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1700.

avec la cour de Madrid.

» témoignages que vous m'en donnez. » Cette affaire étant ainsi terminée, les négociations au sujet de la succession d'Espagne se renouèrent. Le premier ministre de l'empereur, le comte de Kaunitz, qui avait succédé au comte de Kinski, eut de nouvelles conférences avec le marquis de Villars. Mais celui-ci témoigna ouvertement que sa cour avait de fortes raisons de douter de la sincérité des ouvertures de l'empereur, d'après les démarches que la cour de Vienne avait faites depuis la paix de Ryswick, auprès des principales cours de l'Europe, soit pour renouveler une ligue contre la France, soit pour inspirer des défiances contre elle aux états protestans. Le résultat de ces explications fut que la cour de Versailles refusa d'entrer avec celle de Vienne dans une négociation directe dont l'Angleterre serait exclue, étant déterminée à s'en tenir au traité de partage. L'empereur, de son côté, se montra décidé à ne point y accéder.

La cour de Versailles, sentant que pour le Négociations succès de ses prétentions sur la monarchie espagnole, il lui convenait d'avoir à Madrid, un personnage digne de la difficulté des circonstances, y avait envoyé, en qualité d'ambassadeur, au · mois de décembre 1697, Henri, marquis d'Harcourt, depuis duc et maréchal de France. I avait le génie profond, l'esprit agréable, le caractère calme, liant; et jamais n'était hors

des proportions qu'il faut donner aux choses et aux personnes. Il avait de la magnifieence, de la courtoisie, une représentation noble et aisée, et une physionomie si spirituelle qu'elle se passait de beauté; enfin, une réputation pure, la faveur de sa cour, l'estime des deux peuples et l'envie de doubler la puissance de la France, en conciliant des intérêts qu'une politique illibérale avait jusqu'alors affecté d'opposer.

Les instructions données au marquis d'Harcourt, en partant pour l'Espagne (1), lui recommandaient :

1°. De pénétrer, autant que possible, les dispositions des grands et du peuple, au sujet de la succession du roi d'Espagne ;

2o. De découvrir les mesures secrètes et les démarches des ministres de l'empereur et de les

traverser;

3o. D'éclaircir quel était le parti qui portait l'électeur à la couronne d'Espagne.

Le roi n'avait, point encore fait de démarche publique pour soutenir les droits du dauphin; mais il n'ignorait pas que le parti français était, sans qu'on l'eût cultivé, le plus fort et le plus nombreux. L'influence de ce parti parut sans déguisement, le jour que l'ambassadeur de France fit son entrée publique, qui eut lieu le 15 de

(1) Mém. de Torci, t. I.

septembre 1698, dans un appareil presque royal; il convenait d'éblouir une nation fastueuse à laquelle on aspirait de commander (1). Les gentilshommes des ministres étrangers, montés sur des chevaux de prix, ouvraient la marche. Après eux, venaient vingt-quatre gentilshommes de l'ambassadeur à cheval, vêtus de juste-au-corps, chargés d'une riche broderie. Ils étaient suivis de plus de cent officiers, également à cheval, et d'une trentaine de pages dont les livrées répondaient à la pompe de la

cérémonie.

L'ambassadeur paraissait à cheval, entre le majordome du roi et l'introducteur des ambassadeurs. Beaucoup de voitures élégantes terminaient la marche. Le concours du peuple fut si grand, que le cortége fut souvent obligé de s'arrêter. On entendait en acclamations bruyantes: Vive le roi! vive la France! vive son ambassadeur ! . . . . Charles II reçut le marquis d'Harcourt entouré des premiers officiers de la couronne et des grands d'Espagne. Il passa de là chez la reine, qui l'accueillit avec beaucoup

(1) La mission du marquis d'Harcourt coûta au roi plus de douze millions, et celle du comte de Tallard auprès de Guillaume I, près de dix millions. On voulut par la magnificence et les bienfaits secrets, séduire le peuple, et gagner les grands, susceptibles de se vendre.

d'affabilité, quoiqu'elle fût toute dévouée à l'Autriche.

Revenu chez lui, l'ambassadeur traita à un grand nombre de tables, tout ce qu'il y avait de distingué à Madrid. Des fontaines de vin et de chocolat coulèrent toute la journée, pour le peuple, devant le palais de l'ambassadeur. Il y eut pendant plusieurs jours, chez lui, un libre concours de noblesse et de peuple qui venait voir ses ameublemens d'un goût inconnu à Madrid, mais surtout, pour considérer les portraits du dauphin et des trois princes, ses enfans; et ce pas par un vain luxe, qu'on les offrait aux regards.

n'était

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Cette magnificence et cette attention de plaire à toutes les classes, à tous les rangs, firent dans beaucoup d'esprits, une révolution favorable à la France.

Plusieurs personnages éminens, qui étaient restés en observation et à l'écart, voyant l'ascendant que prenait le parti des Bourbons, songèrent à se rapprocher de la France; et le cardinal Porto-Carrero, qui avait le plus haut crédit à la cour, et dans la nation espagnole, déclara au marquis d'Harcourt, la résolution où il était de s'attacher à la France, malgré la façon de penser très différente de la reine et de ses alen

tours.

A la nouvelle du premier traité de partage

signé à la Haye, le 11 d'octobre 1698, le roi d'Espagne qui avait fait des dispositions en faveur d'un fils de l'empereur, les annula entièrement, et fit à l'instant un nouveau testament, par lequel il institua le prince électoral de Bavière, son héritier universel.

La cour de France qui paraissait toujours tenir au traité de partage, envoya au marquis d'Harcourt,un mémoire qu'il devait remettre au roi dans une audience particulière. Ce mémoire, sans contenir des menaces, laissait entrevoir que le roi ne pourrait souffrir tranquillement un tort aussi grave fait aux droits du dauphin; mais tandis que le marquis d'Harcourt faisait valoir les réclamations de la France, le prince électoral de Bavière mourut à Bruxelles le 8 de février 1699.

Le roi d'Espagne répondit au marquis d'Harcourt en termes généraux, et en manifestant le désir de conserver l'amitié de sa majesté très chrétienne. Cependant Charles 11 voyant que ses rechutes fréquentes donnaient lieu à beaucoup de mesures désagréables, pensa sérieusement à ce qu'il devait faire pour le bien de ses sujets, et chargea le marquis de Castel los Rios, qui partait en qualité d'ambassadeur près la cour de France, de lui déclarer qu'il ne pouvait voir sans surprise qu'il y eût des négociations ouvertes en Angleterre et en Hollande, au sujet de

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