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» seulement sur les choses que vous devez me » mander, mais encore sur la manière de le faire, » dont il s'est certainement rapporté à vous » dans cette occasion. Mais, de quelque manière » que vous vous en soyez'acquitté, le respect et » l'attachement que j'ai pour sa majesté, et l'in» différence où je suis pour toute autre appro» bation que la sienne, m'obligent à détruire par >> cette réponse, les mauvaises impressions qu'on travaille depuis si long-temps à lui don>> ner de moi.

>>

>> J'ai deux choses à dire pour cela; l'une gé» 'nérale, qui est depuis que j'ai eu l'honneur » d'être auprès de sa personne, je n'ai eu que » deux reproches du roi, mon maître : l'un d'a» voir témoigné trop de partialité pour les inté» rêts du Danemarck, dans le temps que j'étais » chargé de la médiation de ses différends avec » d'autres puissances, auxquelles le roi, mon >> maître, trouvait que je me rendais légitime» ment suspect, en soutenant avec trop de cha» leur, la justice qui me paraissait se trouver » dans le parti danois, contre l'oppression qu'on >> lui voulait faire.

» L'autre reproche a roulé sur ce que je n'a>> vais pas quelquefois repoussé avec assez de >> hauteur, les mauvaises chicanes qu'on m'a tant » de fois suscitées dans cette cour-ci, et qui » auraient épuisé la patience de tout prince qui

>> aurait été moins maître de lui-même, que ne

>> l'est le roi mon maître.

>> Pour ce qui regarde le fait particulier d'aujourd'hui, je ne comprends pas qu'on puisse » se prendre à moi de l'exercice du droit d'asile » établi chez tous les ambassadeurs du monde » chrétien, plusieurs siècles avant que je fusse » au monde, et qui ne souffre aucune exten>>sion par l'usage qu'en a fait le comte Schlieben, » au-delà de celle qu'il a eue par la retraite de >> cent scélérats ou meurtriers, que la mauvaise » observation des lois attire chez moi, tous les jours, depuis quatre ans ; sans que personne >> ait trouvé à y redire, hors moi qui souffre >> beaucoup d'une si mauvaise compagnie.

» A l'égard de l'espèce de juridiction que vous >> dites donner atteinte à la souveraineté du roi >> votre maître, cet article renferme une igno>> rance inexcusable en quiconque est en place, » et ne sait pas que les ambassadeurs ont, non » une espèce, mais une véritable juridiction, » pour s'informer de ce qui se passe dans l'en» ceinte de leurs maisons, et qu'ils y peuvent » appeler comme témoins, tous ceux qui veulent >> bien y comparaître; qui est tout ce que j'ai » fait, en faisant prier les sentinelles qui avaient » été relevées devant ma porte, de venir décla>> rer ce qu'elles avaient vu. Après quoi, ren» voyant tout le monde, je me suis réduit à de

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>> mander justice par la lettre que je vous ai écrite, du fait que j'avais éclairci, et duquel je la demande encore aujourd'hui. Pour ce qui regarde l'atteinté donnée, dites-vous, au droit » de souveraineté du roi votre maître, il fau» drait que ce droit s'étendît sur moi et sur ma » maison, ce que je suis sûr que sa majesté ne prétend pas, puisque jamais aucun prince n'a » pensé d'être le souverain des ambassadeurs qui » sont à sa cour, ni de leur suite. Ainsi, Mon» sieur, toutes vos chimères, par ces éclaircisse» mens, feront voir au roi, votre maître, qu'on » cherche à l'engager dans un mauvais parti, auquel son inclination, et la connaissance natu>> relle qu'il a de ses véritables intérêts, a très long-temps résisté contre les mauvais conseils >> d'une cabale. Ce sera donc à eux, Monsieur, » qu'il faudra imputer la mauvaise intelligence >> que vous m'accusez mal à propos de fomentér, » et il ne faudra, pour en convaincre le roi, mon » maître, que lui envoyer la lettre que vous » m'avez écrite, d'après laquelle il ne pourra » douter de quel côté sont les mauvais procédés. >> Je voudrais qu'il me fût aussi facile de décou» vrir la vérité aux yeux du roi votre maître ; » il serait persuadé de mon respect et de mon >> attachement pour sa personne, et du zèle que >> j'ai toujours eu pour affermir et augmenter >> la bonne intelligence entre le roi mon maître,

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1702. Satisfaction au roi

faite

blique de Ve

nise.

» et lui; et il verrait aussi, combien ces senti-
>> mens m'ont aliéné les esprits dans sa cour,
>> qu'il n'a pas tenu à moi, que je ne puisse tou-
» jours me dire, Monsieur, votre, etc. » Cette
lettre peu mesurée ne réussit point, et le comte
de Chamilli fut peu après rappelé par sa cour,
qui ne laissa à Copenhague, qu'un secrétaire de
légation.

L'ambassadeur extraordinaire de Venise, Pisapar la répu- ni, fit au roi une satisfaction publique pour l'objet suivant (1). Deux bannis condamnés à mort par la république de Venise, s'étaient mis sous la protection du duc de Mantoue, et avaient pris parti dans les troupes de France en qualité d'officiers. Arrivés à Venise avec des passe-ports du duc de Mantoue et du comte de Tessé, lieutenantgénéral des armées du roi en Italie, ils s'étaient munis encore de celui de l'ambassadeur de France à Venise, où ils demeurèrent quelques jours; mais à leur départ ils furent arrêtés en mer, à dix milles de la ville, et conduits dans les prisons; ce qui ne put se faire si secrètement que l'ambassadeur de France n'en fût averti, et aussitôt il les réclama. Mais avant que le sénat fût assemblé pour délibérer sur la plainte de l'ambassadeur, ils furent étranglés dans la prison, et exposés de grand matin, au gibet de la place de Saint-Marc. Ce procédé irrita le roi. Le

(1) Mém. manusc. de Saintot, t. II.

pape intervint, et obtint que sa majesté se contenterait des excuses que lui ferait un ambassadeur extraordinaire du sénat. La prière en fut faite au roi, dans une audience publique qu'il accorda le 29 de décembre 1702, au nonce Gualtieri.

Le lendemain, l'ambassadeur extraordinaire de Venise, Pisani, dans une audience encore plus solennelle, présenta au roi une lettre de la république dans laquelle elle lui témoignait le désir de perpétuer la bonne harmonie, et le déplaisir qu'elle ressentait que quelques procédures de justice eussent déplu à sa majesté. Le roi répondit avec autant de fermeté que de dignité.

1702.

Arrestation

deux ministres de Fran

Le marquis de Bonac, envoyé extraordinaire de France en Suède, en 1702, traversant la en Pologne de Prusse ducale, qui, alors appartenait à la Pologne, fut arrêté par quelques troupes du comte ce. Oginski, qui était entièrement dévoué aux intérêts du roi de Pologne (1).

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Cet événement fut peu après, suivi de l'enlèvement du marquis du Héron, envoyé extraordinaire de France vers le roi et la république de Pologne, au moment où il revenait, dans la nuit du 10 au 11 de novembre, d'une assemblée de seigneurs et de dames, qui s'était tenue

(1) Mém. de Lamberty, t. II.

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