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» voulût favoriser la prétention de Montmouth. » C'était le principal motif de son voyage en

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France, quand il fut arrêté à Douvres. Mon» taigu connut bien dans la suite, par la retenue » avec laquelle je lui parlai sur cette affaire, que » votre majesté n'était pas disposée à soutenir » un dessein si injuste, et qui paraissait alors fort » chimérique. Nous n'avons pas laissé d'avoir » un grand commerce ensemble, et de conserver >>> beaucoup de liaisons pour les autres affaires. » Il m'a souvent parlé de mettre milord Shaf» bery dans les intérêts de votre majesté, et prétend que ce ne serait pas une chose impossible, si on voulait y employer une somme » considérable. Je ne sais si votre majesté jugera >> utile à son service d'y travailler présentement. » Ce serait un moyen fort propre pour susciter » de nouveaux embarras au roi d'Angleterre ; et » milord Shafbery serait encore plus hardi, s'il >> se sentait appuyé secrètement de votre majesté. » Mais il serait difficile de le détourner des en>>gagemens qu'il a contre M. le duc d'Yorck » et l'empêcher de travailler pour l'élévation du » duc de Montmouth, ou pour celle du prince d'Orange; car ses desseins sont assez difficiles » à pénétrer, et peut-être a-t-il pour but principal de travailler à l'établissement d'une république, dont il essayerait d'être le chef.

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>> Si votre majesté me permet de dire ce que

» je pense qui doit se faire présentement à l'é» gard de Montaigu, je crois qu'elle me com>> mandera de lui donner encore des assurances » positives du paiement de ce qui lui a été pro» mis, et qu'elle marquera un temps certain » dans lequel ce paiement sera réellement fait. Si

après cela votre majesté veut, par son moyen et >> par le moyen de madame Hervey sa sœur, ga» gner des membres du parlement, je puis répon » dre qu'on ne peut trouver deux personnes plus » propres à traverser tous les desseins de la cour. >> C'est par une intrigue de madame Hervey que »j'ai fait conserver à Bruxelles un nommé Bul>> strode, que Louvois me manda en ce temps-là » être utile au service de votre majesté. Ma prin>> cipale application a été avec tous ceux dont » j'ai fait présentement mention, de leur ôter >> le soupçon que votre majesté veuille faire un » traité avec le roi d'Angleterre. J'ai néanmoins » observé de ne point donner sur cela des paro» les positives, principalement à milord Holles: » je lui ai seulement dit en général que votre » majesté ne prendrait jamais d'engageinent avec » sa majesté britannique, qui puisse être préjudiciable à la liberté et aux priviléges des Anglais. Je ne dirai rien à votre majesté sur le sujet du duc de Buckingham, parce qu'il n'est » pas ici présentement, et que votre majesté >> connaît par elle-même, de quel usage il peut

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>> être pour son service. Je ne doute pas qu'il » n'ait été mal satisfait du refus que je fis cet » été, de lui donner les vingt mille écus dont il >> croyait pouvoir disposer. J'aime mieux lui lais» ser croire que je faisais cette épargne de mon >> chef, que de lui faire connaître que j'en avais » l'ordre. Comme je le vis dans le dessein d'aller » en France, et que je ne doute pas qu'il n'y ait » été, je crois que lorsqu'il paraîtra ici, je le >> trouverai disposé à servir votre majesté, quand >> les occasions s'en présenteront. Il ne me paraît >> pas qu'il ait un grand crédit dans le parlement, » mais il pourrait être plus utile à l'égard du peuple et dans les temps de trouble. Ce ne » sont pas les esprits réglés qui font les coups » les plus considérables. »

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par

Le duc d'Yorck, frère de Charles II, ayant été forcé le parlement de quitter l'Angleterre et de se retirer en Ecosse, se montrait disposé à y rentrer armé. Louis XIV informé des dispositions du duc à une guerre civile, donna sur-le-champ des instructions à son ambassadeur, pour l'y encourager par des promesses de l'assister secrètement. Il envoya même même un homme de confiance en Ecosse, pour offrir ses services au duc. Tandis que Louis xiv travaillait à exciter des soulèvemens en Ecosse et Ir

lande, par le moyen du duc d'Yorck, il cherchait à souffler le feu de la discorde en Angle¬

terre entre le roi et ses sujets. Craignant la séance du nouveau parlement, il donna ordre à Barillon de tenter le roi, avant qu'il s'assemblât, par l'offre d'un traité qui lui vaudrait de l'argent, et de flatter en même temps, le parti populaire, de sa protection. La même lettre qui portait l'ordre de pousser le duc d'Yorck à la guerre civile, contenait celui d'assurer le parti républicain que le roi de France maintiendrait les priviléges de la nation. Mais rien ne fait mieux connaître ce dédale politique, ainsi que les violentes agitations qui travaillaient l'Angleterre, que l'extrait suivant d'une dépêche de Barillon, datée du 5 décembre 1680.

« J'envoie à votre majesté dans un mémoire » à part, les noms des membres du parlement » que j'ai engagés dans ses intérêts. Le fonde»ment de tous ces engagemens, est que le parle»ment n'entrera point dans l'alliance faite avec » l'Espagne, ni dans celles qui se pourraient pro» poser avec les états-généraux, ou avec l'empe»reur, et d'autres princes de l'Empire, et ne » donnera point d'argent à sa majesté britan»nique pour les soutenir. La plus grande partie » de ces liaisons n'a pu se faire par moi-même ;

il se trouverait peu de personnes qui voulus

» sent traiter directement avec moi, ni avoir un » commerce par lequel elles exposeraient leur » fortune et leur vie. Je me suis servi de Mon

>> taigu et de madame Hervey sa sœur, du »sieur Herbert, du sieur Algernon de Sidney » et du sieur Beber, de tous lesquels j'ai reçu » de grands secours dans l'affaire du comte » de Danby. Les intérêts de ceux avec qui j'ai » commerce, sont fort différens et fort opposés. >> Montaigu voudrait rentrer à la cour, et avoir, >> s'il était possible, une grande charge; il serait » bien aise auparavant d'aller ambassadeur ex>>traordinaire en France, pour quelque temps. » Il s'est déclaré ouvertement contre le duc » d'Yorck, et est entré avec Montmouth dans » une confidence intime. Il s'est lié aussi avec >> milord Russel et milord Schafbery. Quoique » Montaigu soit dans les intérêts de votre ma»jesté depuis long-temps, et que la somme dont »il attend le paiement, soit seule suffisante pour l'empêcher de faire aucune démarche con» traire, il aurait bien voulu que je fusse entré » plus avant dans l'affaire du duc de Montmouth; >> et la retenue qu'il m'a vu avoir sur cela, lui >> fait quelquefois soupçonner que sa majesté >> soutient le due d'Yorck, et qu'elle veut le >> protéger à l'avenir. Je le rassure en lui disant » que la résolution de soutenir une prétention » telle qu'est celle du due de Montmouth, ne » se prend pas légèrement; qu'il lui doit suf>> fire que le prince d'Orange soit son plus grand » ennemi, qu'il l'est aussi de la France; que

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