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faire, et il partit pour la diète. Masner vint l'y trouver et voulut composer sur l'écrit qu'il avait signé, ou obtenir du moins la relaxation de son` fils, qu'il réclamait comme le prix de la démarche humiliante qu'il avait faite; mais le comte du Luc rejeta ses prières.

Les choses en étaient là, lorsque Philippe de Vendôme, grand prieur de France et frère du duc de Vendôme, passa par la Suisse, au commencement de novembre 1710.

Masner informé de son arrivée, s'embusqua dans le comté de Sargans, baillage alors appartenant à sept Cantons, arrêta le grand prieur, et l'emmena sur les terres de l'Empire, à Feldkirch, après s'être concerté avec le baron de Greuth, envoyé de l'empereur près les LiguesGrises.

Masner consentit que le grand prieur donnât avis de sa détention au comte du Luc. L'ambassadeur en rendit compte au roi par un courrier, et sa majesté lui permit d'agir en son nom, pour procurer l'élargissement du grand prieur. Le comte du Luc se plaignit vivement aux trois Ligues, de ce qu'on avait violé un territoire où la neutralité devait être religieusement gardée, leur demandant justice de Masner, et qu'elles fissent les diligences nécessaires pour remettre en liberté le grand prieur avec les gens de sa suite; mais les ministres de l'empereur et d'An

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gleterre prirent ouvertement le parti de Masner. On publia de part et d'autre ; beaucoup de mémoires, les uns pour justifier sa conduite, et les autres, pour faire sentir son attentat. Les Grisons écrivirent à l'empereur pour la délivrance du grand prieur, et à du Luc pour celle du jeune Masner; mais ils ne purent obtenir ni l'une ni l'autre enfin, à la réquisition du comte du Euc, les trois Ligues convoquèrent à Coire, en mars 1711, une dièté qui condamna Masner à remettre le 15 d'avril suivant, le grand prieur, les gens de sa suite et leurs effets, dans l'endroit où il les avait enlevés, ou dans un autre endroit convenable de la Suisse, sous peine de l'indignation de ses souverains; elle ordonna aussi qu'un tribunal particulier établi à Ilantz, déterminerait quelle punition pouvait mériter l'action de Masner. Cependant, on résolut de renouveler auprès du cointe du Luc, les instances pour la délivrance de son fils. Peu après, la Ligue des dix juridictions, par l'effet des démarches du ministre de l'empereur et de ceux des alliés, élut Masner bailli de Meyenfeld, et il fit son entrée en cette ville, suivi de deux cent quarante chevaux.

Tant d'obstacles ne rebutèrent point le comte du Luc, et ce ministre parvint à faire assembler une chambre de justice à Ilantz, au mois de juin 1711. On y procéda juridiquement. Pendant

l'information, le grand prieur de Vendôme avait été élargi, et quant à Masner, effrayé de la tenue de la chambre de justice, il s'était réfugié à Vienne. Cité trois fois par le tribunal d'Ilantz, pour répondre aux chefs d'accusation portés contre lui, et n'ayant point comparu, le tribunal le déclara le 17 d'août, dégradé de tous ses emplois et banni du pays des Ligues. Sa tête fut mise à prix, et il fut condamné à être écartelé vif, comme criminel de lèze-majesté divine et humaine. Le tribunal ordonna en outre que ses biens seraient confisqués, sa maison rasée, et qu'il serait élevé sur le sol une pyramide infa

mante.

Masner était revenu de Vienne, et s'était réfugié dans le canton de Glaris, presque moribond et perclus de tous ses membres. Son asile ayant été découvert, l'ambassadeur de France demanda qu'il lui fût livré. Masner averti, s'étant jeté à la hâte sur une charrette, se rompit le cou dans une secousse violente, et alla mourir quelques heures après, sur les terres de l'Empire.

L'empereur Charles vi, au congrès de Bade,en 1714, fit demander avec instance la liberté du fils de Masner, et la France la refusa.

Tel fut le résultat de cette affaire singulière et tragique, où l'on usa peut-être de beaucoup de rigueur à l'égard de Masner, en ne lui rendant pas son fils après l'élargissement de Merveilleux;

ce qui le porta à la démarche téméraire sans doute de faire enlever le grand prieur de France; mais s'il méritait châtiment, ce n'était point comme criminel de lèze - majesté divine et humaine. Il paraît que ce fut le crédit du grand prieur outragé, qui donna à cette affaire un caractère aussi fâcheux, et dans laquelle le comte du Luc mit trop de passion.

LIVRE VII.

Conférences de Moerdick et de la Haye.

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Marlborough, du prince Eugène et de Heinsius. - Entretiens de Torci avec Marlborough.

et l'Angleterre.

-

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Conférences de

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Gertruydemberg. —Préliminaires de paix entre la France Événemens de la guerre de la succession d'Espagne, Congrès d'Utrecht. Suspension d'armes entre la France et l'Angleterre. Traité de paix et de commerce entre les mêmes, Traité de paix avec le Portugal, la Prusse et le duc de Savoie. Traité de paix et de commerce avec les Provinces-Unies. sidérations sur la paix d'Utrecht.

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Con

Traités de Rastadt

et de Bade. Considérations sur ces deux traités. Envoi de M. de Mornay en Portugal; ses instructions. →→ Négociations au sujet de la bulle unigenitus. - Traité défensif avec la Suède. Discussion avec l'Angleterre au sujet du canal de Mardick. Ambassade du sophi

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à Louis XIV. Renouvellement de l'alliance avec les
Cantons catholiques. - Mort de Louis XIV; sa politique.
-Coup-d'œil sur la cinquième période.

La guerre entre la France et les alliés se pour-
LA

1709. Conférences

suivait avec des désavantages si marqués pour la de Moerdick. première, qu'elle eût désiré la paix, si elle eût été honorable, ou que même elle n'eût été accompagnée de trop grands sacrifices (1).

(1) Mém. de Torci, t. I.

pas

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