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tion presque aussi vive que la pensée. Il avait parcouru dans sa jeunesse toutes les cours de l'Europe, et y avait acquis ces manières qui le firent passer pour le prince le plus poli, le plus affable et le plus généreux de son temps. Ami des arts et des sciences, il les cultivait, les protégeait. La Saxe lui doit l'établissement de plusieurs sociétes de savans et de nombreuses manufactures. La nature enfin l'avait doué d'une force de corps prodigieuse, comme d'une adresse, d'une supériorité peu commune, dans toutes sortes d'exercices.

Le prince de Conti partit enfin, et s'embarqua à Dunkerque, sur la petite escadre de Jean Bart, avec plusieurs officiers de distinction, 500,000 livres d'argent, et beaucoup de bijoux et de pierreries. Il arriva dans le port de Dantzick; mais la ville se déclara ouvertement contre lui, et ne voulut pas le laisser débarquer. Le prince, malgré l'invitation de son parti, ne crut pas de sa dignité de mettre pied à terre, et de risquer sa personne dans un royaume dont son rival était le maître. La plupart des chefs des palatinats, après avoir tiré de l'argent des deux partis, s'étaient rangés du côté de l'électeur qui en donnait davantage. Le prince de Conti remit à la voile, et retourna en France, où il arriva le de décembre 1697, ce qui assura la couronne à l'électeur de Saxe.

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L'abbé de Polignac apprit alors, que ses gens et les Français restés dans la ville de Dantzick et à l'abbaye d'Oliva, étaient détenus en prison, et qu'on avait vendu ses chevaux, ses carrosses et même ses meubles. Le colonel Brant, sur les représentations qu'il lui en fit par écrit, répondit, « que ses ordres portaient de le traiter non >> en ambassadeur, mais en ennemi, et que s'il » avait pu s'assurer de sa personne, il lui aurait » fait un plus mauvais parti qu'au moindre de >>ses domestiques. »

Les habitans de Dantzick ne tardèrent pas à être punis de leur conduite, à l'égard de l'ambassadeur du roi : indépendamment des excuses auxquelles ils furent soumis envers Louis XIV, ce monarque accorda des lettres de représailles à son ambassadeur, pour les pertes qu'il lui avait occasionnées, et il leur en coûta plus de cent mille écus. Mais cette satisfaction n'était que pour l'honneur du trône; car l'abbé de Polignac s'étant retiré à Stettin, pour y attendre les ordres de sa cour, le roi mécontent lui écrivit : « Le seul » ordre que j'aie à vous donner, est de revenir » incessamment dans mon royaume, de m'écrire >> aussitôt, et d'attendre sur la frontière que je >> vous fasse connaître mes intentions. » L'abbé de Polignac envoya un mémoire justificatif, auquel le roi répondit par une lettre-de-cachet, en date du 24 d'avril 1698, laquelle était

Événemens

>> ainsi conçue. Monsieur l'abbé de Polignac, » je vous écris cette lettre pour vous faire sa» voir que mon intention est que vous vous >> rendiez incessamment dans votre abbaye de » Bonport, et que vous y demeuriez jusqu'à nou» vel ordre. >>

L'abbé de Polignac se trouva puni par quatre ans d'exil, d'un revers politique, dont il était innocent; mais la cour, suivant une pratique assez fréquente, aima mieux rejeter ses torts sur l'instrument qu'elle employait, que d'en faire l'aveu. Ce n'est pas que l'abbé de Polignac n'eût pu commettre quelque faute dans le cours d'une affaire aussi compliquée. On ne pouvait pourtant, en le jugeant sévèrement, lui faire d'autre reproche que sa brouillerie ouverte avec la reine, occasionnée par sa lettre indiscrète à l'évêque de Cujavie. Mais dans la réalité, la négociation pour l'élection du prince de Conti, après avoir été couronnée d'un premier succès, n'échoua que par le retard de l'arrivée du prince de Conti, et des fonds promis au parti français; ce qui en jeta les chefs dans l'indécision, et favorisa l'élection de l'électeur de Saxe, qui s'était présenté dans la lice avec des troupes et de l'argent; moyens que le prince de Conti ne sut ou ne put pas balancer.

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La guerre durait depuis 1689, entre la France de la guerre. et la ligue formée de l'empereur, de l'Empire,

de l'Angleterre, de l'Espagne et des ProvincesUnies.

Les Français commandés par le dauphin avaient pris Philisbourg en 1688, et l'année suivante, ils s'étaient emparés de presque tout le Palatinat, qu'ils avaient incendié et dévasté. Le maréchal de Luxembourg battit les alliés à Fleurus, le 1er de juillet 1690, et fit successivement la conquête de Mons, de Namur, de Furnes, de Dixmude, de Charleroi, d'Ath. Les alliés reprirent Namur en 1695.

Le maréchal de Noailles ayant envahi la Catalogne, remporta sur les bords de la rivière de Tere, une victoire éclatante. Le duc de Vendôme prit Barcelonne le 10 d'août 1697, et Carthagène d'Amérique tomba au pouvoir d'une escadre française, le 5 de mai de la même année.

Sur mer, le maréchal de Tourville battit près de Dieppe, le 10 de juillet 1690, les flottes combinées d'Angleterre et de Hollande, qui perdirent quinze vaisseaux; mais par une funeste vicissitude, attaqué à la Hogue, près de Cherbourg, le 29 de mai 1692, par les flottes anglaises et hollandaises réunies, il perdit dixsept vaisseaux de ligne, après avoir soutenu avec une grande infériorité de forces, un des combats les plus mémorables dont les annales de la marine fassent mention. Si le fruit du combat

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fut pour l'ennemi, la gloire en resta aux Français. Dans cette situation de choses, les avantages sur le continent, avaient été du côté de la France, et les résultats maritimes avaient été contre elle.

Louis XIV avait fait dès 1693, des offres de paix; mais le peu de bonne foi qu'on attribuait au cabinet français, avait empêché les alliés de les accepter. De nouvelles propositions faites sous la médiation de la Suède, furent mieux accueillies. Le comte de Callières, qui jusqu'alors n'avait traité qu'en secret, parut publiquement à la Haye, comme ministre de France, et le 10 de février 1697, il remit au baron de Lillieroot, ambassadeur de Suède et médiateur, les articles préliminaires contenant les conditions de paix que la France offrait à ses ennemis. Malgré cette notification, l'ouverture du congrès fut différée jusqu'au 9 de mai, parce que la France et l'empereur n'étaient point encore d'accord sur le siége du congrès. Enfin, on convint du château de Ryswick près la Haye (1).

Les ministres du roi au congrès, étaient les comtes de Harlay, de Creci et de Callières.

Le premier avait été ambassadeur à l'assemblée de Francfort en 1681.

(1) Actes et mém. des négociat. de la paix de Ryswick, par Moetjens.

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