure, ni de faire ou recevoir aucune visite dans son palais; l'usage des Maures étant de ne laisser voir personne aux ambassadeurs, jusqu'à ce qu'ils aient eu leur audience (2).

Saint-Olon se rendit à pied à l'audience, suivi de douze esclaves français portant les présens qu'il devait faire au roi, et qui consistaient en armes montres de prix, étoffes et brocards d'or et d'argent très riches, etc. Il fut accueilli par les huées du peuple maure, chez qui la qualité d'ambassadeur n'efface point la haine et le mépris qu'il a pour les chrétiens.

Le roi de Maroc parut à cheval, et suivi de

(1) Le souverain de Maroc prend indifféremment la qualité de roi, ou d'empereur, et l'une et l'autre lui est également donnée dans les ouvrages français.

(2) Etat présent de l'empire de Maroc, par Saint-Olon. :

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